Relation UE-Turquie: «La France est isolée dans sa radicalité vis-à-vis de la Turquie»

© AP Photo / Osman OrsalLes drapeaux de la Turquie, à droite, et de l'Union européenne sont vus devant une mosquée à Istanbul, Turquie
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Erdogan veut ouvrir «une nouvelle page» avec Bruxelles. Une chimère, compte tenu des tensions qui opposé Ankara et certaines capitales européennes? Le président de l’IPSE, Emmanuel Dupuy, n’en est pas si sûr. D’après lui, si certains ont des griefs vis-à-vis d’Ankara, Paris est isolé dans sa volonté de confrontation.

Lors d’un entretien téléphonique avec le président du Conseil européen, Charles Michel, le Président turc a affirmé vouloir revenir à des relations moins glaciales avec Bruxelles.

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«Alors que la Turquie souhaite ouvrir une nouvelle page avec l’UE, certains font sans cesse des efforts pour provoquer des crises», a déclaré Erdogan, selon un communiqué de la présidence turque.

Il exhorte donc Bruxelles à «sauver» les relations entre l’Europe et la Turquie de ce «cercle vicieux». Selon le communiqué, Ankara souhaite «recommencer» à parler avec l’UE en «regardant la situation dans son ensemble» et «sur la base des intérêts mutuels».  

Paris isolé?

Après que des sanctions ont été imposées par l’Union européenne sur la Turquie, ce ton apaisé d’Erdogan marque-t-il un renouveau dans les relations entre Ankara et Bruxelles?

«Erdogan et la partie la plus conciliante des instances européennes sont déjà engagés dans un dialogue depuis plusieurs mois. Cet appel entre les deux dirigeants confirme la volonté d’apaisement entre les deux parties [la Turquie et l’UE, ndlr]», rappelle Emmanuel Dupuy, président de l’Institut prospective et sécurité de l’Europe (IPSE), au micro de Sputnik.

«Ce n’est pas nouveau. La position allemande, qui occupe la présidence tournante de l’UE, a toujours été conciliante», ajoute-t-il.

Des pays comme la Hongrie ou la Bulgarie sont aussi hostiles à une confrontation avec Ankara. Leur approvisionnement en gaz passe par des gazoducs turcs, rappelle le chercheur.

«Les autres Européens tiennent un discours nettement moins va-t-en-guerre que celui du Président français, lequel n’est toujours pas légitime pour parler au nom de l’Union. Ne serait-ce que parce qu’il n’exerce pas la présidence tournante en ce moment. Il profère des propos guerriers, mais, au fond, tout le monde sait que la position française n’est pas majoritaire.»

Emmanuel Dupuy rappelle également que, lors de la réunion du Med 7 (groupe informel de sept États européens du bassin méditerranéen), des différences d’approche se sont fait clairement sentir. Et tout cela malgré un nombre important de dossiers sur lesquels les Turcs vont à l’encontre des positions de pays de l’UE dont la France: Libye, Haut-Karabakh, Méditerranée orientale...

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Les intérêts propres de Paris semblent donc loin des préoccupations de la plupart des pays européens. Et ce malgré un fléau commun à tous: la menace terroriste islamiste. Dans ce dossier, les inquiétudes de l’Élysée portent sur un nombre important d’imams en France qui viennent de Turquie.

Sans parler du fait que, dans la guerre déclarée par Macron à l’islamisme, Erdogan s’est clairement opposé aux tentatives du Président de la République.  Le chef de l’État turc a appelé au boycott des produits français après la parution de caricatures du prophète, en évoquant la  «santé mentale» de son homologue français. Mais le dossier n’est pas si urgent pour les partenaires européens. D’où la difficulté pour Paris de les pousser à s’aligner sur la position française.

«De fait, la France est totalement isolée dans sa radicalité vis-à-vis de la Turquie. Ankara est un morceau trop gros pour la France toute seule et il n’y a pas de volonté européenne de s’aligner sur la position française», estime Emmanuel Dupuy.

Et ce, même si l’Union européenne a récemment imposé un régime de sanctions a minima et limité contre certaines entités turques. L’objectif consiste à mettre fin aux travaux d’exploration gaziers menés par la Turquie en Méditerranée orientale, dans des zones maritimes disputées avec la Grèce.

Les sanctions américaines envers Ankara ont suivi celles de l’UE. Elles s’inscrivent dans une autre problématique: une riposte à l’achat turc du système de défense anti-missile russe S-400. 

L’Otan désavoue les disputes

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Le secrétaire général de l’Otan a fait part de sa préoccupation. «Je regrette que nous soyons dans une situation où les alliés de l'OTAN doivent s'imposer mutuellement des sanctions», a déclaré Jens Stoltenberg ce 15 décembre lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre du Monténégro, Zdravko Krivokapic, à Bruxelles.   

«J’exhorte tous les membres de l'OTAN, la Turquie et les autres, à examiner s'il existe des moyens de trouver une solution positive», a ajouté Stoltenberg. Pas de quoi rassurer Paris dans sa volonté de confrontation politique avec le gouvernement en place à Ankara!

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