Les Camerounais rapatriés des USA seraient-ils en danger dans leur pays ? Dans une note publiée le 18 décembre, Human Rights Watch (HRW) demande au gouvernement des États-Unis d’exempter tous les ressortissants camerounais en situation irrégulière sur le territoire américain de toute mesure d’expulsion. L’organisation de défense des droits de l’homme invoque de «graves menaces pour leur vie et leur liberté», dans un pays déchiré par plusieurs crises internes.
«Outre un risque généralisé de subir de graves dommages en raison de l’actuel climat de violence dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les personnes renvoyées au Cameroun sont également confrontées au risque de tortures et de mauvais traitements du fait de leur opposition, réelle ou supposée, au gouvernement», a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique à HRW.
#ÉtatsUnis : il faut éviter d'expulser les #Camerounais vers leur pays, compte tenu des sérieux risques auxquels ils pourraient être confrontés à leur retour. https://t.co/ax4dh78bCW
— HRW en français (@hrw_fr) December 18, 2020
Entre le marteau du gouvernement et l’enclume des séparatistes
En effet, en octobre et novembre derniers, souligne la note de HRW, les agents des services de l’Immigration et des contrôles douaniers (ICE) ont expulsé plus de 90 Camerounais. HWR, «a pu confirmer, sur la base de documents judiciaires et d’entretiens avec des avocats, des activistes et des bénévoles, qu’au moins plusieurs dizaines de ces expulsés avaient cherché, sans succès, à obtenir l’asile aux États-Unis».
«Les anglophones refoulés au Cameroun encourent un grave risque d’abus de la part des forces de sécurité gouvernementales parce qu’ils sont susceptibles d’être soupçonnés d’avoir des liens avec les séparatistes, ou de la part des séparatistes eux-mêmes (auteurs de nombreuses exactions sur les civils Ndlr)», argue HRW.
Une hypothèse que n’écarte pas Phillipe Nanga, coordinateur de l’ONG un monde à venir, une organisation de défense des droits de l’homme basée à Douala. Pour l’acteur de la société civile, les craintes de HRW sont justifiées.
«Les Camerounais de la diaspora sont parfois malheureusement assimilés aux ennemis du régime en place. Il suffit souvent d’être anglophone ou d’avoir assisté à un rassemblement anti-régime à l’étranger pour être stigmatisé. Or les expulser serait les exposer davantage», argue-t-il dans une déclaration à Sputnik.
Mesures de protection
Mi-octobre, lors du rapatriement de 81 Camerounais, le ministère des relations extérieures du pays, soulignait pour sa part dans le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, qu’il s’agissait «d’une procédure régulière en matière d’immigration» aux USA et que des mesures sont prises pour que ces «compatriotes regagnent leurs familles».
«Les Camerounais qui fuient les dangers très réels dans leur pays méritent une protection contre les abus et une évaluation équitable de leurs demandes d’asile, ainsi que les autres formes de protection prévues par la loi américaine», a affirmé Ilaria Allegrozzi.
«Ces Camerounais ont comme tout le monde, droit à la protection», poursuit pour sa part Philippe Nanga à Sputnik.
«On ne peut pas les expulser alors qu’ils peuvent être exposés à toutes sortes de violences dans un contexte sociopolitique très tendu» ajoute ce défenseur des droits de l’homme.
Dans les multiples crises que traverse le Cameroun, les ONG locales ou internationales ont souvent décriées des exactions et actes de répression contre les civils de part et d’autres. Le gouvernement de Yaoundé quant à lui à coup de déclarations et de communiqués brandit sans cesse la thèse d’un « complot » contre le Cameroun.