Annulation du projet d’oléoduc Keystone XL: première gifle de Joe Biden au Canada?

© AP Photo / Danny JohnstonUn oléoduc, image d'illustration
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Les Canadiens ont appris que Joe Biden annulerait le projet d’oléoduc Keystone XL, qui devait relier le Canada aux États-Unis. Une perspective qui inquiète Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, et des milieux économiques. Mais pour Jean-François Thibault, expert du secteur énergétique, les Démocrates sont plus Verts qu’on ne le croit.

Avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, les Canadiens pourraient rapidement déchanter, bien qu’ils aient en majorité bien accueilli son élection.

Des médias canadiens ont appris que le nouveau Président pourrait, dès son entrée en fonctions, annuler le décret présidentiel autorisant l’oléoduc Keystone XL à franchir le territoire américain. L’oléoduc est censé transporter du pétrole depuis la province de l’Alberta, dans l’Ouest canadien, jusqu’à l’État américain du Nebraska, ainsi qu’aux raffineries du Texas. Joe Biden s’était engagé durant la dernière campagne présidentielle à empêcher la concrétisation de ce projet, vivement critiqué par de nombreuses organisations écologistes comme Greenpeace. 

Inquiétude et déception au Canada, surtout en Alberta 

L’industrie du pétrole générant des milliards de dollars de revenus annuels au Canada, la nouvelle a rapidement suscité l’inquiétude, particulièrement en Alberta, où des milliers de personnes pourraient se retrouver sans emploi.

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Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, est intervenu publiquement pour défendre le projet. Le chef du Parti libéral du Canada a aussi déclaré qu’il allait s’entretenir avec Joe Biden pour tenter de le convaincre de revenir sur sa décision.

«Ça fait des années que j’appuie ce projet de Keystone XL», a souligné Justin Trudeau le 19 janvier lors d’un point presse. «Nous allons continuer de le défendre et j’ai hâte de discuter avec le Président Biden au cours des prochains jours pour parler de cette question et de bien d’autres», a-t-il ajouté.

Ingénieur électrique et expert du milieu énergétique canadien, Jean-François Thibault souligne en entrevue que «le projet Keystone ne cadre tout simplement pas avec la vision des Démocrates.» Le fait que Joe Biden et le Premier ministre Trudeau soient tous deux des dirigeants «progressistes» a donc peu de chances de faire tourner le vent à Washington, estime-t-il:

«On parle de milliers d’emplois rémunérés et cinq Premières Nations participaient activement au projet comme actionnaires. Sur le plan technique, les stations de pompage devaient être alimentées à 100% avec de l’énergie propre. Malgré ça, les intentions des Démocrates semblent très claires. […] Ça donnerait vraiment le ton à l’arrivée de Biden. Ce serait un symbole», explique Jean-François Thibault au micro de Sputnik. 

De fait, les Démocrates se sont engagés à ce que les États-Unis reviennent dans l’Accord de Paris sur le climat et ont prévu investir massivement dans les énergies renouvelables. Rappelons que Donald Trump avait retiré son pays de cet accord en 2017, soit deux ans après sa ratification.

«Nous sommes loin de l’âge d’or du pétrole canadien»

Selon Jean-François Thibault, malgré les discussions à venir, il serait quand même étonnant de voir Trudeau faire des pieds et des mains pour convaincre son homologue américain des bienfaits du projet. «Nous sommes loin de l’âge d’or du pétrole canadien», tranche-t-il, expliquant que l’industrie très controversée des sables bitumineux semble toucher à sa fin.

«C’est certain que cette décision ne doit pas faire plaisir au gouvernement canadien. Cependant, il serait étonnant de voir Justin Trudeau se porter à la défense du projet avec autant de mordant que le Premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, qui en a fait un cheval de bataille. L’électorat-cible du Parti libéral du Canada n’a jamais été très favorable à l’industrie des sables bitumineux. Ici, c’est une question d’intérêt politique», analyse notre interlocuteur. 

L’annulation de Keystone XL pourrait-elle ébranler l’unité canadienne? Curieuse hypothèse pour les non-initiés, mais tout à fait plausible pour Jean-François Thibault. Ce dernier rappelle qu’un «sentiment d’aliénation» est de plus en plus présent dans l’Ouest canadien, en raison des obstacles que rencontre de plus en plus souvent l’industrie du pétrole, toujours au cœur de l’économie albertaine.

En Alberta, un mouvement sécessionniste a même le vent en poupe depuis la réélection de Justin Trudeau, en octobre 2019. Les Albertains sécessionnistes estiment ne plus se reconnaître dans le Canada libéral de Trudeau et jugent injuste le système de péréquation, qui transfère certains revenus des provinces les plus riches aux provinces les plus pauvres. Jean-François Thibault estime peu probable la séparation de l’Alberta, mais constate l’émergence d’un «régionalisme» de plus en plus grand:

«Le développement de la filière énergétique de l’Ouest canadien n’est pas perçu, notamment par les Ontariens et les Québécois, comme faisant partie de l’intérêt national canadien. On comprend qu’il s’agit d’un pan important de l’économie de l’Alberta, mais il reste que les Canadiens de l’Est du pays n’ont pas de sentiment d’appartenance envers cette industrie. Certains ont même honte de l’image que cette industrie projette sur la scène internationale», conclut-il.
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