Au Québec, un projet de loi conduira-t-il à faciliter les changements de sexe irréversibles chez les jeunes?

© Sputnik . Jérôme Blanchet-GravelL'aile sud de l'Assemblée nationale du Québec, dans la ville de Québec (2019)
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Au Québec, une loi interdira les «thérapies» destinées à changer l’orientation sexuelle de quelqu’un. Si la loi semble faire l’unanimité, certains craignent qu’elle empêche les psychologues de traiter des jeunes souvent appelés à regretter une opération de changement de sexe. Entrevue avec le porte-parole d’un collectif de parents inquiets.

Dans la Belle Province, les «thérapies de conversion», destinées à changer l’orientation sexuelle d’un individu, le plus souvent d’homosexuelle à hétérosexuelle, sont sur le point d’être interdites. Actuellement étudié par le gouvernement, le projet de loi n°70 (Loi visant à protéger les personnes contre les thérapies de conversion dispensées pour changer leur orientation sexuelle, leur identité de genre ou leur expression de genre) devrait rapidement être adopté sans commission parlementaire.

«Ce projet de loi vise à protéger les personnes contre les préjudices occasionnés par les thérapies de conversion […] Le projet de loi établit que toute thérapie de conversion est présumée porter atteinte au droit à l’intégrité et à la dignité de la personne», peut-on lire en préambule.

Si le projet de loi n°70 semble faire l’unanimité parmi les quatre partis représentés à l’Assemblée nationale, un collectif de parents (ainsi qu’ils se sont sobrement désignés) s’inquiète des impacts négatifs qu’il pourrait avoir pour les jeunes souffrant de dysphorie de genre. Ce terme médical désigne la souffrance d’une personne qui a le sentiment profond de ne pas appartenir à son sexe de naissance. Autrement dit, l’impression «de ne pas se trouver dans le bon corps».

Le projet de loi pourrait prohiber des thérapies 

Dans son mémoire déposé à l’Assemblée nationale dans le cadre des consultations sur le projet de loi, ce collectif de parents issus des quatre coins du Québec précise qu’il est parfaitement d’accord avec «l’esprit du projet», mais qu’il pourrait empêcher des enfants et adolescents souffrant de «dysphorie de genre» de recevoir les traitements appropriés.

Pour mieux comprendre cet enjeu encore très peu abordé au Québec, Sputnik s’est entretenu avec Nadia El-Mabrouk, intellectuelle laïque et porte-parole de ce groupe. Selon elle, «l’amalgame fait entre orientation sexuelle d’une part, et identité et expression de genre d’autre part» est hautement problématique:

«La question est de savoir ce qui pourrait être considéré comme une "conversion" de l’identité de genre ou de l’expression de genre. […] Est-ce qu’un psychologue qui explore les motivations d’un patient exprimant une discordance avec son sexe biologique serait considéré comme pratiquant une thérapie de conversion?», demande d’entrée de jeu Mme El-Mabrouk au micro de Sputnik.

L’intellectuelle et professeur d’informatique à l’Université de Montréal explique que la définition des thérapies de conversion contenue dans la loi pourrait mener à prohiber des pratiques scientifiques ayant pour but d’aider les jeunes aux prises avec d’importants questionnements liés à leur sexe et leur orientation sexuelle.

«La littérature scientifique est très claire sur le fait qu’une proportion significative (entre 60% et 98%, selon les études) des enfants qui refusent de s’identifier à leur sexe biologique se réconcilient avec celui-ci à l’adolescence, et un grand nombre d’entre eux se révèlent être homosexuels ou lesbiennes», précise celle qui est aussi mère de famille.

Tout récemment, la mère d’une adolescente de 17 ans a été autorisée par la Cour suprême de Colombie-Britannique à faire empêcher la double mastectomie de sa fille, c’est-à-dire l’ablation de ses deux seins. Restée anonyme, la mère a affirmé par l’entremise de son avocat que sa fille était «victime d’une mode» et que cette dernière n’avait pas encore la maturité ni le jugement requis pour comprendre le caractère irréversible de la chirurgie.

Des jeunes «victimes d’une mode»?

Le collectif de parents voudrait éviter que des jeunes décident de subir d’importantes opérations et le regrettent par la suite. Une tendance que cette loi pourrait favoriser à long terme:

«Peut-on vraiment croire au consentement éclairé d’un jeune à de telles interventions médicales qui auront des conséquences sur le reste de sa vie?», s’interroge le porte-parole du groupe.

Le groupe de parents dont Nadia El-Mabrouk est la porte-parole craint que la loi ne rajoute de la pression sur les thérapeutes pour les dissuader de mener auprès de leurs patients ce que les activistes transgenres voient comme des «thérapies de conversion»:

«Malheureusement, l’accusation de transphobie est très efficace pour intimider les psychothérapeutes […] La Clinique sur l’identité de genre de Toronto a été fermée à la suite d’accusations de pratiquer des "thérapies de conversion". Pourtant, son directeur, le Dr Zucker est une des références académiques les plus connues dans le domaine de la dysphorie du genre chez l’enfant», conclut-elle.
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