Le nouveau secrétaire d’État américain, Antony Blinken, s’est engagé à réétudier de «manière très urgente» le cas des houthis, classés par Donald Trump dans la liste des organisations terroristes. La nouvelle Administration US réexamine donc le dossier du Yémen, État le plus pauvre du Moyen-Orient, ravagé par la guerre depuis plusieurs années. Un message à tous les acteurs régionaux?
Pour Thierry Coville, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de l’Iran, cette annonce prépare le terrain afin de renouer le dialogue avec Téhéran. L’objectif est de passer un nouvel accord sur le nucléaire.
«Cela crée un contexte plus favorable pour le déroulement de ces négociations. Même si celles-ci s'annoncent difficiles.»
Les liens entre les houthis, chiites, et Téhéran, protecteur de cette confession, sont avérés et assumés, tient à rappeler le chercheur. Le Yémen pourrait donc constituer une pièce maîtresse dans de futurs pourparlers sur l’accord nucléaire. Téhéran est prêt à revenir à la table des négociations si les USA lèvent les sanctions.
Iran ou Arabie saoudite, dilemme cornélien pour Biden?
«Les houthis contrôlent une part du territoire où vivent 80% des Yéménites. Nous devons nous assurer que nos décisions n’entravent pas la livraison de l’aide humanitaire», a déclaré le secrétaire d’État américain, Antony Blinken.
Blinken parle de la guerre au #Yemen comme l’une des pires crises humanitaires actuelle. Il annonce que Département d’Etat est en train de revoir désignation par l’administration Trump des Houthis comme groupe “terroriste” car l’urgence : faire parvenir aide humanitaire au Yemen. pic.twitter.com/CU22LPWrUv
— Sonia Dridi (@Sonia_Dridi) January 27, 2021
En effet, les houthis font partie intégrante de la société civile yéménite. Aujourd’hui, la milice contrôle un quart du territoire et les trois quarts du Yémen utile avec la capitale Sanaa et l’un des principaux ports, Al-Hodeïda, situé dans le golfe d’Aden. C’est devenu la principale force militaire et politique du pays. Après les 200.000 morts et les nombreuses destructions dues aux hostilités, la décision de Donald Trump a accentué la catastrophe humanitaire sur place.
En souhaitant revenir sur cette mesure, Joe Biden et son équipe montrent donc leur intention de parvenir à une sortie de crise, affirme Thierry Coville au micro de Sputnik. En outre, le candidat démocrate n’avait pas hésité à critiquer la coalition arabe, condamnée par la communauté internationale pour de nombreuses bavures dans ce conflit.
«Sous l’Administration Biden-Harris, nous allons réévaluer nos relations avec le royaume [d’Arabie saoudite, ndlr], mettre fin au soutien américain à la guerre de l’Arabie saoudite au Yémen et nous assurer que l’Amérique ne mette pas ses valeurs à la porte pour vendre des armes ou acheter du pétrole», déclarait le candidat Biden en octobre dernier.
Si le département d’État américain revoit la désignation des houthis, cela sera considéré comme un pied de nez à Riyad. Ce qui va aussi à l’encontre de la politique Trump qui avait multiplié les mesures en faveur de l’Arabie saoudite.
«Cela démontre que les États-Unis seront désormais plus critiques dans leur relation avec l’Arabie saoudite», estime le chercheur, avant de tempérer: «La politique américaine a notamment toujours pour objectif de réduire l'influence de l'Iran dans la région. Donc, leurs alliances régionales avec les pétro-monarchies du Golfe restent importantes pour atteindre cet objectif.»
En effet, un revirement d’alliance au Moyen-Orient est à ce jour impensable tant l’objectif premier de Washington est de contenir la présence iranienne. L’alliance avec l’Arabie saoudite est ancienne. Elle a survécu à plusieurs changements de conjoncture: lutte contre le nationalisme arabe, lutte contre l’influence soviétique, financement des mouvances djihadistes et rapprochement avec Israël… Une entente historique qui a traversé les décennies.