Alors que le bruit court sur un imminent remaniement ministériel en Algérie, le Président Abdelmadjid Tebboune a-t-il désavoué le travail de son ministre de la Communication, Ammar Belhimer, sur fond de polémique concernant «le blocage et la censure» de médias électroniques dans le pays?
C’est en tout cas ce que laisse entendre dans un entretien à Tout sur l’Algérie (TSA), Sofiane Djilali, président du parti d’opposition Jil Jadid (Nouvelle génération) qui a rencontré dimanche 14 le chef de l’État lors d’un tête-à-tête dans le cadre des concertations avec les formations politiques sur la nouvelle loi électorale.
«Un remaniement partiel assez rapidement»
Après une hospitalisation de plusieurs mois en Allemagne en raison du Covid-19, le chef de l’État algérien est rentré le 12 février en Algérie.
«Il [le Président, ndlr] m’a paru en forme», affirme M.Djilali qui souligne qu’Abdelmadjid Tebboune «reprend activement sa fonction […]. Il m’a lui-même confirmé que son dossier santé était maintenant clos et sans suite».
Durant l’absence du Président, plusieurs voix se sont levées dans le pays pour dénoncer la manière avec laquelle certains ministres géraient leur secteur.
À ce titre, Sofiane Djilali annonce que «concernant le gouvernement, il a clairement dit qu’il envisageait un remaniement partiel assez rapidement». Le Président «a jugé que certains départements ministériels ne donnaient pas grand-chose et qu’il fallait remédier à ces faiblesses».
Quid du secteur de la communication?
La nouvelle Constitution promue par le Président algérien qui, selon lui, est la pierre angulaire sur laquelle va se construire la nouvelle Algérie depuis son adoption par référendum en décembre 2020 stipule clairement qu’aucun site d’information «ne peut être suspendu sans une décision de justice». Or, plusieurs médias sont censurés dans le pays, à l’instar de TSA qui est bloqué depuis le 12 juin 2019, soit six mois avant l’élection de M.Tebboune au poste de Président.
«Concernant le champ médiatique», poursuit le chef de Jil Jadid, «le Président m’a confirmé qu’il s’agissait d’un dossier extrêmement important et qu’il sera traité en profondeur par un exécutif légitime qui sera installé après les élections [législatives anticipées, prévues probablement en juin, ndlr]».
Et de déplorer que «pour ma part, je ne comprends pas pourquoi des sites d’information sont bloqués». «Sincèrement, pour le bien de tous, mieux vaut avoir affaire à des sites professionnels qui traitent librement l’information qu’à des réseaux sociaux en furie qui polluent le champ médiatique», soutient-il.
Les justifications du ministre
Dans un entretien accordé au site Express, Ammar Belhimer affirme que, «motivés par une mauvaise foi ou par ignorance, certains incombent à tort» cette situation «au ministère de la Communication et interprètent cela comme de la "censure"».
«À cet effet, nous tenons à préciser que ces "blocages", ou je dirais plutôt interruptions, sont dus à des problèmes techniques, notamment la mauvaise connexion qui n’est nullement du ressort du ministère la Communication», assurait-il.
Or, dans une déclaration à Sputnik, Hamid Guemache, directeur de TSA, estime que les causes avancées par le ministre ne sont pas convaincantes. «Si le problème, comme le dit M.Belhimer, tenait à une question de coupure Internet, dans ce cas-là, même en passant par un VPN, notre site ne serait pas accessible, alors que ce n’est pas le cas [...]. Ce que je constate sur le terrain, c'est plutôt une lutte contre les médias électroniques indépendants», déplore-t-il.
Un limogeage arbitraire?
Le site Algérie62 qui dénonce également sa censure, tout comme Inter-Lignes, évoque dans un article le limogeage «injustifié» de la responsable nommée par Abdelmadjid Tebboune au ministère de la Communication pour réorganiser le secteur des médias électroniques.
Une journaliste de 20 ans de carrière «a été brutalement virée sans aucune explication» pendant l’absence du Président qui se trouvait alors en Allemagne. Une responsable qui a convaincu «par sa spontanéité et son engagement».
L’intéressée ayant été nommée par deux décrets présidentiels et limogée sans aucune notification, Algérie62 appelle la Présidence de la République et le ministère de la Communication à faire toute «la lumière» sur cette affaire aux répercussions négatives sur «les institutions de la République».