Les femmes de Boko Haram sont «entraînées pour faire la guerre» et pour satisfaire les combattants – exclusif

© Oubadjimdehba DésiréUne jeune femme faisant partie de Boko Haram à 50km de Bol
Une jeune femme faisant partie de Boko Haram à 50km de Bol - Sputnik Afrique
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Les femmes faisant partie de Boko Haram ne sont pas seulement les épouses des combattants, certaines d’entre elles sont entraînées pour devenir des armes de guerre. Un spécialiste de Boko Haram chargé de projets au Centre d’études pour le développement et la prévention de l’extrémisme livre à Sputnik les détails de ses entretiens avec ces femmes.

Début 2020, le groupe terroriste Boko Haram, qui a prêté allégeance à Daech*, comptait environ 6.500 combattants, dont 26% étaient des femmes, confirme le Centre d’études pour le développement et la prévention de l’extrémisme (CEDPE). Ces femmes occupent différentes positions dans l’organisation et le fonctionnement de Boko Haram.

Elles sont exploitées comme des esclaves sexuelles, elles rejoignent volontairement le groupe à la recherche d’un mari et d’argent ou encore elles sont entraînées pour devenir des combattantes aux côtés des hommes. Oubadjimdehba Désiré, spécialiste de Boko Haram et chargé de projets au CEDPE, explique à Sputnik pourquoi ces femmes se retrouvent au sein du groupe terroriste et comment elles tentent de le quitter.

Des femmes «entraînées pour faire la guerre» et des kamikazes

Une partie des femmes rejoignent Boko Haram, car leurs maris y sont déjà, donc elles n’ont pas vraiment le choix. Mais il y a celles qui cherchent à combattre pour les idéaux terroristes, que Boko Haram propage, souligne Oubadjimdehba Désiré.

«Il y a les femmes combattantes, celles qui sont formées et entraînées pour faire la guerre. Il y a celles qui sont formées pour les attaques kamikazes, comment porter les gilets explosifs, les activer. Elles sont endoctrinées afin de passer à l’action sans avoir de pitié ou de remords. Elles sont préparées pendant plusieurs mois, voire même années».

Certaines femmes servent pour le renseignement des combattants, elles vont s’infiltrer dans un village ou une localité pour donner des informations à leurs supérieurs sur la position et sur les stratégies que développent les forces gouvernementales. Elles passent plusieurs jours au sein de leurs familles ou des connaissances pour mener des investigations et ensuite les communiquer à Boko Haram.

© Oubadjimdehba DésiréUne femme repentie de Boko Haram dans un village à 30km de Bol
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Une femme repentie de Boko Haram dans un village à 30km de Bol

Les kamikazes sont une partie très spéciale des femmes de Boko Haram, l’âge ici n’a pas vraiment d’importance, les mineures sont utilisées à des fins plus tragiques, car elles sont plus exposées au lavage de cerveau. Oubadjimdehba Désiré cite des exemples qui démontrent comment de toutes jeunes filles sont démolies par leurs propres parents au sein de Boko Haram.

«L’attentat qui a été commis au marché de Baga Sola en 2015, c’était une fille de 13 ans qui s’est fait exploser. Elle a été envoyée en complicité avec son père pour faire l’opération.»

Un autre attentat a été perpétré par trois femmes à proximité de la ville de Bol sur l’île Yiga en 2016. Trois jeunes femmes portaient leurs explosifs et leurs objectifs étaient de venir faire l’attentat dans la ville. Mais lorsqu’elles ont constaté la présence de l’armée, elles ont fait sauter leurs bombes dans la soirée à 18h, l’heure de la prière, relate Oubadjimdehba Désiré.

Les femmes à marier

La vie des jeunes femmes célibataires autour du lac Tchad est endurante, et en rêvant d’une vie heureuse elles rejoignent volontairement les rangs de Boko Haram. Mais il y a aussi celles qui sont déjà mariées et qui abandonnent leurs enfants et leurs époux pour rejoindre le groupe.

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Les femmes, qui sont dans l’organisation sans leurs époux et qui ont des enfants, si elles sont jeunes, elles sont remariées à un autre homme pour s’occuper d’elles avec leurs enfants. Mais Oubadjimdehba Désiré certifie qu’il y a un procédé pour les femmes qui choisissent leurs époux elles-mêmes.

«Les jeunes filles à l’âge du mariage sont données en mariage. Les femmes un peu âgées et les veuves sont là spécialement à la disposition des combattants pour se satisfaire sexuellement. Le mariage de certaines femmes dans certains cas se fait à la demande et au choix de la femme pour l’homme qui lui plaît ou répond à son goût. Elle informe le chef et ce dernier informe l’homme puis l’union est célébrée.»

Il y a des femmes qui sont là spécialement pour le ménage, elles travaillent à la cuisine, pour faire la lessive et servir les chefs. Une catégorie de femmes travaille avec les hommes dans les champs, à la pêche et au commerce pour faire vivre le groupe, note Oubadjimdehba Désiré.

La vie après Boko Haram

L’analyste du Centre d’études pour le développement et la prévention de l’extrémisme confirme que la pression militaire obligera 2.350 combattants à se désengager prochainement et à se rendre aux autorités du Bassin du lac Tchad, ce qui affaiblira largement Boko Haram, dont l’effectif chutera pour passer à 1.502 éléments, avec 1.310 combattants actifs et 392 femmes (23%).

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Une fois désengagées, ces femmes devront se réintégrer, ce qui représente un large problème, d’après Oubadjimdehba Désiré.

«Elles passent par le service de sécurité pour se présenter à Baga Sola. Auparavant, elles étaient gardées en observation avant de regagner leurs familles, mais, ces derniers temps, compte tenu des moyens pour leur prise en charge, elles sont automatiquement remises à leur famille par l’intermédiaire de leur chef traditionnel, qui témoigne et se porte garant.»

Ces femmes subissent des actes de stigmatisation communautaire, la population les traite de criminelles et a peur d’elles. Oubadjimdehba Désiré a pu rencontrer des femmes de Boko Haram qui reviennent auprès de leurs familles et qui sont accueillies à bras ouverts, mais c’est surtout la communauté qui a du mal à les accepter.

Leurs conditions sociales ne leur permettent pas de vivre sans remords. Les répercussions psychologiques ont un effet sur ces femmes qui peinent à rejoindre et leurs familles et leurs entourages, car elles ont tout perdu comme biens matériels et immobiliers en rejoignant Boko Haram.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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