«Pensez-vous que le dispositif actuel permet de lutter efficacement contre les trafics?» «Seriez-vous favorable à la possibilité pour les particuliers de cultiver à des fins personnelles un nombre de pieds de cannabis fixé par la loi?». Ce sont deux exemples de questions sur lesquelles les Français sont invités à se prononcer anonymement dans le cadre de la consultation citoyenne en ligne lancée mercredi 13 janvier par une mission parlementaire sur le cannabis «récréatif». Un stupéfiant dont la consommation, la possession et la vente sont interdites en France.
Pour cette mission parlementaire, composée de 33 députés de tous bords politiques (LREM, LR, MODEM, LFI, UDI, socialistes et apparentés), il s’agit de «dresser le bilan des politiques publiques menées en matière de prévention et de répression des trafics et usages du cannabis.»
Faire le bilan des politiques publiques sur la marijuana
L’objectif étant notamment «de proposer un panorama des expériences étrangères de légalisation ou de dépénalisation et de contribuer à une réflexion sur l’éventuelle évolution du cadre réglementaire français relatif à cette substance.»
Hé les gars et les filles, allez-y doucement sur le site de @AssembleeNat ....le serveur a explosé de vos nombreuses contributions 😁
— FM LAMBERT (@fm_lambert) January 13, 2021
On a jusqu’au 28 février pour dire que l’on veut la #legalisation #cannabis 💪😉 https://t.co/9DMqFZ4LAu
Or, comme ils l’expliquent, cette réflexion ne peut être envisagée sans une «écoute attentive des attentes des citoyens.»«On a ce groupe de députés, transpartisan, qui promeut un changement de pratique, ouvre et fait vivre un débat que l’on n’a pas eu depuis des années. C’est une approche qui est objective: on met arguments contre arguments, idées contre idées. Puis, on essaie de sortir un projet qui est cohérent», se félicite Béchir Saket au micro de Sputnik.
Juriste et porte-parole de l’organisation L630, spécialisée dans le droit des drogues, il estime que cette démarche parlementaire est le signe d’une «révolution d’un point de vue des cultures.»
Des élus contre la légalisation de «cette merde»
Est-ce en effet un tabou qui est sur le point de tomber? Béchir Saket observe que jusqu’à présent, sur la question des drogues, «on est face à une difficulté culturelle»:
«Les gens en consomment et on ne veut pas les reconnaître dans l’espace public. On ne veut pas légiférer sur le sujet, mais lorsqu’on le fait, c’est pour donner des gages politiques. Donc, on n’a pas de politique pragmatique, concrète, objective sur cette thématique.»
En témoigne la sortie de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, qui s’était opposé en septembre à la légalisation de «cette merde».
Pour Gérald Darmanin, la dépénalisation du cannabis est "une lâcheté" pic.twitter.com/9SM00T3nQ7
— BFMTV (@BFMTV) September 7, 2020
Dans une tribune publiée en octobre dernier dans le JDD, 80 parlementaires issus des rangs des Républicains et apparentés, lui avaient emboité le pas.
«Psychose, schizophrénie, dépression, échec scolaire, déscolarisation, désocialisation… Les drames liés au cannabis sont nombreux. Nous partageons les mots du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin: “La drogue, c’est de la merde!”» écrivaient-ils.
Ainsi, ils avançaient que «les trafiquants et importateurs doivent être sévèrement punis par la justice, et des moyens doivent être donnés à nos forces de l’ordre.»
«Il faut vraiment être naïf pour croire que les réseaux criminels vont se laisser si facilement enlever les gains immenses du trafic de cannabis. Légaliser la vente de cannabis conduira les vendeurs actuels à se tourner vers la vente d’autres substances encore plus dangereuses et nocives!», expliquaient les 80 députés et sénateurs.
Les Français, premiers consommateurs de cannabis en Europe
Pour Béchir Saket, ce positionnement démontre qu’actuellement, ce qui bloque les avancées sur le cannabis, «ce n’est pas l’opinion publique, ni les médecins ou une majorité d’addictologues, qui souhaitent sa régulation», mais «cette mentalité politique qui tend à considérer que la prohibition est un paradigme indépassable.»
«De manière générale, ils ont une position qui est profondément idéologique», tonne le juriste.
Il en veut notamment pour preuve que depuis la promulgation de la loi du 31 décembre 1970 relative aux «mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie, et la répression du trafic et de l’usage illicite des substances vénéneuses», les différents gouvernements n’ont eu de cesse d’empiler de nouveaux dispositifs prohibitifs.
«C’est ce que le juriste Yann Bisiou définit comme le principe d’autopoïèse. C’est-à-dire que le système se nourrit par lui-même: on va faire une loi de répression, elle ne marche pas donc on va se dire que c’est parce qu’il n’y a pas assez de répression, donc on va faire encore une nouvelle loi.»
Au-delà de la lecture politique sur cette question de société, cette consultation va enfin permettre à tous les citoyens de pouvoir s’exprimer, du mercredi 13 janvier au 28 février, mais surtout d’être entendus, se réjouit Béchir Saket. En effet, le porte-parole de L630 souligne que l’équipe de la mission d’information s’est engagée à reprendre les grandes propositions et les bonnes idées dans le rapport final. Celui-ci devrait être rendu aux alentours de «fin mars, début avril», a indiqué à l’AFP Robin Reda, député LR de la 7e circonscription de l’Essonne et président de la mission.