Le successeur du Charles de Gaulle prend forme. Lors d’une visite chez Framatome au Creusot, Emmanuel Macron a confirmé le 8 décembre le choix d’une propulsion nucléaire pour le porte-avions de nouvelle génération (PANG) qui devra remplacer le «Charles» à l’horizon 2038.
Des dimensions «XXL» pour un bâtiment de la Marine nationale dictées par un impératif: pouvoir accueillir le SCAF, ce futur avion de chasse développé en partenariat avec l’Allemagne et l’Espagne.
«On voit tout de suite qu’il y aura une capacité d’emport supplémentaire et puis bien sûr des technologies qui seront des technologies de pointe puisqu’en plus du système de combat aérien du futur, il y aura inévitablement embarquement de drones ou d’armes à énergie dirigée», développe au micro de Sputnik le sénateur centriste Olivier Cigolotti.
Coauteur d’un rapport d’information sur le PANG, avec son homologue socialiste Gilbert Roger avec qui il s’est rendu en mission à bord du Charles de Gaulle, il tient à réitérer leur «conviction» partagée qu’un tel bâtiment demeure un «fabuleux outil de diplomatie d’influence et de projection de force», d’autant plus important dans un contexte «relativement perturbé».
«75.000 tonnes de diplomatie»
En tête de liste des zones qui concentrent aujourd’hui les tensions internationales, le sénateur évoque la Méditerranée orientale ou encore le Moyen-Orient. «Comme le disait fort justement l’amiral Prazuck, lorsque le porte-avions Charles de Gaulle est déployé en Méditerranée orientale, les relations entre les différents États ne sont pas les mêmes.» Pour le sénateur, le Charles de Gaulle «c’est 42.000 tonnes de diplomatie d’influence». En référence à l'expression consacrée, outre-Atlantique, pour désigner l'effet dissuasif d'un tel moyen de projection. Une formule qui, comme s’en fendait Florence Parly dans un tweet, va donc devoir être revue à la hausse.
Mais au-delà de la trentaine de SCAF qu’il pourra embarquer à son bord, soit autant d’appareil de chasse que le Charles de Gaulle, le futur porte-avions tricolore sera doté de catapultes électromagnétiques (ou EMALS, pour Electromagnetic Aircraft Launch System). Une révolution par rapport aux actuelles catapultes à vapeur du Charles de Gaulle.
Tout comme les catapultes et le système hydraulique d’appontage du Charles de Gaulle. Ces catapultes électromagnétiques seront d’origine américaine, «nécessitant la présence d'un officier américain à bord» relève à ce sujet le rapport sénatorial. Ce dernier insiste toutefois sur le fait que cet élément d’«étroite collaboration» entre les deux pays à bord du «Charles» n’aurait jamais été remis en cause malgré les différends diplomatiques (déclenchement de la guerre d’Irak) entre Paris et Washington.
Si la technologie est encore récente, «les délais de réalisation du successeur du Charles de Gaulle devraient nous permettre de bénéficier d'un système largement éprouvé», ponctuent les sénateurs. Les enjeux autour de la fiabilité d’un tel système sont de taille, au-delà de leur coût évalué à plus d’un milliard d’euros, «un "coup de catapulte" qui rate, c’est un avion tombe à l’eau...», comme le soulignait le journaliste Jean-Dominique Merchet dans L’Opinion.
Le porte-avion et son escorte, outil de puissance
De l’autre côté du globe, la Chine a également opté pour cette technologie. Pékin pourraient compter «jusqu’à six porte-avions à la mer à l'horizon 2030», ces derniers constituant «l'un des volets d'une stratégie de projection de puissance visant à affirmer la suprématie chinoise dans son environnement» aux yeux des auteurs du rapport d’information sur le PANG.
Face à cette augmentation significative des capacités navales mondiale (d’ici 20 ans, le nombre de porte aéronefs naviguant sur les mers du globe passera de 28 à 36), la question pour la France d’avoir deux porte-avions en service apparaît d’autant plus pertinente. Les deux sénateurs accordent à cette problématique une longue partie de leur rapport. Hormis la construction simultanée de deux PANG, qui selon eux pourrait permettre des «économies d'échelle de l'ordre de 30 % à 40 %», les élus avancent deux pistes pouvant aller de pair: d’une part l’accélération du calendrier de la construction du futur porte-avions afin de permettre une mise en service «vers 2035», d’autre part une prolongation de la vie du Charles de Gaulle.
«Le Charles de Gaulle ayant été révisé à mi-vie, en 2018, il se posera le problème des chaufferies nucléaires pour lesquelles il faudra de nouveau une intervention pour en vérifier la conformité et la possibilité de les prolonger jusqu’en 2040 ou 2045. Ce qui permettrait, si le PANG est disponible en 2038, de disposer de deux porte-avions en capacité d’intervenir,» explique Olivier Cigolotti.
Si une telle configuration à deux porte-avions, dite en «permanence d'alerte» (pour l’heure, le Charles de Gaulle n’est disponible qu’à 63%) était choisie, cela signifierait concrètement un «doublement de l’équipage» du bâtiment. Quant au PANG en lui-même, estimé à cinq milliard d’euros, «quel que soit ce coût, il doit être rapporté à la durée du programme: un coût annuel de 450 millions d’euros représenterait 1,5% du budget de défense et 0,02% du PIB», relativisent les deux auteurs du rapport.
L’Hexagone dispose de la deuxième plus grande zone économique exclusive du globe, juste derrière les États-Unis qui eux alignent 11 porte-avions. Dans un rapport parlementaire plus récent, remis en octobre à l’Assemblée, le député Républicains François Cornut-Gentille souligne l’inadéquation entre les moyens que disposent la Marine nationale et les ambitions maritime de Paris.