Depuis l’annonce du reconfinement, Twitter a vu pulluler des appels à la violence et des messages à caractère raciste.
«On arrête les mangas désormais c’est la chasse aux asiatiques les bridés là les jaunes mangeurs de chiens on pardonnera JAMAIS» [sic.], «ça va aller dans le 13e chasser du chinois» [sic.] ou «Moi j’appelle tous les renois [Noirs] et rebeus [Arabes] de FRANCE à agresser chaque chinois qu’ils croiseront dans la rue» [sic.], autant de publications haineuses visant les Asiatiques, accusés d’être à l’origine de l’épidémie.
Contactée par Sputnik, Jackie Troy, vice-présidente du Conseil représentatif des associations asiatiques françaises (CRAAF) ne cache pas son désarroi.
«On est très inquiets. On était déjà une cible pour les délinquants, maintenant on va devenir une cible pour les racistes.»
Au vu de la gravité des propos, le Parquet de Paris a ouvert début novembre une enquête pour «provocation publique à commettre une atteinte à l’intégrité physique d’une personne à caractère raciste». La Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) est en charge de l’enquête.
Huit agressions depuis le reconfinement
Au début de la crise sanitaire, ce type de contenu avait déjà été diffusé sur les réseaux sociaux. Une jeune femme avait d’ailleurs lancé le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus pour dénoncer ces réactions racistes.
Je partage le texte et le hashtag créé par une camarade adoptée qui ne souhaite pas que son nom soit mentionné afin d’éviter le harcèlement et le racisme anti-Asiatiques qu’elle dénonce.
— Amandine Gay (@OrpheoNegra) January 27, 2020
Merci de relayer sa parole.
—-#JeNeSuisPasUnVirus #coronavirus#RacismeAntiAsiatique pic.twitter.com/z2KMx3WZUf
Cette fois-ci, fini les hashtags. L’Association des Jeunes Chinois de France (AJCF) et le collectif Sécurité pour Tous ont lancé un appel sur Facebook afin d’encourager les victimes à porter plainte. Pour ce faire, les deux entités ont mis à disposition un guide pratique pour faciliter les signalements à la police. «Sans plainte, il n’y a officiellement aucun délit, crime ou même victime», explique l’association.
Une démarche salutaire puisque, comme le confesse Jackie Troy, certaines victimes «ne veulent pas faire de vagues» même «s’ils subissent quelque chose». «Il y a du fatalisme», regrette-t-elle.
«On est une cible facile», souligne Jackie Troy.
Des violences qui ne datent donc pas de la crise sanitaire. En 2016, la mort de Chaolin Zhang, un couturier chinois de 49 ans, décédé après un vol violent, avait suscité la colère de la population et des associations. Une mort symbolisant la stigmatisation des personnes d’origine asiatique, notamment en Île-de-France. Les associations avaient alors enjoint le gouvernement à réagir. Un appel resté lettre morte, puisque Jackie Troy déplore encore aujourd’hui le manque de soutien de la part des politiques.
Un début de prise de conscience des politiques?
La vice-présidente du CRAAF confie que sur le réseau social WeChat, des membres de la communauté asiatique en sont réduits à envoyer des messages appelant à «une vigilance extrême» ou encore «à faire profil bas».
Dans une tribune, publiée dans Libération, signée par plus de 100 députés (LREM, LR, LFI et PCF), un début de prise de conscience semble voir le jour: «Pendant des années, nous avons eu collectivement tendance à sous-estimer les paroles racistes à l’égard des personnes d’origine asiatique.»
«Sous couvert de préjugés “positifs”, nous avons laissé se banaliser des propos qui mènent aujourd’hui à une grave violence verbale et physique, allant jusqu’au lynchage, comme l’a vécu Kévin, un jeune du XIXe arrondissement de Paris molesté par des lycéens scandant “sale Chinois” à chaque coup assené», écrivent-ils.
Pour tenter d’endiguer le phénomène, ces députés préconisent de renforcer à l’école «la lutte contre les préjugés sur la prétendue richesse des “Chinois”», «d’obtenir le signalement systématique et le retrait des contenus qui répandent la haine sur Internet», car «succèdent toujours aux délits de paroles des délits d’actes.»
Une position que partage Jacques Sun, président du CRAAF, qui fait savoir à Sputnik que les plateformes doivent être «plus réactives, dès le premier signalement, pour supprimer les messages et suspendre les comptes des auteurs de messages de haines et harcèlement.»
«Face aux appels à la haine sur Internet aujourd’hui contre la communauté asiatique, demain probablement contre d’autres communautés, nous pensons que les plateformes de réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Instagram, YouTube, TikTok) doivent être responsabilisées et encadrées par une loi sur le sujet.»