Bien qu’attendue, la nouvelle a secoué le secteur! Depuis plusieurs semaines, Bercy martelait sa volonté de renégocier les contrats passés il y a dix ans par l’État avec les professionnels de l’énergie solaire. C’est chose faite. La décision a été adoptée à l’Assemblée nationale dans le budget 2021. De leur côté, les deux syndicats des énergies renouvelables (SER et Enerplan) déplorent dans un communiqué commun une «remise en cause des engagements de l’État» et un «passage en force» du gouvernement sans «réelle concertation».
Contrats solaires : le @gouvernementFR passe outre l’opposition parlementaire et impose sa mesure tarifaire rétroactive.
— SER (@ser_enr) December 16, 2020
Le @ser_enr et @ENERPLAN déplorent ce passage en force et cette remise en cause des engagements de l’État.
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Le bras de fer entre la filière solaire et le pouvoir remonte à un amendement inséré dans le projet de budget au mois de novembre. Le texte visait à revoir les dispositifs de soutien engagés depuis 2011. Les autorités veulent abaisser le prix d’achat de l’électricité solaire fixé il y a dix ans. Une tarification prévue initialement jusqu’à l’horizon 2030. Au total, 800 contrats sur 235.000 sont concernés.
«L’inscription de cet amendement dans la loi crée une situation d’insécurité et d’incertitude très forte pour les professionnels impactés», déclarent les deux syndicats dans leur communiqué. Selon eux: «Tout le raisonnement des pouvoirs publics s’appuie sur une notion de "rentabilité excessive" qui n’a jamais été ni démontrée ni même quantifiée.»
Dès les premières discussions à l’Assemblée, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, avait annoncé que «les plus gros contrats» avec une «rentabilité excessive» étaient dans le collimateur. Au total, l’État espère récupérer 300 millions d’euros par an jusqu’en 2021.
L’État arnaqué par les rentiers du solaire?
Déjà amorcé en 2010 par la décision d’un moratoire sur le photovoltaïque, ce projet de renégociation de la facture électrique est motivé en grande partie par le rapport à charge de la Cour des comptes de 2018. Dans leurs travaux sur la politique en faveur des énergies renouvelables, les sages de la rue Cambon pointaient du doigt les aides et garanties offertes au solaire: «Les garanties accordées avant 2011 représenteront 2 milliards d’euros par an jusqu’en 2030 (soit 38,4 milliards d’euros en cumulé) pour un volume de production équivalant à 0,7% du mix électrique.» En d’autres termes, un gouffre financier pour moins de 1% de la production électrique française –la part totale du solaire étant aujourd’hui de l’ordre de 2,2%.
«Le gouvernement a fait la promesse d’acheter toute l’électricité solaire produite par les contractants, y compris si EDF n’en avait pas besoin. Et le tout à un prix très au-dessus du marché, fixé à l’avance pour une durée de vingt ans», s’amuse Rémy Prud’homme. L’ancien directeur adjoint de l’environnement à l’OCDE ajoute: «Pour un industriel, c’est le pied! Certains se sont enrichis et des rentes extraordinaires ont vu le jour.»
En 2013, dans un précédent rapport, la Cour des comptes relevait déjà le coût et l’inefficacité de la transition énergétique amorcée en France à la fin des années 2000. À travers la loi de transition énergétique pour la croissance verte portée par Ségolène Royal en 2015, la France s’engageait vers un objectif de 32% d'énergies renouvelables dans la production d'électricité pour 2030. La loi prévoyait également de faire passer la part du nucléaire dans l’électricité de 75% à 50% en dix ans! Seul moyen envisagé de compenser cette baisse, un recours redoublé aux énergies renouvelables. Face au péril climatique et atomique, nécessité fait-elle loi?
L’hydrogène pour un futur toujours lointain
Pour Rémy Prud’homme, l’erreur des politiques énergétiques menées jusqu’ici en France en faveur des énergies renouvelables a été de «considérer à égalité les kilowattheures». Un kilowattheure de solaire ou d’éolien n’aurait «pas la même qualité» qu’un kilowattheure hydraulique ou nucléaire. «Le plus important dans le choix énergétique, c’est la disponibilité. Or, dans le solaire et l’éolien, elle n’est jamais garantie, à cause de l’intermittence de ces énergies», précise-t-il. De même que l’éolien nécessite du vent pour tourner, le solaire a besoin qu’il fasse jour.
«En plus du peu d’heures où l’ensoleillement est maximal, il faut mentionner une autre limite à l’énergie solaire, à savoir qu’elle est disponible aux heures où elle est le moins sollicitée. Vous ne disposerez jamais d’électricité solaire pour vous éclairer à 20 heures en hiver, pour vous chauffer, regarder la télé ou faire cuire votre repas. La bonne évaluation d’un kilowattheure doit intégrer ce paramètre», argumente-t-il.
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— Gouvernement (@gouvernementFR) September 3, 2020
Associée à des moyens de stockage qui la rendraient pilotable et disponible aux heures sans soleil, l’énergie solaire (comme l’éolien) pourrait s’avérer bien plus performante à l’avenir. C’est dans cette perspective que le gouvernement a voté dans son récent plan de relance un investissement de plus de 7 milliards d’euros pour mettre sur pied une filière de l’hydrogène en France. Pour Rémy Prud’homme, plus pessimiste, cette technique de stockage de l’énergie au moyen de la pile à combustible à hydrogène, «reste encore à trouver». Selon lui, «cela fait plus de deux cents ans, depuis Volta [le physicien italien qui a créé la première pile à la fin du XVIIIe siècle, ndlr] qu’on s’y emploie» et «l’hydrogène ne stockera pas grand-chose d’ici à vingt ans au moins». Des propos qui rejoignent ceux de Nicolas Meilhan dans l’émission Russeurope Express au cours de laquelle l’ingénieur a rappelé la formule anglaise à succès : «Hydrogen: It's the fuel of the future and it always will be.» («L'hydrogène: c'est le carburant de l'avenir et il le restera.»)
«Les écolos ne défendent pas l’environnement»
L’énergie solaire souffre également d’une double limite, stratégique et écologique. La filière française a échoué à faire émerger un vrai leader français sur ce marché. La quasi-totalité des panneaux photovoltaïques sont fabriqués en Chine. Une chaîne de production dont l’impact carbone, en fin de circuit, est loin d’être neutre. C’est ce que rappelle l’enquête de Guillaume Pitron (La Guerre des métaux rares, éd. Les Liens qui libèrent) consacrée à l’extraction polluante des métaux qui assurent le fonctionnement des énergies alternatives. Un essai mis en images dans un documentaire d’Arte (La Face cachée des énergies vertes).
Pour Rémy Prud’homme, cette «mythologie des énergies renouvelables» propagée au plus haut niveau de l’État il y a dix ans s’explique par «une emprise idéologique des écologistes» qui ont favorisé le développement des énergies renouvelables, en faisant passer des lois en catimini, «au détriment de la protection de l’environnement», terme qui a «d’ailleurs disparu de l’intitulé du ministère».
«D’ailleurs, en cas de conflit entre le renouvelable et l’environnement, les écologistes choisissent le premier. Même lorsque l’éolien nuit à la biodiversité et tue par dizaine de milliers des chauves-souris, par exemple», ajoute Rémy Prud’homme.
Aussi notre interlocuteur soulève-t-il un paradoxe qui serait savoureux s’il n’était dramatique:
«Les écolos, anticapitalistes pour la plupart, ont ouvert la voie à un secteur des plus capitalistiques du globe, qui, de surcroît, se trouve être majoritairement étranger.»
Du côté du gouvernement, dès le mois d’octobre, la ministre de la Transition écologique avait voulu calmer les ardeurs des agents du secteur. Notamment en promettant une hausse du soutien aux énergies renouvelables de 1,3 milliard d’euros dans le prochain budget. Soit une augmentation «de près de 25%, pour dépasser pour la première fois les 6 milliards d’euros».