La démission de Julie Payette fera-t-elle sortir le Canada de l’orbite de Buckingham?

© AFP 2023 BLAIR GABLELa gouverneure du Canada Julie Payette
La gouverneure du Canada Julie Payette - Sputnik Afrique, 1920, 09.02.2021
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Au Canada, la démission du gouverneur général entraîne une remise en question du rattachement à la couronne britannique. Julie Payette est accusée d’avoir instauré un climat de travail «toxique» dans son bureau. Selon Frederic de Natal, spécialiste des monarchies, le choix du prochain gouverneur général sera crucial. Entrevue.

Rien ne va plus pour la couronne britannique au Canada. Sur ce pays toujours doté du statut de monarchie constitutionnelle règne le souverain britannique, représenté sur place par le gouverneur général du Canada. Or, le 21 janvier dernier, la représentante d’Élisabeth II à Ottawa, Julie Payette, a dû démissionner. La célèbre ex-astronaute est accusée d’avoir instauré un climat de travail toxique à Rideau Hall, résidence officielle du gouverneur général –et du monarque– dans la capitale fédérale.

Humiliations, crises, hurlements: une tache au dossier de la monarchie

Le document de 130 pages fait état d’une situation invivable pour le personnel sur le plan psychologique.

«Pour le bien de notre pays, pour l’intégrité de ma fonction vice-royale et de nos institutions démocratiques, je suis arrivée à la conclusion qu’un nouveau gouverneur général devrait être nommé. Les Canadiens méritent la stabilité en ces temps incertains», a déclaré Julie Payette en annonçant sa démission.

Ces événements ont vite relancé le débat sur la pertinence de la monarchie au Canada, et ce, particulièrement au Québec, province historiquement plus hostile à la couronne. Des observateurs se sont notamment interrogés sur les coûts, jugés faramineux, que représente le maintien de la monarchie pour les contribuables. Selon les chiffres de la Ligue monarchiste du Canada, pour 2011-2012, le coût total de la monarchie au Canada a frôlé les 57 millions de dollars.

Un acte sans précédent

Journaliste et spécialiste des monarchies, Frederic de Natal estime que l’affaire Julie Payette porte un coup dur à la monarchie, en plus d’embarrasser Buckingham et la reine Élisabeth II elle-même.

«C’est la première fois qu’un gouverneur général démissionne au Canada. Ce n’est pas banal. La famille royale n’a pas réagi, car elle n’a pas à le faire, mais il y a un agacement. […] Il est clair que la couronne espère qu’une autre affaire de ce genre n’aura pas lieu», souligne-t-il à notre micro.

Selon un sondage réalisé début janvier dernier par la firme Léger, les trois quarts des Québécois sont favorables à l’abolition de toute monarchie au Canada.

Élisabeth II et Justin Trudeau, juillet 2017 (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 05.08.2020
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«Je n’ai jamais vu pires chiffres pour la monarchie [au Québec, ndlr] depuis que je réalise des sondages», a déclaré Jean-Marc Léger, président de l’institut de sondage auquel il a donné son nom.

Du côté du Canada anglais, ils seraient environ 38% à souhaiter l’abolition de la monarchie constitutionnelle, selon une étude de l’année dernière.

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Dans ce contexte, il paraît évident que le choix du prochain gouverneur général sera «scruté à la loupe», en déduit Frederic de Natal. Il estime que le mandat de la prochaine personne choisie consistera surtout à «redorer le blason» de la fonction. 

«Il a toujours été clair que Londres et Buckingham n’avaient plus à se mêler des affaires internes du Canada. D’ailleurs, on voit que la faute est surtout attribuée à Justin Trudeau dans la presse, car c’est tout de même au Premier ministre qu’il revient de nommer le gouverneur général. En impliquant directement la reine, c’est l’image de la royauté que Justin Trudeau a écornée par défaut», poursuit le journaliste.

Dans la foulée de la démission de Julie Payette, des organisations et des personnalités autochtones ont proposé que le prochain gouverneur général fasse partie de l’une des Premières Nations du Canada (terme désignant les Amérindiens). Une démarche qui s’inscrirait dans une plus grande reconnaissance de la diversité, thème désormais central de la vie politique au pays de la feuille d’érable.

«Si un membre des Premières Nations occupait cette fonction, cela accélérerait et encouragerait le dialogue et la reconnaissance du rôle joué par les Autochtones, les Français et les Anglais qui ont bâti ce pays», a déclaré Arlen Dumas, le grand chef de l’Assemblée des chefs du Manitoba.

Selon Frederic de Natal, ce projet a toutefois peu de chances d’aboutir:

«C’est un faux débat. D’abord, parce que des personnes autochtones ont déjà été nommées à des postes représentant la couronne. En 2007, un autochtone a été nommé lieutenant-général de la Colombie-Britannique. Il n’y a pas non plus de consensus chez les Amérindiens sur cette question. […] En fin de compte, la couronne est au-dessus de ces enjeux», conclut Frederic de Natal.
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