«Le Pakistan n’a pas intérêt à rompre ses relations avec la France», affirme au micro de Sputnik le général Alain Lamballe (2S), spécialiste de l’Asie du Sud, à la revue Asie 21.
Pourtant, après plusieurs jours d’intenses manifestations à Islamabad, le gouvernement pakistanais aurait donné raison à la rue: «Nous appelons à l’arrêt des manifestations après que le gouvernement a signé un accord selon lequel il approuvera officiellement le boycott des produits français», a indiqué au micro de Reuters Ejaz Ashrafi, porte-parole du parti islamiste Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP).
Ce dernier, qui réclamait le boycott des produits français et la rupture des relations diplomatiques avec l’Hexagone, a appelé ses militants à se disperser, indiquant qu’il avait obtenu gain de cause. Pour preuve, le parti a fait circuler un document que Reuters a pu consulter, présentant les signatures du ministre de l’Intérieur et du ministre des Affaires religieuses. Le texte en question stipule que l’expulsion de l’ambassadeur français doit être discutée dans les trois mois à venir devant le Parlement et qu’un boycott des produits français sera instauré.
«La France n’a pas grand-chose à perdre»
Quelle est la valeur de ce document? Est-il officiel ou est-ce un simple anesthésiant social? Difficile à dire. Les ministères des Affaires étrangères pakistanais comme français ne donnent aucune réponse à la presse sur le sujet. Mais pour le général Alain Lamballe, la position du gouvernement pakistanais n’est pas à prendre au sérieux. Il s’agit davantage de dynamiques politiques intérieures à l’œuvre et non d’une réelle aversion diplomatique envers la France:
«Imran khan [Président pakistanais, ndlr] est prisonnier des extrémistes islamistes. Il se laisse manipuler, consciemment ou pas.»
D’autant que cette position pourrait vite se retourner contre lui.
«La France n’a pas grand-chose à perdre. Les échanges entre les deux pays ne sont pas si significatifs que cela. Cela n’a, par exemple, rien à voir avec ceux qui ont lieu entre la France et l’Inde», précise Alain Lamballe.
En 2019, les échanges bilatéraux entre les deux pays s’élevaient à 1,3 milliard d’euros contre 11,6 milliards d’euros avec l’Inde, d’après les chiffres officiels. Un gouffre.
Dépendance militaire pakistanaise
De plus, le Pakistan «est dépendant de l’appui français d’un point de vue militaire», souligne Alain Lamballe. Et la diplomatie française en est bien consciente. En atteste le refus de Paris d’aider le Pakistan à moderniser sa flotte d’avions de chasse Mirage, son système de défense aérienne et ses sous-marins de classe Agosta 90Bd, après les récents agissements d’Islamabad.
La France a également demandé au Qatar, un des pays à avoir acheté des Rafales à la France, de ne pas autoriser les techniciens d’origine pakistanaise de travailler sur l’avion par crainte qu’ils ne divulguent des informations techniques à la Défense pakistanaise. L’appareil est en effet le chasseur de première ligne de l’Inde.
«Le Pakistan bénéficie aussi d’avantages fiscaux au sein de l’Union européenne, en tant que pays en voie de développement, et la France pourrait s’opposer au maintien de ces préférences fiscales», ajoute le contributeur à la revue Asie 21.
«Pour ces raisons, je ne crois pas que le Pakistan ira jusqu’au bout de ses déclarations et qu’il expulsera l’ambassadeur français, par exemple», prédit-il.
Le Président Imran Khan était l’un des rares dirigeants, avec Recep Tayyip Erdogan, à mettre directement en cause l’islamophobie alléguée du Président français après l’attentat de Samuel Paty et la défense par l’Élysée du droit à la caricature. Deux chefs d’État qu’Alain Lamballe considère clairement comme «anti-occidentaux».