La «woke culture» américaine déchire-t-elle le tissu social français?

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La «woke culture», très prégnante dans les universités américaines, s’implante en France, au point qu’Emmanuel Macron s’en serait inquiété. Ces théories sur le genre, la race... sont-elles une menace pour le modèle français? Analyse pour le Désordre mondial de Jean Messiha, ancien responsable politique, et Éric Verhaeghe, essayiste et journaliste.

L’ingénierie sociale qui façonne la société américaine en faveur d’un politiquement correct militant et intolérant, la culture soi-disant «woke», –«éveillée»– est-elle une menace pour la France? Les théories adoptées par la gauche sur les campus universitaires aux États-Unis et promues de manière agressive sont-elles également un problème pour la République française?

Un article du New York Times, qui a attiré l’attention du public américain il y a quelques jours, revient sur ce danger, soulignant que de nombreux responsables français craindraient que les théories américaines sur la race, le genre ou les études postcoloniales n’alimentent le séparatisme et ne déchirent le tissu social français. L’article revient notamment sur le discours d’Emmanuel Macron sur la «lutte contre les séparatismes», qu’il a prononcé en octobre dernier.

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Le Président y déclarait notamment:

«Nous avons laissé le débat intellectuel à d’autres, à ceux qui sont hors de la République en l’idéologisant, mais parfois à d’autres traditions universitaires. Je pense à la tradition anglo-saxonne qui a une autre histoire et qui n’est pas la nôtre. Et quand je vois aujourd’hui certaines théories en sciences sociales totalement importées des États-Unis d’Amérique avec leurs problèmes, que je respecte et qui existent, mais qui viennent s’ajouter aux nôtres, je me dis que nous sommes déraisonnables à ne pas faire ce choix.»

Macron a-t-il raison à propos des universités américaines et de leur impact sur la société française? Et si oui, quelle est la véritable source du problème?

Quand «d’autres identités fleurissent sur le cadavre fumant de l’identité nationale»

Quand on demande à Éric Verhaeghe, énarque, haut fonctionnaire, essayiste et journaliste économique, si la «woke culture» américaine pourrait avoir un impact en France, il souligne que la question est anachronique:

«Je pense que c’est déjà le cas, puisqu’il suffit d’ouvrir son poste de télévision pour voir des indigénistes, racialistes, nous expliquer qu’on doit déboulonner les neuf dixièmes des statues qu’il y a dans nos rues parce que nous serions coupables des pires choses.»

Jean Messiha, également énarque et haut fonctionnaire, président du cercle de réflexion «Institut Apollon», replace le débat dans son contexte:

«Je crois que depuis une quarantaine d’années maintenant, le monde a été gouverné par une idéologie qui place l’économie au-dessus de la politique et qui place l’agent économique au-dessus du citoyen. Et dans ce monde, le paradoxe, c’est que la notion d’identité nationale, et notamment en France, a été battue en brèche par des élites au nom de l’universalisme français. Et en même temps, on a une exacerbation d’autres identités qui fleurissent sur le cadavre fumant de l’identité nationale.»

D’après l’ancien délégué national pour les études et argumentaires au Rassemblement national, la domination de la gauche sur l’université et sa fascination pour les phénomènes totalitaires n’est pas nouveau:

«Il y a toujours eu dans les universités américaines et aussi à l’université française des extrêmes. Surtout l’extrême gauche. On se rappelle qu’il fut un temps par exemple où le maoïsme et ses millions de morts étaient très bien portés, où la révolution castriste, malgré ses crimes, était super cool et où l’on regardait avec beaucoup d’intérêt la création de l’homme nouveau par les Khmers Rouges au Cambodge, qui consistait à envoyer travailler dans les rizières, sur les routes, tout ce qui était vaguement urbain ou appartenant à la classe moyenne et à les faire crever par centaines de milliers.»

Éric Verhaeghe souligne pour sa part les différences entre les sociétés américaine et française et pourquoi l’importation des idées qui ont cours aux États-Unis est problématique sur le Vieux continent:

«Les idées américaines partent du principe que des gens, quelle que soit leur communauté, ont les mêmes droits et ce qui pose problème dans la "woke culture", c’est cette espèce de relativisme qui consiste à dire "je ne crois pas, je ne pense pas les mêmes choses que toi, mais j’ai autant de droits que toi." Aux États-Unis, on peut comprendre que personne ne puisse revendiquer une ancienneté sur cette terre. En Europe, ce n’est pas la même chose.»
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