Ce n’était qu’un tir de sommation, mais il sonne déjà comme une victoire. C’est du moins le sentiment partagé, au Togo ce 26 novembre, par nombre d’usagers de téléphonie mobile après les réductions de tarifs décrétées la veille par les deux opérateurs du pays.
Cette autorité publique indépendante, qui a un droit de regard sur la mise en œuvre des cahiers des charges des compagnies de télécoms installées dans le pays, a donc donné raison aux «grévistes de la recharge». En août dernier, trois associations de la société civile et des activistes du web avaient appelé les clients des opérateurs à ne plus recharger leur forfait téléphonique. Outre la journée morte du 16 août, une pétition avait été signée par des milliers de Togolais et adressée aux autorités pour réclamer, entre autres, cette réduction du coût de la communication jugé trop cher comparé aux pays de la sous-région.
L’Autorité de régulation prend acte
En cause, l’opérateur historique TogoCom –détenu, depuis sa privatisation en 2019, à 51% par un conglomérat malgache Axian, dirigé par la famille Hiridjee, et le fonds d’investissement panafricain Emerging Capital Partners– et l’opérateur Atlantique Télécom (Moov), une filiale du groupe Maroc Telecom.
Ces deux acteurs de la téléphonie mobile ne semblaient pas prendre en considération les réclamations de la société civile au nom de leurs 2 millions de clients et ils se nourrissaient jusque-là du silence des autorités du pays.
Mais en ce début novembre, la forte pression exercée par l’Arcep, qui les sommait de corriger, sous peine de sanctions, les pratiques de différenciation des tarifs des communications, considérées comme une «violation de leurs cahiers des charges», a sonné une première victoire au profit des «grévistes de la recharge».
«En réaction, les deux opérateurs de téléphonie mobile ont procédé à l’alignement de leurs tarifs de communications intra et interréseau (..). Ils ont réaménagé leurs grilles tarifaires», prend acte l’Arcep dans un communiqué en date du 26 novembre.
Sur la page Facebook de Moov Togo, les nouveaux prix sont exposés.
Sur la page Facebook de TogoCom, une note de réengagement au respect de son cahier de charge.
L’action de l’Arcep réjouit les organisations de la société civile togolaise qui mènent cette lutte depuis des années. Dans un communiqué conjoint aussitôt publié, l’Association togolaise des consommateurs (ATC), la Ligue des consommateurs du Togo (LCT) et le Mouvement Martin Luther King (MMLK) ont manifesté leur soutien à l’autorité de régulation «dans sa logique de mettre fin à la violation des droits des consommateurs»
«La lutte continue»
Si la question du coût élevé de la communication est réglée, ce n’est pas encore le cas des réclamations formulées depuis le mois d’août par les organisations de la société civile togolaise et des activistes du web.
Journaliste de formation, Anani Sossou est un des militants qui ont pris une part active à la grève. Dans une déclaration à Sputnik, il affirme ne pas écarter de nouvelles actions de boycott des services des opérateurs mobiles prochainement, si rien n’est fait entre-temps.
«Je ne pense pas que cette première action de l’Arcep va nous empêcher de continuer notre lutte. La lutte continue puisque l’objectif n’est pas encore totalement atteint. Il ne faut pas oublier que plus de 9.000 Togolais ont signé une pétition pour demander à ces deux opérateurs économiques de cesser le rabotage des forfaits d’appels et de data des citoyens, et d’améliorer la qualité du réseau», soutient cet activiste du web.
En Afrique subsaharienne, les conflits entre usagers et opérateurs mobiles, accusés de pratiquer des prix trop chers, sont fréquents.
Au Bénin, voisin de l’est du Togo, par exemple, une action de boycott de la recharge est d’ailleurs prévue le 8 décembre prochain. Des usagers, soutenus par des organisations de la société civile, accusent l’opérateur MTN de «prélèvements anarchiques de crédits et de forfaits Internet» dont ils réclament la rétrocession.