Ces enfants âgés de 10 ans, trois garçons et une fille, sont accusés d'avoir tenu des propos «violents et inquiétants» lors de l'hommage à Samuel Paty lundi. «Ils ont dit que le terroriste avait bien fait», indique le procureur de Chambéry, Pierre-Yves Michau, interrogé samedi matin par l'AFP.
Ils ont «justifié l'assassinat», «arguant qu'il était interdit d'offenser le prophète et ajoutant qu'ils tueraient leur professeur s'il caricaturait le prophète», abonde le ministère de l'Intérieur dans une vidéo diffusée vendredi soir sur Twitter.
Le parquet a été saisi mardi par la direction académique, à laquelle le directeur de l'école concernée avait signalé les faits; le même jour, l'enseignant découvrait dans sa boîte aux lettres un papier avec l'inscription: «t'es mort».
L'affaire relevant à ses yeux de l'apologie du terrorisme et des menaces de mort, tout en envoyant «des signaux faibles de radicalisation», le parquet a ouvert une enquête.
«Vu l'âge des élèves, il fallait enquêter sur le milieu familial. On ne pouvait pas seulement les convoquer, il fallait aussi perquisitionner le domicile et on ne savait pas à qui l'on avait affaire», justifie le procureur. «La police a fait son travail, dans le respect de la loi. Il est faux de dire que la police a usé d'une force démesurée», renchérit le ministère de l'Intérieur.
Le choc des parents
Des parents interrogés par le quotidien régional Le Dauphiné Libéré se sont dits cependant choqués par cette intervention qu'ils jugent disproportionnée.
«Vers 7h15, c'est notre fille de 13 ans qui a ouvert aux policiers. Certains étaient armés et cagoulés. Notre fils dormait encore. Ils sont alors entrés dans sa chambre», a témoigné l'une des mères. «On a été traité comme si on était des terroristes», a déploré son mari.
«Je n'aurais jamais imaginé qu'on arrêterait ma fille de 10 ans pour apologie du terrorisme. Lundi, elle a dit à son enseignant: "Je suis déçue pour le professeur (en parlant de Samuel Paty) mais ça aurait été bien qu'il ne montre pas les caricatures". Elle n'a rien dit d'autre», a affirmé la mère de la fillette.
Placés en retenue judiciaire
Après leur arrestation, les enfants ont été placés en retenue judiciaire durant toute la journée de jeudi pour être entendus par les enquêteurs, les parents faisant l'objet d'auditions libres. Du matériel informatique a été saisi.
«Les premières vérifications ont permis de conclure que les familles n'étaient pas radicalisées (...) La fillette a été mise hors de cause mais les trois garçons ont reconnu leurs propos et se sont excusés», a ajouté M. Michau.
Le mot retrouvé dans la boîte aux lettres n'a pas été imputé aux enfants, ni aux parents. Un suivi éducatif est prévu et les services de la Protection judiciaire de la jeunesse devraient décider d'une «mesure de réparation à finalité pédagogique», selon le magistrat.
L'affaire a été vivement dénoncée sur les réseaux sociaux par des membres de la communauté turque, tandis que l'agence de presse Anadolu s'en faisait l'écho, dans un contexte diplomatique déjà tendu entre Paris et Ankara.