Plus d’un Français sur deux n’ira pas se faire vacciner: pourquoi une telle défiance?

© REUTERS / Justin Tallis/Pool Vaccination par le vaccin de Pfizer en Grande-Bretagne
Vaccination par le vaccin de Pfizer en Grande-Bretagne - Sputnik Afrique
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Lancée dimanche dans toute la France, la campagne de vaccination contre la Covid n’emporte pas l’adhésion de la population. Selon un sondage, seuls 40% des Français sont prêts à franchir le pas. Ce chiffre ne cesse de baisser depuis l’été. La faute aux «erreurs» du gouvernement, qui ont enterré toute confiance, selon le philosophe Mark Hunyadi.

La campagne de vaccination contre le coronavirus a démarré en grande pompe ce 27 décembre. Les caméras étaient de sortie ce dimanche pour filmer la vaccination de Mauricette, 78 ans, pensionnaire de l’hôpital René-Muret, la première de France. Une séquence qui n’a pas manqué d’amuser les internautes devant l’état de confusion supposé de la septuagénaire face à sa propre vaccination. Arrivées sur le sol français samedi, les premières doses du vaccin Pfizer-BioNTech ont été distribuées sur le territoire ce dimanche à partir de la pharmacie centrale des Hôpitaux de Paris. Un plan en quatre phases dont la première devrait s’achever fin février. À cette date, un million de personnes de personnes devraient avoir été vaccinées parmi les plus de 75 ans et les professionnels de santé les plus âgés ou à risques. Pourtant, la confiance n’est pas de la partie.

​Trois jours auparavant, Santé Publique France révélait les conclusions de son sondage sur «l’acceptabilité de la vaccination» dans notre pays. Au total, à peine 40% des personnes interrogées répondaient vouloir «certainement ou probablement se faire vacciner contre la COVID-19». Des résultats en baisse selon l’organisme, qui rappelle que, entre le 4 et 6 novembre, 53% des sondés «disaient avoir l’intention de le faire». Un chiffre qui culminait à 64% en juillet.

Premier motif d’inquiétude pour 82% des sondés: «Les  nouveaux  vaccins  ne  sont  pas  sûrs.» Cette crise de confiance n’a pas échappé au gouvernement. En particulier au Premier ministre, Jean Castex, qui devisait il y a peu: «La confiance ne se décrète pas, elle se gagne, elle se perd parfois, mais surtout elle se mérite.»

Dans la balance, le lourd bilan du gouvernement?

Ce dimanche, une enquête de BVA publiée dans Le Journal du dimanche confirmait cette défiance généralisée dans notre pays. Une exception française, d’ailleurs! Sur les trente-deux pays étudiés, la France est l’un des rares où les intentions de vaccination sont minoritaires. Comment expliquer ce scepticisme gaulois? Pour le philosophe Mark Hunyadi, les deux moments de la confiance, non réunis ici, expliquent cette défiance des citoyens envers le gouvernement ou les grands laboratoires.

«Le refus des citoyens à "faire confiance", qui est un moment d’action, en l’occurrence engager la démarche d’aller se faire vacciner, s’explique par leur incapacité à "avoir confiance", ajoute au micro de Sputnik l’auteur de l’ouvrage Au début est la confiance (éd. Le Bord de l'eau). Ce premier moment, qui est un état de disposition à la confiance, a été parasité par tout un tas de mesures et d’annonces.»

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La gestion de la crise sanitaire par le gouvernement pèse dans la réserve des citoyens. Le retard à l’allumage confirmé par les propos d’Agnès Buzyn au journal Le Monde, le maintien des municipales en début d’épidémie, les déclarations contradictoires et mensongères de plusieurs ministres sur l’efficacité du port du masque ou encore la gestion des tests de dépistage sont autant de remontrances qui peuvent expliquer cette suspicion envers la campagne de vaccination. Côté laboratoires, l’annonce rapide de la disponibilité d’un tel vaccin, l’égale rapidité dans sa fabrication et dans son autorisation de mise sur le marché inquiètent la frange la plus rétive de la population. Un «manque de recul» sur ces vaccins à ARN, en raison de l’absence de «publication scientifique», pointé par le professeur Éric Caumes, chef du service d'infectiologie à l'hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris, au micro de France Inter.

​C’est une «situation très étrange, décrit Mark Hunyadi: les gens craignent plus le vaccin que la maladie elle-même.» Un paradoxe, puisque «le taux de mortalité de la Covid est dix fois supérieur à celui de la grippe saisonnière».

«S’il y a des doutes légitimes, il ne faut pas pour autant sous-estimer les autorités de santé, constituées en majorité d’experts indépendants et très qualifiés. En revanche, il est vrai aussi qu’il manque encore une information capitale à cette campagne, à savoir si ces vaccins agissent pour empêcher le développement de la maladie chez la personne vaccinée ou bien sa transmission à d’autres individus», nuance Mark Hunyadi.

La Haute Autorité de santé (HAS), lors de la publication la semaine dernière de son avis favorable à l’utilisation du vaccin Pfizer-BioNTech, a en effet précisé qu’il n’y avait «pour l’instant pas d’information sur l’impact de ce vaccin sur la transmission du virus».

Tous vaccinés? L’effet boule de neige

Un refus répandu de la piqûre compromettrait la campagne de vaccination. Le gouvernement a rappelé à plusieurs reprises que la vaccination, reposant sur le bon-vouloir des citoyens, ne serait pas obligatoire. Et ce malgré la polémique du projet de loi présenté la semaine dernière en procédure accélérée au Parlement, texte qui avait relancé la rumeur, alimentée par plusieurs élus dont François Bayrou, de la légalisation d’un «passeport sanitaire».

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Seul espoir semble-t-il pour l’exécutif: qu’un effet boule de neige, face à des premières vaccinations réussies, emporte l’adhésion des plus sceptiques. «Le mimétisme peut très certainement pousser les plus prudents, dans le cas où tout se passe bien, à aller se faire vacciner», prédit Mark Hunyadi avant de conclure: «Le meilleur moyen de rétablir la confiance reste maintenant de sortir d’une verticalité du pouvoir très française et d’associer les experts, en particulier les médecins de famille, à cette campagne.»

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