Un mystère persiste autour de la mort du commandant en second d’Al-Qaïda* en août dernier à Téhéran. Selon le New York Times, Abdullah Ahmed Abdullah, alias Abou Mohammed al-Masri, aurait été assassiné en plein jour dans les rues de Téhéran par des agents du Mossad israélien, grâce à des informations de la CIA. Il avait été accusé d’avoir organisé les attaques meurtrières contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998.
De plus, si l’histoire telle qu’elle est racontée est vraie, elle expose l’Iran à être accusé d’héberger ou même de soutenir le terrorisme. Pourquoi Téhéran accepterait-il un dirigeant d’Al-Qaïda* sur son sol tout en travaillant à liquider les djihadistes de la région, notamment en Syrie et en Irak? Ce n’est pas cohérent.
Alors, où est la faille dans cette affaire et quelle est la vérité? Alexandre del Valle, géopolitologue, consultant et essayiste, réagit aux propos de Christopher Miller, nouveau secrétaire américain de la Défense par intérim, qui évoque la présence de cellules de commandement d’Al-Qaïda* en Iran:
«Les cellules de commandement d’Al-Qaïda*, elles sont toujours dans certains endroits du Pakistan, en Afghanistan, au Yémen et dans le nord-ouest de la Syrie, accessoirement… Mais c’est quelque chose que l’on entend systématiquement dans les milieux anglo-saxons. Où est la vérité? Peut-être qu’il y a un peu des deux, parce qu’il y a quand même eu pas mal de cadres d’Al-Qaïda* qui sont passés par l’Iran.
Mais ce que disent les spécialistes de l’Iran, c’est que l’Iran aurait fait un peu comme la Syrie quand elle laissait passer les gens d’Al-Qaïda* sur son sol, en leur disant qu’on ne fait qu’être neutres et on ferme les yeux pour que vous alliez faire vos affaires, pour que nous ne soyons pas un lieu d’affrontement.»
Alors, si les faits sont confirmés, que faisait le commandant en second d’Al-Qaïda* sur le sol iranien? Le géopolitologue avance des hypothèses, mais reste prudent sur la réalité des accusations portées contre l’Iran:
«Certains disent que l’Iran aurait encore des liens avec quelques personnalités d’Al-Qaïda*, mais qu’il serait plutôt une zone neutre et qu’Al-Qaïda* devrait agir à partir d’autres endroits.
D’autres, les anglo-saxons et surtout les Américains, veulent absolument prouver que l’Iran serait le lieu où Al-Qaïda décide de son commandement central et de ses actions, ce qui me paraît assez peu plausible. Je ne veux pas l’écarter totalement […], mais les éléments que les spécialistes ont aujourd’hui ne vont pas dans ce sens. En tout cas, les spécialistes qui ne sont pas liés au pouvoir américain.»
Les États-Unis ont-ils alors raison d’accuser l’Iran de soutenir le terrorisme? Del Valle répond:
«Aujourd’hui, l’Iran se limite à agir de manière parfois terroriste ou envoie de troupes de guerriers ou de mercenaires, mais les actions violentes à l’extérieur, c’est essentiellement soit en milieu palestinien sunnite, soit partout ailleurs, c’est en milieu chiite, yéménite, irakien, libanais ou en Syrie contre des ennemis en général sunnites, bien sûr, Al-Qaïda* ou les Frères musulmans*.»
*Organisation terroriste interdit en Russie