C’est jour de noces pour Alstom.
Ce vendredi 29 janvier, le fleuron français du ferroviaire officialise son rachat du Canadien Bombardier. Les articles se multiplient afin de saluer la naissance du «nouveau n° 2 mondial» du rail, derrière le chinois CRRC. Les heures sombres où le Français –affaibli par l’amputation de sa branche énergie par General Electric– était en passe d’être avalé par Siemens semblent dorénavant bien loin.
Dans sa nouvelle configuration, Alstom déploiera 75.000 collaborateurs dans 70 pays. Un chiffre amené à se réduire, non par des suppressions de poste, mais à cause des exigences de Bruxelles. En effet, si Alstom doit son salut à la Commission européenne, qui a fait avorter en 2019 le projet de «fusion entre égaux» avec Siemens Mobility, qui aurait permis à ce dernier de prendre progressivement le contrôle du Français, l’exécutif européen a imposé des sacrifices aux nouveaux mariés.
Des sacrifices au nom de l’Europe
Fin juillet, la Commission donnait son feu vert à l’opération, sous conditions de plusieurs cessions d’actifs en Europe afin d’y préserver la concurrence. Alstom doit ainsi renoncer à sa gamme de trains Coradia Polyvalent (Regiolis) et à son site de production de Reichshoffen. Quant au Canadien, il cède ses trains de nuit à grande vitesse Zefiro, développés avec le japonais Hitachi, ainsi que l’usine Hennigsdorf en Allemagne. Le tout serait en passe d’être repris par le Tchèque Skoda Transportation.
Si en France, on se réjouit de l’opération, la perception est plus mitigée dans la presse canadienne. Bien plus qu’en France, l’idée de voir partir un nouveau fleuron aux mains d’une entreprise étrangère chagrine. Pour autant, les Canadiens sont loin d’abandonner leur pépite. Dans le cadre des négociations entre Alstom et Bombardier, on observe un investissement massif de la Caisse des Dépôts et Placements du Québec (CDPQ), alors même que côté français, l’actionnaire de référence d’Alstom –Bouygues– se désengage, ouvrant une autoroute aux intérêts canadiens qui deviennent… les premiers actionnaires de la nouvelle entreprise.
Les Canadiens à la barre du nouvel Alstom
En novembre, Alstom a procédé à plusieurs augmentations de capital, dont une réservée à la CDPQ et à Bombardier (Alstom n’acquiert que la branche ferroviaire de ce groupe, qui recentre ses activités sur l’aviation d’affaires) pour des montants respectifs de 2,63 milliards et 500 millions d’euros.
Le site Dogfinance, qui revient en détail sur ces opérations successives de cession du Français, soulève d’ailleurs l’hypothèse d’une politique d’intégration verticale menée par le fonds de pension canadien, soulignant que ce dernier est également actionnaire majoritaire d’Eurostar et la société Keolis, qui restent pour l’heure sous le contrôle de la SNCF. Bref, les Canadiens ont une stratégie.
Cette réalité financière tranche avec le discours que les analystes tiennent dans les médias, tant en France qu’au Canada. En effet, lors de la tentative de rachat de Carrefour par le Canadien Couche-tard, à la volonté de Bruno Le Maire de conserver dans le giron français le n° 3 mondial de la grande distribution, ses partisans opposaient l’argument qu’Alstom rachetait un fleuron canadien. Un raisonnement également repris outre-Atlantique, où l’on regrettait que les Français perçoivent leurs cousins comme des prédateurs.
Reste à savoir, sur le long terme et suivant la politique d’Alstom, qui sera à présent impulsée par la CDPQ, qui aura vraiment été la proie de cette opération de fusion.