Mediapart a publié ce lundi 30 novembre une vidéo d’une interpellation violente effectuée le 30 avril 2019 par des policiers de la Brigade anti-criminalité (BAC) dans le bois de Boulogne.
La BAC soupçonne 6 jeunes d'un vol de sac à main, interpellation violente au milieu de la route, deux tirs, dont un qui aurait pu tuer le conducteur.
— Gintoki Sama (@Sht_dono) November 29, 2020
Aucun des policiers n'était en danger.
Ils les soupçonnaient d'un vol de sac à main...
Aucun des policiers n'a été inquiété. https://t.co/czRqfBnxXL pic.twitter.com/XSJlNJc5q5
Alors qu’un groupe d’amis âgés de 16 à 22 ans s’est arrêté à deux heures du matin à un feu rouge, leur voiture a été encerclée par trois véhicules. Cinq hommes en sont sortis armés. Comme les inconnus ne portaient aucun signe d’identification, ni brassard ni gyrophare, le conducteur, Paul, qui était au volant, pensant avoir à faire à des braqueurs, a commencé à reculer et a heurté la voiture qui le bloquait à l’arrière.
L’un des inconnus a derechef tiré, sans sommation, à deux reprises en direction de Paul. Une balle est passée tout près de sa tête mais ne l’a pas touché. Ensuite, un homme a ouvert la portière et a essayé de le faire sortir. C’est seulement lorsqu’il a senti une menotte qu’il a réalisé que c’étaient des policiers, a-t-il raconté à Mediapart tout en précisant qu’un policier lui a luxé l’épaule gauche lors de l’interpellation.
Il s’est avéré ensuite que les policiers suspectaient les jeunes du vol d’un sac à main. Cependant, si les poursuites pour vol ont été abandonnées et que cinq adolescents ont été libérés, Paul, en revanche, a été placé en garde à vue prolongée pour «violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique, avec arme par destination sans incapacité totale de travail».
Après de nombreuses demandes, Raphaël Kempf, l’avocat de Paul, a reçu en juin 2019 des enregistrements provenant des caméras de vidéosurveillance qui ont prouvé que le jeune avait toutes les raisons pour tenter de fuir, car rien n’indiquait que c’étaient des policiers et non des braqueurs. Finalement, le 4 novembre, plus de 18 mois après les faits, le jeune homme a été relaxé. L’État a dû lui verser 1.000 euros à titre de dédommagement.
En effet, traumatisé, le jeune homme de 22 ans a dû interrompre ses études, en raison des «explosions impulsives», des «crises de pleurs» et des «ruminations centrées sur la peur qu’il a eue de mourir», comme l’a confirmé l’expertise psychiatrique.
Réaction de la préfecture de police
D’après Mediapart, plus d’un an après les faits, aucune mesure à l’encontre de ces policiers n’a été prise par la préfecture de police de Paris qui a déclaré le 16 novembre aux journalistes que «le parquet a conclu à la légitime défense». Ces informations sont fausses, insiste le site d’actualité qui cite une source judiciaire selon laquelle l’enquête ouverte par l’IGPN en mai 2019 pour «violences par personne dépositaire de l’autorité publique» est terminée et les policiers pourraient être poursuivis.
«La balle est passée à quelques centimètres de ma tête. Et ce policier est toujours armé et continue de travailler. On attend quoi? Qu’il tue quelqu’un?», déplore Paul.
Le 28 novembre, jour des Marches pour les libertés, la préfecture de police a recontacté les journalistes pour légitimer l’absence de suspension des policiers par «la complexité juridique de cette affaire».
Les policiers s’expliquent
Mediapart a pu également consulter les procès-verbaux rédigés la nuit des faits par ces policiers, ainsi que leurs auditions dans le cadre de l’enquête ouverte pour vol. Les journalistes évoquent une «multitude d’infractions commises» par les agents. Le major Patrick O., chargé de l’interpellation, reconnaît entre autres qu’ils n’avaient «ni gyrophare ni brassard de police» et que «l’action a pris le dessus sur le réflexe» de sortir un brassard.
Le média rappelle que le code de la sécurité intérieure rend obligatoire le port du brassard et les sommations en cas d’usage de leurs armes par les policiers.
Quant à l’auteur des coups de feu, Alexis B., il essaie de justifier le premier tir par la marche arrière de la voiture de Paul qui a percuté la leur. Il a ensuite pensé que l’homme au volant voulait faire une marche avant ce qui l’a poussé à ouvrir le feu une deuxième fois. «Je pointe en direction du danger pour protéger les collègues, donc un tir de riposte», a-t-il souligné alors que la vidéo atteste que la voiture ne bougeait plus.
Quoiqu’il en soit, l’avocat de Paul estime que les images témoignent de «la violence et l’illégitimité» de l’interpellation et «démentent la version des policiers». Pour lui, les poursuites à l’encontre du jeune homme «visaient à couvrir les violences policières».