Phénomène récent, les faux Amérindiens se multiplient au Canada, pays où le gouvernement Trudeau a lancé en 2015 une vaste politique de «réconciliation». Comme son nom l’indique, celle-ci vise à réconcilier les Canadiens d’origine européenne avec les Canadiens autochtones, avec lesquels ils n’auraient pas toujours entretenu d’excellents rapports à travers l’histoire.
En plus d’attendre les résultats concrets de cette réconciliation sur leurs territoires, des leaders autochtones doivent maintenant composer avec une augmentation fulgurante du nombre de cas de «fraude identitaire».
Des faux Autochtones dans l’administration publique
En novembre 2019, une histoire est devenue emblématique de cette nouvelle pratique, lorsque les Canadiens ont appris que la toute première élue autochtone de la Ville de Montréal était loin de l’être réellement… Le maire de cette ville, Valérie Plante, avait confié à Marie-Josée Parent le prestigieux dossier de la réconciliation avec les Premières Nations.
Jacques T. Watso, membre du conseil de la nation abénaquise d’Odanak, dans le centre du Québec, confie à Sputnik que son organisation «commence à prendre des actions» pour s’attaquer à ce qu’il décrit comme une «imposture».
«Avec la force des choses, on se disait que le phénomène allait finir par s’atténuer, mais ça n’a jamais été le cas, au contraire. […] Beaucoup de gens dans ces groupes font des cérémonies douteuses: ils jouent aux Indiens de manière extrêmement kitsch. C’est un mélange de croyances Nouvel âge [«New Age», ndlr.], de clichés sur nos peuples sortis d’Hollywood. Avec le temps, le phénomène s’est structuré et a pris de l’ampleur», observe le leader autochtone au micro de Sputnik.
En mai 2019, une enquête du journal La Presse révélait que de plus en plus de détenus «blancs» se déclaraient autochtones dans les prisons fédérales pour bénéficier de meilleures conditions de détention. Le statut d’Amérindien permet aux détenus de faire instruire leur dossier plus rapidement, de manger de meilleurs repas et même de recevoir des visites privées avec la possibilité de rapports sexuels. Il suffit pour un détenu de se déclarer autochtone en vertu du principe «d’auto-déclaration» instauré par le gouvernement fédéral, sans même avoir des ancêtres issus des Premières Nations.
Prétentions territoriales, privilèges… Faux Autochtones, vrais opportunistes?
Jusqu’à récemment, si le phénomène se limitait à ces affaires carcérales et à l’octroi d’emplois à des «imposteurs», des communautés autochtones commencent à craindre pour l’intégrité de territoires qui leur reviennent de droit. Selon Jacques T. Watso, des «groupes autoproclamés» commencent même à avoir des prétentions territoriales, alors qu’ils sont constitués de gens sans aucun lien culturel et/ou biologique avec une tribu:
«En avril 2019, notre Conseil d’Odanak a pris clairement position pour dénoncer ces groupes autoproclamés et leurs membres qui se réclament de notre nation abénaquise sur notre territoire traditionnel. Nous avons créé un comité d’affirmation pour protéger nos droits. […] Il y a tellement de groupes autoproclamés comme l’Alliance autochtone que nous avons été forcés de réagir», poursuit Jacques T. Watso.
Des fonds publics réservés aux Autochtones réclamés par des «imposteurs»
En entrevue, le conseiller de la nation abénaquise d’Odanak déplore également que de faux Autochtones puissent parfois réclamer des fonds publics réservés aux Amérindiens:
«Par exemple, le Conseil des arts du Canada a un volet autochtone. Certains Autochtones autoproclamés postulent pour obtenir des subventions de cet organisme. […] Certains n’ont qu’à se procurer une carte les identifiant comme autochtone pour le prix de 40 dollars canadiens [34 euros, ndlr] pour ensuite obtenir des subventions. Puisque les organismes ne connaissent pas bien la réalité autochtone, ils ne sont pas vraiment en mesure de démêler le vrai du faux dans tout ça», explique Jacques T. Watso.
Si des individus se font passer pour Autochtone afin d’obtenir des privilèges économiques comme des exemptions de taxes sur certains territoires, d’autres le font parce qu’ils vivent une sorte de crise existentielle, estime M. Watso. «Ce sont des gens qui ont perdu leurs repères», tranche le leader amérindien, qui déplore aussi d’être parfois traité de «raciste» parce qu’il critique la pratique:
«Ce sont des charlatans qui se valident entre eux. […] Il y a mal de mythe du “bon sauvage” là-dedans et certains n’acceptent pas du tout qu’on leur dise qu’ils n’ont pas d’ancêtres autochtones», conclut-il.