Assassinat du scientifique nucléaire iranien Fakhrizadeh: Téhéran trahira-t-il sa politique de «patience stratégique»?

© REUTERS / WANA NEWS AGENCYDes serviteurs du sanctuaire de l'Imam Reza portent le cercueil du scientifique nucléaire iranien Mohsen Fakhrizadeh, à Mashhad, Iran, le 29 novembre 2020. Massoud Nozari/WANA (West Asia News Agency) via REUTERS ATTENTION EDITORS - CETTE IMAGE A ETE FOURNIE PAR UN TIERS
Des serviteurs du sanctuaire de l'Imam Reza portent le cercueil du scientifique nucléaire iranien Mohsen Fakhrizadeh, à Mashhad, Iran, le 29 novembre 2020. Massoud Nozari/WANA (West Asia News Agency) via REUTERS ATTENTION EDITORS - CETTE IMAGE A ETE FOURNIE PAR UN TIERS - Sputnik Afrique
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Responsables politiques et analystes craignent un embrasement régional après l’assassinat d’un éminent scientifique nucléaire iranien près de Téhéran. Selon plusieurs spécialistes de l’Iran interrogés par Sputnik, il est au contraire très peu probable que la République islamique réponde par la force à cet attentat contre ses intérêts stratégiques.

Israël a renforcé ce week-end la sécurité autour de ses ambassades et autres avant-postes diplomatiques à travers le monde. Ces précautions sont une conséquence directe de l’assassinat, attribué par l’Iran à Israël, de Mohsen Fakhrizadeh, physicien et l’un des principaux responsables du programme nucléaire iranien. Depuis, la région et le monde retiennent leur souffle face à une éventuelle riposte de Téhéran.

«Nous n’avons pas nos propres informations sur l’incident mais il est évident que l’assassinat de Mohsen Fakhrizadeh va de nouveau empirer la situation dans la région, à un moment où personne n’a besoin d’une telle escalade», indique à Sputnik une source au sein du ministère allemand des Affaires étrangères.  

De son côté, le parlement iranien a annoncé le 29 novembre avoir approuvé une augmentation du taux d'enrichissement d'uranium à 20% dans le cadre de son programme nucléaire.

Téhéran, impassible face aux provocations?

Au risque d’en surprendre certains, les experts joints par Sputnik sont loin d’être alarmistes. Gérard Vespierre, directeur de recherche à la Fondation d’études pour le Moyen-Orient (FEMO) et président de Strategic Conseils, estime ainsi que «si l’on se fie à l’histoire», il n’y a pas grand-chose à craindre de la riposte iranienne:

«De 2010 à 2012, il n’y a eu aucune réaction conséquente de l’Iran aux quatre assassinats de scientifiques», tempère le chercheur, avant de rappeler que «même suite à l’assassinat de Qassem Soleimani, qui était tout de même l’un des responsables iraniens les plus haut gradés, la République islamique a mollement réagi.»

En effet, après la mort du commandant de la Force Al-Qods du corps des Gardiens de la révolution islamique, l’Iran avait riposté par des salves de missiles sur des positions américaines en Irak, mais celles-ci, à en croire Washington, n’avaient fait aucun mort. D’après Gérard Vespierre, il n’y a donc pas de raison qu’il en soit autrement après l’assassinat de Mohsen Fakhrizadeh.

Une analyse partagée, toujours au micro de Sputnik France, par Thierry Coville, chercheur sur l’Iran à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS):

«Je ne vois pas pourquoi l’Iran, qui n’a pas fait grand-chose après la mort de Soleimani alors que c’était le personnage clé pour toute la politique régionale de l’Iran, changerait brusquement sa politique de “patience stratégique”.»

Il juge donc qu’«il y a une part de réalité dans le fait que les Iraniens veulent se venger, mais ce n’est pas parce qu’ils disent qu’ils veulent le faire qu’ils vont pour autant changer leur axe stratégique.»

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 Les déclarations du Président Rohani après la mort de Mohsen Fakhrizadeh vont d’ailleurs dans ce sens: «En temps et en heure, [les ennemis de l'Iran] répondront de ce crime», a-t-il prévenu.

Jusqu’à présent, face aux agressions et provocations attribuées à l’axe israëlo-américain, Téhéran a effectivement toujours opté pour une politique de patience stratégique qui consiste à «ne rien faire et attendre la levée de l’embargo sur les armes, qu’ils ont obtenu au mois d’octobre, ainsi que les élections américaines pour voir quelle serait concrètement la politique de Joe Biden à l’égard de Téhéran», ajoute Thierry Coville.

Pour lui, une escalade de la violence dans la région ne bénéficierait d’ailleurs pas à l’Iran, qui reste limité militairement par rapport aux puissances occidentales et surtout «considérablement affaiblit par la crise économique ainsi que la crise du Covid-19

Impossible retour dans l’accord sur le nucléaire?

Plusieurs analyses font état de provocations volontaires menées de consort par les administrations à Tel-Aviv et Washington, toutes deux hostiles à l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien. Le tandem Netanyahou-Trump, très en phase ces quatre dernières années, essayerait de pousser Téhéran à la faute en multipliant les provocations avant l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. Plus tôt au mois de novembre, Donald Trump avait, d’après le New York Times, sondé ses conseillers et son état-major sur la possibilité de mener des frappes aériennes en Iran.

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Au-delà même de ces provocations, et malgré la bonne volonté diplomatique affichée par Joe Biden, Gérard Vespierre insiste sur le fait que plusieurs problèmes se posent quant au retour des États-Unis dans l’accord et à la levée des sanctions.

La question des missiles balistiques, de l’ingérence régionale iranienne ou de la date de fin de l’accord (actuellement prévue pour 2025) seraient autant de freins à un retour mécanique des États-Unis dans cet accord. Selon les deux experts, Téhéran resterait donc patient, menant ses combats un par un.

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