«Aucun lien n’a été établi jusqu’à présent entre la radicalisation, le séparatisme ou l’islamisme et l’instruction en famille.»
En voulant lutter contre le séparatisme islamiste, le gouvernement s'est attiré les foudres de l'opposition... de droite. Ainsi Julien Ravier, député Les Républicains des Bouches-du-Rhône, s’insurge-t-il contre ce qu’il estime être une «atteinte à nos droits fondamentaux». Car en vertu de l'art. 21 du projet de loi «confortant les principes républicains», il ne sera plus possible de scolariser ses enfants à la maison pour «d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant». Autrement dit, les motifs politiques, religieux et personnels, quels qu'ils soient, ne seraient plus acceptés pour justifier l’école à domicile. De quoi faire hurler les défenseurs de la liberté d'éducation des familles.
«L’enfant n’appartient à personne et c’est son intérêt qui doit primer», a martelé Jean-Michel Blanquer le 18 janvier dernier, alors que s’ouvrait l’examen du projet de loi devant une commission spéciale de soixante-dix députés. L’objectif du gouvernement est de lutter contre le risque de communautarisme que ferait courir l’instruction à domicile... au risque de pénaliser tous les foyers qui veulent y avoir recours.
Une atteinte à la liberté d’instruction?
Julien Ravier a déposé plusieurs amendements en commission spéciale afin d’infléchir la modification de l’instruction à domicile. Il rappelle une donnée statistique: «Le motif religieux ne concernerait en réalité que 0,5% des 50.000 enfants sous régime d’instruction en famille.» «On ne peut pas remettre en cause une liberté d’instruction héritée de Jules Ferry pour si peu», s’agace l’élu au micro de Sputnik.
«C’est une atteinte au droit naturel des parents de choisir l’éducation et l’instruction qu’ils donnent à leurs enfants», confirme le politologue Guillaume Bernard, spécialiste des institutions françaises et maître de conférences à l’Institut catholique de Vendée (ICES).
Une «mesure totalement disproportionnée»
«Le gouvernement prend une mesure disproportionnée par rapport à l’objectif affiché: sous prétexte d’empêcher l’islamisation d'un petit nombre, on va détruire la liberté de tous. Tous les enfants qui font l’école à la maison ou qui sont dans une école hors contrat ne sont bien évidemment pas tous concernés par la dérive islamiste», avance-t-il ainsi au micro de Sputnik.
«La liberté d’instruction, qui comprend la liberté d’instruction en famille, est une liberté qui a valeur constitutionnelle», complète le député Julien Ravier.
«Le régime d’autorisation est en réalité un régime où la liberté va devenir l’exception», déplore Julien Ravier.
«L’instruction en famille se fait principalement en raison de handicaps, de rythme d’apprentissage ou de convictions pédagogiques, davantage que pour des raisons religieuses», avance le parlementaire avant d’enfoncer le clou: «Ce texte risque de stigmatiser les parents qui recourent à l’instruction en famille pour toutes ces raisons-là.»
Également conseiller municipal à Marseille, l’élu de droite dénonce un interventionnisme mal venu: «On touche à une formule qui fonctionne plutôt bien en réalité. Le régime de déclaration avec des contrôles, tel qu’il est pratiqué actuellement, peut nous prémunir de tout risque de foyer séparatiste.»
«Technostructure» et «égalitarisme républicain»
La lutte contre le séparatisme serait-elle le seul motif de cette limitation? Pour Julien Ravier, les difficultés logistiques et techniques qu’implique l’instruction à domicile pour l’Éducation nationale pourraient également peser dans la balance.
«On a l’impression que c’est la technostructure de l’Éducation nationale qui a envie d’en finir avec l’instruction en famille pour des raisons essentiellement administratives et technocratiques, indifféremment du respect d’une liberté constitutionnelle», soupçonne le député LR.
Outre la lutte contre la menace islamiste, Guillaume Bernard décèle une possible volonté d’imposer l’universalisme républicain au plus grand nombre.
«La logique très profonde et très ancienne derrière tout cela, c’est le souci d’un certain égalitarisme. C’est l’idée que les enfants doivent absolument passer sous les fourches caudines d’un système unitaire», accuse Guillaume Bernard au micro de Sputnik.
Plus fataliste, le politologue estime qu’une limitation de l’instruction à domicile ne changera certainement pas la donne dans la lutte contre le séparatisme ou le communautarisme religieux.
«Que l’instruction se fasse à la maison ou à l’école, les familles ou les groupes sociaux continueront à exercer leur influence sur les plus jeunes. Si un groupe social veut radicaliser des enfants ou des adolescents, il le fera quand même. Ceux qui veulent s’islamiser pourront toujours le faire ailleurs», conclut-il.