Crise du Covid: loyers impayés, bombe à retardement?

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Face aux nouvelles mesures de confinement et à l’entrée dans la trêve hivernale, l’inquiétude grandit dans le secteur immobilier. Le risque de voir fortement augmenter les impayés de loyers s’accentue. Une situation qui aurait de lourdes conséquences financières pour les propriétaires qui louent afin de rembourser leur crédit immobilier. Analyse.

Le reconfinement dû à la pandémie de Covid-19 ouvre une nouvelle période d’incertitudes économiques en France.

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Alors qu’ils étaient restés jusque-là plutôt confiants, les professionnels de l’immobilier au sens large commencent à s’inquiéter des répercussions de cet état de crise prolongé. En effet, l’économie est portée à bout de bras par de coûteuses mesures de soutien du gouvernement. Un dispositif qui ne pourra probablement pas s’éterniser indéfiniment. Si les faillites d’entreprises demeurent pour l’heure limitées dans l’Hexagone, celles-ci pourraient se multiplier au premier semestre 2021.

Début novembre, la presse revenait ainsi sur la «possible bombe à retardement» de cette crise sanitaire que constituait pour le marché immobilier le risque de voir déferler une vague de loyers impayés. Nous sommes aux portes de la trêve hivernale, cette période de cinq mois où une expulsion prononcée par un juge à l’encontre d’un locataire mauvais payeur ne peut être mise à exécution. Cette année, au lieu de se terminer le 31 mars, la trêve hivernale avait été prolongée jusqu’en juillet.

Les petits propriétaires directement menacés

Crise du Covid et trêve hivernale: un cocktail qui ne laisse présager rien de bon aux propriétaires-bailleurs qui, comme le soulignait le Figaro, serait selon l’INSEE environ deux tiers à ne pas avoir les moyens de faire face à des impayés de loyers, ceux-ci étant nécessaires au remboursement de l’emprunt contracté pour l’achat du logement loué.

«Compte tenu du contexte économique (fermetures d’établissements, chômage partiel), beaucoup de gens vont réellement se trouver dans des situations économiques très difficiles. D’autre part, le risque d’expulsion étant encore une fois reporté, certains –de plus ou moins bonne foi– vont tout simplement se dispenser du paiement de leur loyer», résume auprès de Sputnik Maître Catherine Blanc-Tardy, avocate du barreau de Marseille et présidente de Syndec (Syndicat de défense des propriétaires et copropriétaires).

«Nos adhérents sont pour la plupart de petits propriétaires, artisans et commerçants, qui complètent par ces revenus locatifs leur maigre retraite. La situation promet pour eux d’être désastreuse», précise-t-elle. Notons que selon une autre étude de l’INSEE, 40% des accédants (propriétaires ayant encore des emprunts à rembourser) étaient issus de la «moitié de la population la moins aisée» en France.

Même en temps de Covid, la patience des banques est limitée

«À un moment donné, cela va craquer», confirme Wilfried Schaeffer auprès de notre rédaction. «Ce n’est que le début», estime cet avocat à Paris, spécialisé en droit immobilier, qui admet une hausse –pour l’heure modérée– du nombre de dossiers d’impayés. Le juriste met en avant l’effet de «stupéfaction» qu’a eu le premier confinement sur les acteurs économiques. En somme, si face à cet évènement exceptionnel que fut le premier confinement, les banques ont fait preuve d’une certaine tolérance à l’égard de leurs débiteurs, cela ne devrait pas s’éterniser.

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Bien que maître Schaeffer plaide pour la recherche d’une solution à l’amiable entre le propriétaire et son locataire, celui-ci rappelle qu’en temps normal, la procédure d’expulsion d’un locataire mauvais payeur en France peut durer «entre 18 et 24 mois». Une durée allant bien au-delà de ce que tolèrent les banques en matière de report de paiement de mensualités d’un prêt. Insistant sur le fait qu’à terme, les conséquences financières d’une telle situation peuvent être«dramatiques» pour le propriétaire lésé, l’avocat insiste sur l’importance de saisir un juge avant qu’il ne soit trop tard, à savoir avant que la déchéance du terme ne soit prononcée.

«Autrement, vous vous retrouvez, si c’est une hypothèque, à devoir vendre le bien. Et si c’est un crédit logement, c’est encore pire, parce que le dossier est alors pris en charge par un autre organisme qui paie la banque. Vous n’avez donc plus aucune possibilité de négocier avec elle», met en garde Wilfried Schaeffer.

C’est alors la double peine. Non seulement le propriétaire sera poussé à la vente du bien (et à la perte des frais d’acquisition de ce dernier) sans garantie de le revendre au prix d’achat, mais devra subir une valeur nettement dépréciée par la présence d’un locataire (entre 10% et 30%)… qui plus est si celui-ci est un mauvais payeur. Une perte sèche qui s’accompagne de frais de procédure, sans garantie de recouvrer les sommes dues par le locataire condamné en cas d’insolvabilité de ce dernier.

«Il faut savoir que l’expulsion est l’ultime étape qui va permettre au propriétaire de récupérer son bien, souvent très dégradé –après une période très longue de plus d’une année de temps judiciaire–, durant laquelle non seulement les loyers sont impayés, mais les charges de copropriété et les taxes diverses courent et que le propriétaire doit aussi exposer des frais d’huissier et d’avocat», précise Catherine Blanc-Tardy.

Face à cette crise planétaire, déjà présentée comme la pire depuis la Seconde guerre mondiale, et qui aurait précipité un million de Français supplémentaires dans la pauvreté, les mesures mises en place par le gouvernement afin de minimiser les pertes financières des propriétaires-bailleurs paraissent bien minces.

Les dérisoires aides de l’État aux propriétaires

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Action Logement met ainsi une aide exceptionnelle de 150 € par mois sur deux mois –et bientôt six mois, comme l’a annoncé le 24 octobre Jean Castex– sur condition de revenus. Ces dernières concernent notamment les salariés, dont les ressources doivent être supérieures au SMIC et inférieures à 1,5 SMIC, afin d’aider à payer le loyer ou le prêt immobilier.

Les enjeux financiers n’en sont pas moins colossaux. Une étude de l’Institut de Recherches économiques et Sociales (IRES) estimait entre 6 et 7 millions le nombre de Français qui pourraient faire face à des difficultés pour payer leur loyer à cause des conséquences de la crise sanitaire. Cette étude est parue en avril. Un mois où, selon un rapport parlementaire remis le 5 novembre dans le cadre du projet de loi finance (PLF) 2021, la note des retards de paiement avoisinait les 150 millions d’euros pour les seuls bailleurs sociaux.

Signal faible? Une chose est sûre: les propriétaires n’ont pas les reins financiers d’offices HLM gérant des parcs entiers. Pour rappel, la crise de 2008, dite des «Subprimes» tire son origine de la liquidation des logements saisis aux ménages.

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