Est-ce la fin de l’euphorie? Après avoir enchaîné les hausses record et s’être aventuré autour des 42.000 dollars, le bitcoin a connu une journée difficile le 11 janvier.
La plus célèbre des cryptomonnaies a perdu jusqu’à 20% de sa valeur en séance. Depuis, il s’est un peu repris et ce 12 janvier à 12h44 UTC, le bitcoin plafonnait à 34.973,50 dollars. Une valorisation toujours très haute. Pour rappel, son prix était passé sous les 5.000 dollars en mars dernier.
Jusqu'ici tout va bien c'est juste un pullback sur le #Bitcoin !
— Captain Crypto (@captaincrypto21) January 12, 2021
Jusqu'au jour ou cela ne sera plus un pullback mais un retournement, vous serez pret ?
Stay safe pic.twitter.com/agB8GmvWhN
Certains observateurs ne sont pas surpris par ce «mini krach». «Un marché à la vente et une volatilité aussi intense peuvent faire peur aux non-initiés», mais cette correction était à prévoir, confirme Edward Moya, analyste chez Oanda, cité par l’AFP. D’autres s’interrogent. C’est notamment le cas de Bank of America Global Research dans son rapport hebdomadaire, «The Flow Show», publié le 7 janvier. Dans ce document, mentionné par MarketWatch et dont Investing.com s’est fait l’écho, les analystes de la banque américaine ont émis l’hypothèse que le bitcoin pourrait être «la mère de toutes les bulles».
«La mère de toutes les bulles, c’est surtout la politique monétaire des Banques centrales qui déversent des trillions de devises dans le système financier», leur répond Maell Rolland, doctorant à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales) et spécialiste des cryptomonnaies.
Pour lutter contre l’impact économique de la pandémie de Covid-19, plusieurs Banques centrales –notamment la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE)– ont fait tourner la planche à billets à des niveaux record en 2020. Au mois d’avril, la Fed annonçait un vaste programme de soutien, pouvant atteindre 2.300 milliards de dollars. Devant la résurgence de l’épidémie aux États-Unis, Jerome Powell, patron de la Banque centrale américaine, a assuré que l’institution qu’il dirige pourrait encore accroître son soutien. Actuellement, la Fed se porte acquéreur de 120 milliards de dollars d’actifs par mois, dont 80 milliards de bons du Trésor et 40 milliards de MBS (titres américains adossés à des crédits immobiliers). Le tout dans un contexte de taux proches de zéro. Dans le sillage de cette crise, le bilan de la Fed est ainsi passé de 4.100 à plus de 7.300 milliards de dollars, ce qui représente environ un tiers du PIB américain.
Après la ruée vers l’or, la ruée vers le bitcoin?
Même son de cloche du côté de l’Europe avec la BCE, qui a également sorti l’artillerie lourde avec son programme de rachats d’actifs, baptisé «Pandemic emergency purchase programme» (PEPP). Au regard de la sévérité de la crise, ce dernier a déjà été rehaussé deux fois et atteint désormais 1.850 milliards d’euros. En 2020, le bilan de la BCE est passé de 4.300 à plus de 7.000 milliards d’euros. Il dépasse désormais largement la moitié du PIB de la zone euro.
Selon Mael Rolland, une grande partie de cette création monétaire se dirige vers des actifs financiers, très prisés des investisseurs.
«Ils vont vers le bitcoin ou Tesla, dans le but de se préserver face au risque de krach à venir», analyse Mael Rolland.
À l’instar de la forte hausse du bitcoin, l’action de la marque de l’excentrique milliardaire Elon Musk a vu son cours bondir de plus de 700% en 2020. Un record qui a considérablement fait augmenter la déjà colossale fortune de son patron.
De telles hausses soulèvent des interrogations. Concernant le bitcoin, les analystes de Bank of America (BoA) ont décidé de comparer l’envolée de la cryptomonnaie à de célèbres bulles qui ont marqué la finance ces dernières décennies. «Cela inclut une hausse du prix de l’or de plus de 400% à la fin des années 1970, ainsi que d’autres manies d’investissement notables: les actions japonaises à la fin des années 80, le marché boursier thaïlandais au milieu des années 90, les dots-com à la fin des années 90 et le prix des logements au milieu des années 2000», précise Investing.com.
Bitcoin: +1.000% depuis début 2019
Comme le souligne le site spécialisé dans le trading, «ces secteurs ont tous connu des gains à trois chiffres avant de s’effondrer». Michael Hartnett, chef de la stratégie d’investissement à la Bank of America Securities, en conclut donc que le bitcoin ressemble à «la mère de toutes les bulles», notant dans son rapport que la cryptomonnaie a connu un bond d’environ 1.000% depuis le début de 2019.
Petite explication rapide du fonctionnement de la blockchain Bitcoin. pic.twitter.com/4jUWkktIwd
— Edith Brou (@edithbrou) January 12, 2021
Mael Rolland, de son côté, relativise le danger de l’éclatement d’une bulle liée au bitcoin:
«Quand on compare le marché du bitcoin à celui des produits dérivés, les montants ne sont absolument pas les mêmes.»
Le célèbre investisseur Bill Miller rappelait récemment que la capitalisation du bitcoin était maintenant supérieure à celle de Berkshire Hathaway, le fonds d’investissement du milliardaire Warren Buffett ou encore à celle de la banque d’affaires JP Morgan. Reste que, comme le souligne Mael Rolland, le marché des cryptomonnaies est encore de taille réduite, comparé à celui de certains autres produits financiers. «Aujourd’hui, le marché des cryptomonnaies pèse 463 milliards d’euros; un marché qui est actif 24h/24 7 jours sur 7 contrairement au marché boursier. Il existe plus de 10.000 cryptomonnaies qui ont toutes été créées suite à la création du bitcoin, qui est open source», expliquait récemment au site Entreprendre.fr Christopher Villegas, Directeur général du Groupe Digital Service. À titre de comparaison, le marché européen des dérivés dépassait les… 660.000 milliards d’euros en octobre 2018, selon Les Échos.
Un krach ou un bitcoin à plus de 140.000 dollars?
Et maintenant, que va-t-il se passer pour le bitcoin? Rien n’est certain. «Soulignons que l’étude de la BoA n’a pas concrètement prévu que le prix du bitcoin allait chuter. Elle s’est simplement contentée de pointer l’évolution du bitcoin comme un autre exemple de comportement d’investissement “de plus en plus spéculatif”», nuance Investig.com.
Mael Rolland rappelle que «ce n’est pas la première fois que l’on parle de bulle concernant le bitcoin» et que la cryptomonnaie «n’est plus la même qu’il y a deux ans et encore moins qu’en 2011.»
«L’écosystème du bitcoin s’est énormément étoffé ces dernières années. Il y a une véritable industrie qui s’est ouverte sur le monde, avec des solutions professionnelles sécurisées pour les transactions et l’intervention sur ce marché des investisseurs institutionnels», souligne l’expert.
Le régulateur britannique financier, la FCA, a lancé un avertissement aux investisseurs: «Si les consommateurs investissent (dans les cryptomonnaies), ils doivent être préparés à perdre tout leur argent.» Du côté de JP Morgan, on mise à long terme sur un bitcoin à… 146.000 dollars. Choisissez votre camp.