Deux semaines après le scrutin du 3 novembre, les Américains n’ont toujours pas la certitude absolue de qui occupera la Maison-Blanche le 20 janvier prochain.
Répétant sur les réseaux sociaux que l’élection lui a été «volée», le Président sortant, Donald Trump, refuse toujours de concéder la victoire à son adversaire déclaré gagnant par les médias, le Démocrate Joe Biden.
Le système politique américain, meilleur allié de Joe Biden?
Selon Guillaume Lavoie, expert de la politique américaine basé à Montréal, Justin Trudeau, Premier ministre canadien, a bien fait d’être le premier chef d’État au monde à féliciter de vive voix Joe Biden pour sa victoire, car il ne fait aucun doute que ce dernier succédera à Donald Trump. En entrevue avec Sputnik, il explique que «l’idée de la continuité est ancrée très profondément dans l’expérience politique américaine» et que cette réalité devrait favoriser l’arrivée de Biden à la Maison-Blanche en raison des mécanismes légaux qui la soutiennent.
«Il faut d’abord faire la distinction entre les aspects légaux, traditionnels et politiques. C’est important de faire la distinction entre les trois, car on s’imagine qu’il n’y aura pas de transition en raison de l’obstination de Trump. […] Donald Trump peut retarder la phase de transition, mais il ne pourra pas faire fi des obligations légales, qui dépassent de loin la volonté du Président depuis la loi de 1963 du Congrès planifiant la transition», souligne d’abord l’expert.
Contrairement à certains chefs d’État comme les Présidents russe et mexicain, Justin Trudeau a effectivement choisi de reconnaître le Président Biden sans attendre le résultat des processus légaux de validation du vote et des procédures judiciaires pour fraude. Le 16 novembre dernier, les députés canadiens de la Chambre des communes, à Ottawa, ont adopté une motion unanime pour saluer la victoire de Biden et l’inviter à prendre la parole dans cette même enceinte.
Transition présidentielle: «l’aspect légal est béton»
Membre de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’Université du Québec à Montréal et observateur électoral international, Guillaume Lavoie rappelle que la transition présidentielle commence plusieurs mois avant l’élection:
«Dès ce moment, des centaines de fonctionnaires dans l’ensemble des agences et des départements sont chargés de préparer la transition, sans égard à qui sera gagnant […] Aux États-Unis, le pouvoir politique est diffus et réparti à travers plusieurs institutions. […] C’est très clair que Donald Trump a un agenda politique qui n’est pas celui de rester au pouvoir. Ça n’arrivera pas», tranche le chercheur.
Ayant pris part à l’observation d’une trentaine de processus électoraux à travers le monde pour le compte de diverses organisations comme l’Organisation des États américains, Guillaume Lavoie considère que les démarches judiciaires entreprises par Trump et son équipe pour contester des résultats sont vouées à l’échec.
«Même au Canada, toute élection comporte des irrégularités. Une élection, c’est quand même la science du détail. Ce sont énormément de gens qui doivent poser les mêmes gestes. Il y a toujours des erreurs. Maintenant, il faut nous demander si une erreur se retrouve de manière systématique. À date, il n’y a aucune preuve à cet effet aux États-Unis, d’autant plus qu’il est loin d’être certain que les erreurs ou fraudes commises pourraient avoir un impact sur le résultat final», analyse l’expert.
Dans ce contexte, M. Lavoie estime que la contestation de résultats électoraux s’inscrit plutôt dans une «stratégie financière et politique» visant à préparer «l’après-Donald Trump» ou même son retour à la prochaine Présidentielle.
«Tout le monde se prépare à ce que ce soit Joe Biden qui devienne le Président et le commandant en chef le 20 janvier à 12h01», insiste-t-il.
L’analyste rappelle également qu’il ne s’agirait pas de la première fois dans l’histoire américaine qu’une transition présidentielle s’effectue de manière abrupte, peu importe ce que planifie le Président sortant:
«Quel est alors le plan Trump? Il y a une partie financière et une partie politique. Il veut d’abord inciter sa base à lui envoyer beaucoup d’argent pour bâtir son fonds de défense légale, dont il pourra transférer des sommes vers son fonds de campagne, sans doute pour payer des dettes. […] Je ne serais pas surpris non plus qu’il veuille lancer l’équivalent de "Trump TV" ou un mouvement politique. […] Chose certaine, Trump va rester un acteur important dans le discours politique», prédit l’expert.