Boycott du «Beauvau de la sécurité», vague de démissions: jusqu’où ira la colère des policiers contre Macron?

© AFP 2023 GEOFFROY VAN DER HASSELTRassemblement de policiers
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Entre la police et l’exécutif, le torchon brûle-t-il? Alliance et UNSA, deux des principaux syndicats de police, refusent de participer au «Beauvau de la sécurité», cette grande concertation voulue par Emmanuel Macron pour réformer, mais aussi apaiser la police. Explications avec Olivier Hourcau, secrétaire général adjoint d’Alliance Police.

La grogne des policiers à l’encontre du gouvernement ne faiblit pas.

Dans un courrier adressé à Emmanuel Macron, le syndicat Alliance Police, majoritaire chez les gardiens de la paix, a annoncé qu’il ne participerait pas au «Beauvau de la sécurité», cette concertation censée associer en janvier prochain citoyens, élus, membres des forces de l’ordre et syndicats de police, en vue d’une réforme de la police. Le syndicat UNSA, majoritaire chez les CRS, a fait savoir qu’il boycottera lui aussi cette réunion.

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«Certains mots prononcés par Emmanuel Macron ont stigmatisé les policiers et profondément choqué dans nos rangs», accuse au micro de Sputnik Olivier Hourcau, secrétaire général adjoint d’Alliance Police. En cause: les propos tenus par le Président de la République lors de son interview donnée au média en ligne Brut, le 4 décembre dernier. Le chef de l’État avait pour la première fois évoqué des «violences par les policiers» et l’existence de «contrôle au faciès», ce que les policiers démentent catégoriquement. «Qu’un Président de la République jette ainsi l’opprobre sur les policiers nous a heurtés», poursuit-il.

Outre ces déclarations, le syndicat Alliance regrette que le gouvernement n’entende pas ses réclamations. «Le préalable pour participer à ce “Beauvau de la sécurité” serait d’avoir des réponses à nos revendications et aux attentes des policiers. Ces revendications vont d’ailleurs bien au-delà de l’indemnitaire», nous précise Olivier Hourcau.

La réponse pénale au cœur de la grogne

Au cœur de ces revendications, la question de la réponse pénale, une problématique partagée par tous les syndicats de police. Ces derniers plaident ainsi pour une «peine minimale incompressible», c’est-à-dire non aménageable, pour les personnes qui s’en prendraient aux représentants de l’État et en particulier aux forces de l’ordre.

«Certains s’en prennent aux policiers et ne sont pas sanctionnés à la hauteur des faits qu’ils commettent: est-il normal qu’un policier soit insulté, calomnié, voire blessé en service? La réponse pénale n’est aujourd’hui pas du tout appropriée dans ce genre de cas», dénonce ainsi Olivier Hourcau.

Alliance Police milite en particulier pour la création d’un «observatoire de la réponse pénale», afin d’assurer une meilleure «transparence» de la prise en charge judiciaire des prévenus. «La justice devrait elle aussi rendre compte des peines qu’elle fait encourir, des peines qu’elle prononce et enfin de celles qui sont réellement effectuées», explique Olivier Hourcau.

«Les policiers sont jetés en pâture sur les réseaux sociaux»

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Autre volet crucial pour les syndicats, la protection des policiers, dans un contexte de plus en plus tendu entre les manifestants et les forces de l’ordre. Très décrié, l’article 24 du projet de loi «sécurité globale», qui prévoyait de pénaliser la diffusion malveillante de l’image des forces de l’ordre, doit être remanié. Un point qui soulève des inquiétudes du côté du secrétaire général adjoint d’Alliance Police, pour qui «le floutage des policiers sur les vidéos est nécessaire». «Les policiers sont jetés en pâture sur les réseaux sociaux et dans les médias: on dévoile leur nom et celui de leur famille. L’État doit assurer la protection des policiers dans l’exercice de leurs fonctions», estime notre interlocuteur.

Démissions en cascade

Lundi 14 décembre, une centaine de policiers se sont rassemblés devant l’Arc de Triomphe à Paris pour protester contre les récentes déclarations d’Emmanuel Macron. Des rassemblements du même type sont prévus dans les jours qui viennent à Valenciennes, Bordeaux, Nantes et Strasbourg.

Pire encore, un phénomène de démissions en cascade commence à se propager dans les rangs de la police. Ce lundi 14 décembre encore, on apprenait que 180 policiers avaient déposé en Isère des demandes de rupture conventionnelle pour protester contre le «lâchage» de la police par le Président de la République.

Selon France Bleu, une cinquantaine de policiers ont fait de même dans la Loire ce mardi 15 décembre. Pour Olivier Hourcau, ces démissions s’inscrivent dans un contexte de «malaise grandissant» parmi les forces de l’ordre:

«Il y a aujourd’hui un véritable désaveu de la police: les vocations sont de plus en plus difficiles à trouver, car notre profession ne cesse d’être stigmatisée un peu partout. Beaucoup de nos collègues vont désormais au travail avec anxiété et avec peur, mais aussi sans aucune envie. Certains sont vraiment écœurés», se désole-t-il.

Les syndicats policiers doivent être à nouveau reçus le 18 décembre par Gérald Darmanin, cette fois sous forme de rencontres bilatérales. Une entrevue à l’issue de laquelle Olivier Hourcau espère avoir «des réponses» sur les revendications portées par son syndicat, même s’il se veut lucide sur les enjeux de cette rencontre:

«Le vrai problème, c’est que le politique a pris la main sur la police. C’est la première fois que je vois une telle gronde dans la police, et elle ne fait que s’amplifier. J’espère que nous serons entendus.»
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