L'une des menaces les plus graves pour l'humanité est, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la résistance des bactéries aux antibiotiques qui croît en flèche en raison de leur utilisation incontrôlée. Le projet des scientifiques russes, dont la partie physique est réalisée par des spécialistes de l’université nationale de recherche nucléaire (MEPhI), propose une éventuelle solution au problème. Selon ses auteurs, leur innovation simplifiera le traitement des plaies difficiles à cicatriser, des brûlures et d'autres foyers de menace bactérienne. Sputnik évoque les dernières réalisations des scientifiques russes dans ce domaine.
Résistance zéro
L’un des moyens de résoudre ce problème global serait, selon les chercheurs, de développer les méthodes de thérapie photodynamique antibactérienne (PDT). En effet, les résultats de nombreuses études prouvent que les microorganismes pathogènes sont incapables de développer une résistance à ce traitement.
Le principe d'action de la PDT est basé sur l'utilisation de substances spéciales – les agent photosensibilisants – qui sont introduits dans l’organisme et, lors du traitement, sont irradiés par la lumière à l'aide d'un émetteur spécial. L'énergie lumineuse qui en résulte est transmise aux molécules d'oxygène pour les transformer en une forme active qui combat l'infection.
Une équipe de scientifiques comprenant des physiciens de l'Institut Prokhorov de physique générale et du MEPhI, des microbiologistes du Centre Gamaleïa d'épidémiologie et de microbiologie, ainsi que de chimistes de l’Institut de recherche sur les intermédiaires organiques et les colorants NIOPIC, ont proposé d'utiliser en qualité de photosensibilisants des bactériochlorines polycationiques synthétiques. Contrairement à la plupart des antibiotiques qui ciblent un seul type de bactéries, ces composés, lorsqu'ils sont traités par PDT, ont un effet universel. Ce qui permettra dans la pratique clinique d'abandonner la nécessité de définir le type de menace bactérienne en gagnant du temps et des ressources, expliquent les chercheurs.
Selon l'OMS, un agent antibactérien efficace est un médicament qui réduit le nombre de cellules actives de l'agent pathogène au moins de 103 fois. Les scientifiques du MEPhI indiquent que leurs bactériochlorines sont au moins 10 fois plus efficaces.
Que craignent les bactéries?
Une telle efficacité est obtenue, premièrement, grâce à la capacité des bactériochlorines à absorber la lumière et à transférer l'énergie à l'oxygène présent dans le corps. La mort rapide des bactéries est assurée par l'action de l’oxygène sous sa forme active «chargée» de l'énergie du photosensibilisant.
Deuxièmement, dans une solution, les bactériochlorines possèdent une charge électrique positive, ce qui, selon les dernières études, augmente l'efficacité de l’action des photosensibilisants sur les bactéries tant à l'état libre que sous forme de biofilms.
Troisièmement, les bactériochlorines absorbent très bien la lumière dans le proche infrarouge. C’est dans cette partie du spectre que se situe «la fenêtre de transparence des tissus», c’est-à-dire que la lumière d’une telle longueur d'onde est capable de pénétrer dans les tissus en profondeur. En outre, l'absorption lumineuse des pigments libérés par certaines espèces de bactéries pathogènes est réduite dans cette partie du spectre, ce qui fait que le photosensibilisant reçoit beaucoup plus d'énergie.
«Les expériences ont prouvé l’efficacité des bactériochlorines sur des souches de bactéries résistantes aux antibiotiques, aussi bien des bactéries Gram positives, moins agressives, que des bactéries Gram négatives, plus agressives», indique Ekaterina Akhlioustina, doctorante au MEPhI.
Ce qui augmente sérieusement les chances de succès dans les travaux cliniques réels, ajoute-t-elle.
Que la lumière soit
Le domaine d'application le plus prometteur de la PDT antibactérienne est le traitement des brûlures et plaies infectées difficiles à cicatriser, estiment les chercheurs du MEPhI. Selon eux, cette technique permettra non seulement d’accélérer la guérison, mais également d’assurer un effet cosmétique.
«À l’étape actuelle des tests, ces composés peuvent déjà être utilisés à des fins techniques, par exemple pour la désinfection dans les hôpitaux. Nous espérons développer avec le temps sur la base des bactériochlorines une forme posologique pouvant être employée en médecine et soins vétérinaires», indique Ekaterina Akhlioustina.
Selon les scientifiques, l'un des problèmes physiques dans le développement de la méthode PDT est l'agrégation du photosensibilisant, c'est-à-dire la formation de «grumeaux» qui réduisent considérablement l'efficacité du traitement. Les spécialistes du MEPHi se penchent actuellement sur le problème.
Lors du développement de nouveaux photosensibilisants, il importe aussi d'étudier la stabilité et les propriétés photodynamiques des composés synthétisés, soulignent les scientifiques. Par la suite, cela permettra de trouver la juste dose pour créer la forme posologique de nouveaux composés. L’essentiel dans la PDT est de trouver les concentrations nécessaires de substances et la dose indispensable de rayonnement.
Les composés chimiques utilisés par l'équipe scientifique comme photosensibilisants ont déjà été brevetés. Le prochain objectif des chercheurs du MEPhI est l'étude spectroscopique de composés stables de bactériochlorines à agrégation minimale, ainsi que la préparation d'expériences sur des organes et des tissus d'animaux et d’Homme.