«Nous avons été très près de perdre l’Égypte il y a plusieurs années et notre message à l’Administration Biden sera le suivant: “Allez-y lentement, des changements radicaux ont eu lieu, ne vous laissez pas aller à des prédispositions et ne nuisez pas aux relations avec l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis”», explique le journaliste israélien Barak Ravid sur le site d’information américain Axios.
Joe Biden, l’homme du tournant avec le Golfe persique?
Il assure que l’appareil diplomatique d’Israël compte user de toute son influence pour peser sur l’Administration Biden afin que celle-ci ne mène pas la vie trop dure aux États susmentionnés au sujet des droits de l’Homme.
«La relation stratégique entre les États-Unis et Israël est très particulière. Pendant quatre ans, il y a eu une fusion entre Netanyahou et Trump. C’était l’Administration américaine la plus pro-Israël de l’histoire», rappelle au micro de Sputnik le journaliste Christian Chesnot, spécialiste du Moyen-Orient.
Les pays du Golfe persique ont également bénéficié de relations plutôt privilégiées avec Washington pendant la présidence de Donald Trump. L’affaire Khashoggi, dans laquelle Riyad était directement impliquée, en est un exemple éloquent.
À l’inverse, Joe Biden avait annoncé pendant sa campagne électorale qu’il ne montrerait aucune complaisance envers ses alliés qui ne respecteraient pas les droits de l’Homme, visant en particulier les pays du Golfe. «Sous l’Administration Biden-Harris, nous allons réévaluer nos relations avec le Royaume [d’Arabie saoudite, ndlr], mettre fin au soutien américain à la guerre de l’Arabie saoudite au Yémen, et nous assurer que l’Amérique ne mette pas ses valeurs à la porte pour vendre des armes ou acheter du pétrole.»
Anecdote tout sauf anodine: aucun des dirigeants des Émirats arabes unis, de l’Arabie saoudite et de l’Égypte ne figurait dans la liste des 17 chefs d’État appelés par Joe Biden après sa victoire à l’élection présidentielle américaine. Mais le réel tend souvent à rattraper l’idéal, explique Christian Chesnot, et les contraintes économiques peuvent parfois passer avant les impératifs moraux:
«Même si Joe Biden a dit que pour lui, les droits de l’Homme seraient une priorité, on peut imaginer que, compte tenu de la situation économique et financière des États-Unis, qui est dans une grande difficulté, Washington ne puisse pas se permettre de couper les ponts ou de se mettre à dos les pays du Golfe.»
Les juteux contrats liés aux ventes d’armes risquent donc de contrecarrer les nobles ambitions du nouveau Président américain.
Biden cherchera-t-il à ménager Jérusalem et Téhéran?
Une réalité historique que rappelait au micro de Sputnik Myriam Benraad, chercheuse associée à l’IREMAM (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman) et spécialiste du Moyen-Orient:
«Sous l’Administration Obama, qui portait le même discours que Biden sur la question des droits de l’Homme et de la démocratie, cette alliance avec l’Arabie saoudite et ses alliés n’a pas été remise en cause. On est donc plus sur des effets d’annonce que sur une politique qui va réellement évoluer.»
La grande inconnue se situe donc du côté de la politique américaine vis-à-vis de Téhéran.
«C’est le dossier international le plus important du premier semestre de la présidence Biden», juge Christian Chesnot.
Selon Israël, la première menace sur son existence est du côté de l’Iran et toute sa politique régionale s’inscrit dans ce contexte. Ainsi, la volonté présumée de Tel-Aviv de lobbying vis-à-vis de l’Administration Biden est à mettre en perspective avec la volonté de Washington d’infléchir sa relation avec Téhéran. Pourtant, même si le Président Démocrate a affiché sa volonté de revenir dans l’accord sur le nucléaire iranien, il est difficile de prévoir quels seront les termes d’un éventuel nouveau traité. Entre-temps, les Iraniens sont passés à 20% d’uranium enrichi, ce qui est une étape importante vers la création de l’arme nucléaire.
L’autre sujet d’inquiétude pour Israël, souligne Barak Ravid pour Axios, est qu’un refroidissement des relations entre Washington d’une part et l’Arabie saoudite, les EAU et l’Égypte de l’autre ne pousse ces derniers à se rapprocher de la Russie et de la Chine.
Joe Biden devra donc jouer les équilibristes dans sa politique régionale pour satisfaire tous les acteurs. Arrivera-t-il à ménager la chèvre et le chou?