L’honneur présidentiel est sauf. L’Algérie a reçu ce vendredi 29 janvier un premier lot de Spoutnik V, vaccin russe contre le Covid-19. Développé par le Centre Gamaleïa de recherche en épidémiologie et microbiologie, ce vaccin a été livré à l’aéroport militaire de Boufarik (à 30 kilomètres au sud d’Alger) et permettra, dès le lendemain, de débuter la campagne nationale de vaccination contre le coronavirus. L’engagement public pris par Abdelmadjid Tebboune le 20 décembre depuis l’Allemagne où il était en convalescence a donc fini par se réaliser, in extremis.
لقد أصدرت أوامر للسيد الوزير الأول أن يترأس فورا اجتماعا مع اللجنة العلمية المكلفة بمتابعة الوضعية الوبائية، لاختيار اللقاح الأنسب ضد فيروس كوفيد 19, لبدء عملية التلقيح ابتداء من شهر جانفي 2021
— عبدالمجيد تبون - Abdelmadjid Tebboune (@TebbouneAmadjid) December 20, 2020
Légende: Tweet du Président algérien dans lequel il donne instruction au Premier ministre de choisir le vaccin adéquat anti-Covid-19 et de lancer la campagne de vaccination dès janvier 2021
«Attentisme»
Le 31 décembre, Abderrahmane Benbouzid, ministre algérien de la Santé, annonce la signature d’un contrat entre le l'Institut Pasteur d’Algérie (IPA) et le Centre Gamaleïa pour l’acquisition de Spoutnik V. Mais pour des raisons encore inconnues, le vaccin tarde à arriver. La situation tourne vite à la cacophonie. Des professionnels de la santé publique n’hésitent pas à pointer l’incapacité du ministère de la Santé à mener à bien l’opération d’importation du vaccin. C’est le cas du docteur Mohamed Bekkat Berkani, président de l'ordre national des médecins, qui dénonce le comportement «attentiste» des autorités sanitaires algériennes en matière de sélection et de commande du vaccin.
«Quel que soit le vaccin qui est choisi, le marché s’est beaucoup rétréci par notre indécision parce que nous avons marqué des temps d’arrêt en disant que nous attendons tel organisme ou tel autre. Nous nous sommes contentés d’imposer à notre peuple les gestes barrières qui sont très utiles au demeurant, mais pour trouver une solution définitive, ce sont les vaccins qui sont souverains. Les grands laboratoires ont reçu des commandes d’après nos informations, donc finalement le marché s’est probablement rétréci concernant la disponibilité et la pluralité des vaccins», expose le Dr Mohamed Bekkat Berkani dans une interview au journal électronique Tout sur l’Agérie.
Dans le même média, le professeur Kamel Bouzid, président de Société algérienne d’oncologie médicale, charge à son tour le ministre de la Santé: «La forte pression sur le vaccin, il fallait l’anticiper». Connu pour son franc-parler, le professeur Bouzid n’hésite pas à critiquer ouvertement la gestion du dossier vaccin.
«L’Algérie est très en retard dans la vaccination. Il aurait fallu prendre ses dispositions dès le mois de juillet, ce qu’ont fait d’autres pays. Débarquer fin décembre pour dire "on va vacciner en janvier", même le Qatar avec ses moyens ne le ferait pas», insiste-t-il.
«Est primum non nocere»
Contacté par Sputnik, le Professeur Mohamed Belhocine, membre du Comité scientifique de suivi de l'évolution du Covid et président de la Cellule d’investigation et de suivi des enquêtes épidémiologiques, indique que le plus important est «que la campagne débute dans les délais prévus par le Président de la République»
«Il y a eu effectivement des annonces des uns et des autres, mais ne faisant pas partie de l’équipe qui s’est occupée directement du vaccin, donc je ne peux pas faire de commentaire sur ce qui s’est passé», souligne-t-il.
«L’innocuité est importante car dans la médecine hippocratique, le principe de base est primum non nocere (en premier, ne pas nuire). Nous devons avoir la certitude que ce vaccin ne provoquera pas de problèmes inattendus graves. Nous devons également nous assurer qu’il entraine bien l’effet recherché avec le développement des anticorps dans l’organisme de la personne vaccinée. Enfin, nous avons passé en revue les modalités pratiques d’utilisation en prenant en compte la logistique, le nombre d’injections et les méthodes de conservation. Il faut que tout ceci soit à la portée d’un service de santé sans que cela devienne trop lourd ou trop couteux à utiliser», indique le professeur.
Les autorités algériennes pourraient également recevoir des lots de vaccins produits par le groupe pharmaceutique suédo-britannique AstraZeneca et par Sinovac. Le professeur Belhocine estime que «l’Algérie est du côté de la sécurité, du côté rassurant» en optant pour des vaccins à vecteur viral (russe et suédo-britannique) et inactivé (chinois).
«Mais cela n’empêchera pas de continuer à surveiller les effets secondaires car ce sont de nouveaux vaccins. Nous sommes dans une situation d’urgence de santé publique majeure car cette pandémie a mis en difficulté la vie sociale et économique de tous les pays. Si cette vaccination permet de réduire le nombre de cas grave, alors c’est un bon à prendre. C’est une percée importante pour lutter contre la pandémie», conclut Mohamed Belhocine.