Un deuxième confinement moins handicapant pour l’économie que le premier? S’il est trop tôt pour tirer des conclusions alors que la date de fin de ce deuxième «lockdown» n’est pas connue, la Banque de France vient d’apporter une nouvelle d’importance qui pourrait tendre en ce sens. Elle a estimé ce 9 novembre que l'activité de l'économie française allait reculer beaucoup moins fortement en novembre qu’en avril lors du premier confinement.
#EMC En octobre, une activité à peu près stable par rapport à septembre dans l’#industrie, le #bâtiment et les #services, à l’exception d’un repli déjà sensible dans la restauration et l’hôtellerie. Le point sur la conjoncture 🇫🇷 à fin octobre 2020 👉 https://t.co/JfZGfQWwgy pic.twitter.com/o4vkVpwJDC
— Banque de France (@banquedefrance) November 9, 2020
«La perte de PIB pour une semaine type d'activité (par rapport au niveau normal d'avant la pandémie) serait de -12% en novembre, contre -4% en octobre mais -31% en avril», détaille la Banque de France dans son enquête mensuelle de conjoncture menée auprès de 8.500 entreprises.
Le vaccin de l’espoir
Le choix du gouvernement de mettre en place un confinement moins strict pour les Français, avec de nombreux commerces pouvant continuer à ouvrir leurs portes, semble donc payer. Joint par Sputnik, Philippe Béchade, président des Éconoclastes, parle de «bonnes nouvelles» mais juge que l’essentiel n’est pas là.
L’annonce faite ce 9 novembre par l’américain Pfizer et l’allemand BioNTech du développement d’un vaccin «efficace» à 90% pour prévenir les infections au Covid-19 pourrait tout changer, selon l’économiste. «Le premier ensemble de résultats de notre essai de vaccin Covid-19 de phase 3 fournit la preuve initiale de la capacité de notre vaccin à prévenir le Covid-19», a lancé, euphorique, le président-directeur général de Pfizer Albert Bourla dans un communiqué, alors que ce n’est pas le premier vaccin à être promu de la sorte.
Sur la base de projections, Pfizer et BioNTech ont déclaré qu'elles prévoyaient de fournir jusqu'à 50 millions de doses de vaccins dans le monde en 2020 et jusqu'à 1,3 milliard de doses en 2021. Ces annonces semblent cependant plus qu’optimistes, sans parler du fait que les phases de test ne sont pas terminées. D’après l’OMS, dix essais cliniques de vaccins sont actuellement en phase 3 dans le monde, dont celui du russe Spoutnik V et celui du laboratoire britannique AstraZeneca. La phase 3 est la dernière avant une demande d’homologation.
Pfizer et BioNTech sont cependant les premiers à rendre publics des résultats intermédiaires de ces essais. Philippe Béchade souligne que pour l’économie, au-delà de la réalité scientifique, «l’important c’est ce que croient les marchés»:
«L’annonce d’un vaccin qui serait efficace à 90% est un véritable “game changer”. Imaginez qu’il devienne possible qu’une campagne de vaccination débute à la fin de l’année et que d’ici le mois de mars 2021, 80% de la population soit vaccinée. Les marchés changeront tous leurs modèles. Non seulement on aura écarté le risque de nouveaux confinements et d’arrêts de l’économie, mais en plus on aura accumulé des milliers de milliards de devises Banques centrales.
Le président des Éconoclastes fait ici référence aux politiques ultra-accommodantes mises en place par de nombreuses banques centrales à travers la planète pour lutter contre la crise. Ces dernières ont ainsi injecté des sommes colossales dans l’économie. Le Programme d'achats d'urgence pandémique (PEPP) de la Banque centrale européenne (BCE) porte par exemple sur 1.350 milliards d’euros.
«Le meilleur des deux mondes avec à la fois de la croissance et une surliquidité», lance Philippe Béchade. «Si aux liquidités des banques centrales, vous ajoutez un remède au Covid, il n’y a plus qu’à se préparer à un avenir radieux. Tout du moins sur les marchés financiers», poursuit-il.
Ces derniers s’envolent littéralement ce 9 novembre. A 15h11, le CAC 40 était en hausse de 7,90%. Dans le même temps, le DAX allemand prenait environ 6% et Madrid grimpait de plus de 8%. Aux États-Unis, l'indice Dow Jones était annoncé en hausse de plus de 4% avant l’ouverture.
«Si l’efficacité de ce vaccin était confirmée, les marchés connaîtraient une hausse comme nous n’en avons pas vu depuis très longtemps. Nous sommes dorénavant en mode “risque” et les marchés devraient se mettre à racheter tout ce qui était le plus impacté par la crise», analyse Philippe Béchade.
Et il serait temps que les choses s’améliorent pour plusieurs secteurs. Sans surprise, les plus en souffrance sont ceux de la restauration, du commerce non alimentaire et des activités récréatives. Ces derniers sont bien moins lotis et devraient connaître un sort semblable à celui vécu lors du confinement du printemps.
D’après la Banque de France, les fermetures et les restrictions de déplacement sur le territoire ne devraient même pas permettre aux entreprises du secteur de la restauration de fonctionner à 10% de leur activité normale. Le chiffre passe à 20% en ce qui concerne l’hébergement. Les activités de location, les loisirs et les services à la personne devraient tourner à moins de 60% de leur activité habituelle. C’est cependant mieux qu’en avril où elles fonctionnaient à moins du tiers.
Du côté des bonnes nouvelles, on peut signaler que l’activité industrielle a été globalement stable en octobre. Des déplacements plus souples que lors du premier confinement ainsi qu’une accoutumance à son égard permettent d’après la Banque de France de réduire son impact économique négatif.
Preuve de l’amélioration de la situation: l'aéronautique, sinistrée au possible durant une grande partie de 2020, devrait fonctionner en novembre à 75% de son rythme habituel. C’est encore mieux pour le secteur automobile: 90%. L'industrie chimique devrait quant à elle tourner à 93% de ses capacités et l'habillement-textile-chaussures à 81%.
«Ce qui compte, c’est ce que les marchés croient»
Même constat du côté de l’agroalimentaire et de la pharmacie, qui ont fonctionné à des niveaux proches de l’avant-crise en octobre. Un constat que partage le secteur du bâtiment qui est revenu «proche de la normale» le mois dernier. Là encore, la flexibilité offerte sur les dérogations de sortie, ainsi que l'adaptation du cadre de travail aux mesures sanitaires, jouent fortement. «Les chantiers ne se sont pas arrêtés et d'une manière générale, les entreprises bénéficient de l'effet d'apprentissage», explique la Banque de France.
«Si l’annonce de Pfizer et BioNTech est solide, ces bonnes nouvelles ne devraient être qu’un début», annonce Philippe Béchade. Ce dernier rappelle tout de même que le géant américain et son partenaire allemand jouent très gros: «Vous imaginez qu’une telle annonce ne soit pas confirmée? L’atteinte à la crédibilité de ces entreprises serait telle qu’elles ne s’en remettraient pas.»
Reste que, s’il est moins violent, le deuxième confinement aura néanmoins un impact négatif sur l’économie française. La banque centrale avait anticipé en septembre une chute du PIB de 8,7% cette année, mais la deuxième vague de Covid-19 est venue tout changer.
Le Gouverneur de la @banquedefrance François Villeroy de Galhau estime que la perte de PIB sera de -12% en novembre et que l'activité chutera de 9% à 10% en 2020 #RTLMatin @VenturaAlba pic.twitter.com/dzZP0KKZtM
— RTL France (@RTLFrance) November 9, 2020
«Avant la deuxième vague, nous pensions qu'on aurait une récession d'un peu moins de 9%. Nous pensons aujourd'hui que sur l'ensemble de l'année 2020, on sera entre -9 et -10% de contraction du PIB», a déclaré sur RTL François Villeroy de Galhau, patron de la Banque de France. Il a précisé que son institution ne souhaitait pas faire «de prévision sur l'ensemble du trimestre parce que ça va dépendre effectivement de ce qui se passe sur le mois de décembre».
«Les marchés se moquent royalement de l’économique réelle. Reste que si l’on considère que désormais tout ira bien, le coût de l’argent va se détendre très fortement, notamment pour les entreprises dont on pensait qu’elles pouvaient faire faillite si la crise sanitaire se prolongeait», analyse pour sa part Philippe Béchade.
Joe Biden, une bonne nouvelle pour l’Europe?
D’après François Villeroy de Galhau, il faut cependant rester prudent, notamment vis-à-vis des incertitudes au niveau international. Il estime qu’il faut que «le brouillard dans cette traversée se dissipe un peu autour de nous». Le directeur de la Banque de France a jugé que l’élection de Joe Biden était une «bonne nouvelle». «Les États-Unis devraient devenir plus prévisibles et contribuer à la diminution des incertitudes qui pèsent très négativement sur l'économie», a-t-il ajouté.
Une analyse partagée par Philippe Béchade:
«Le pari est que Joe Biden sera moins agressif envers ses partenaires ou concurrents européens. On espère qu’il lèvera certaines taxes mises en place par Donald Trump et mettra à l’écart les projets de son prédécesseur. Il se profile une détente dans les relations commerciales entre États-Unis et l’Europe. On peut imaginer que cela est positif pour tout le monde.»