Le Président français Emmanuel Macron a chargé son ministre de l’Intérieur d’une mission très complexe: obtenir l’accord des autorités tunisiennes et algériennes pour l’expulsion vers ces pays de terroristes ou d’individus radicalisés.
Toutefois, et dans une interview donnée à BFMTV ce 2 novembre, Darmanin a expliqué qu’il existait actuellement une centaine d’étrangers «en situation irrégulière confondus de radicalisation» qu’il a demandé aux préfets de mettre dans des centres de rétention administrative (CRA).
Expulsions, une procédure complexe
Le 29 octobre, Brahim Aissaoui, un Tunisien de 21 ans, a été neutralisé par la police après avoir assassiné à l’arme blanche trois personnes, dont une a été pratiquement décapitée, en la basilique Notre-Dame de l’Assomption à Nice. Ce nouvel attentat djihadiste renforce la détermination des autorités françaises d’accélérer le processus d’expulsion. Cette procédure est loin d’être une simple formalité, même si la majorité des personnes concernées est déjà sous le coup d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF).
«Les autorités algériennes et tunisiennes ne seront pas forcément disposées à se charger de la surveillance de personnes potentiellement dangereuses», explique Abid Khelifi à Sputnik.
D’autant plus que Tunis qu’Alger ont l’habitude de résister en coulisses au rapatriement de leurs sans-papiers, en invoquant des difficultés liées à l’identification de leur nationalité, et cela alors même que ceux-ci ne présentaient aucun risque particulier sur le plan sécuritaire.
«Guantanamo à la française»
Selon Abid Khelifi, les autorités françaises ont toujours eu «la volonté d’expulser vers leur pays d’origine les terroristes qui ont purgé leur peine.» Mais la situation devient urgente pour la France qui, de plus, peine à identifier et à neutraliser les individus susceptibles de commettre des attentats. «Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour demander la création d’une prison sur le modèle de Guantanamo», indique Abid Khelifi en faisant référence au député Éric Ciotti, du parti Les Républicains.
Comment protéger les Français ? Pour le député LR, Eric Ciotti, «il faut un Guantánamo à la française» dans #LaMatinale pic.twitter.com/YpXXkfpN6b
— CNEWS (@CNEWS) October 30, 2020
Lors de sa visite à Tunis, Gérald Darmanin devrait également aborder deux dossiers importants: l’entraide judiciaire et sécuritaire dans l’affaire Brahim Aissaoui, auteur présumé de l’attentat terroriste de Nice, et l’immigration clandestine. «Il est vrai que les Tunisiens se rendent en Italie, mais de par sa proximité géographique, ce pays n’est qu’une étape, car leur objectif principal reste la France», note Abid Khelifi, auteur du livre «Le Jihad parmi les mouvements islamiques contemporains» Ed. Safahat Publishers.
À l’aune de l’attentat de Nice, il est certain que Darmanin mettra en avant le fait que la Tunisie risque de se transformer en base arrière d’un terrorisme dont l’objectif est de frapper sur le territoire français.
«En France, les services chargés des investigations considèrent que cette opération terroriste a été planifiée à partir de la Tunisie. Les premiers éléments de l’enquête indiquent que le mis en cause a rejoint le territoire français via l’Italie dans des délais très courts. Il y a donc un processus d’entraide entre les deux pays pour lever le voile sur ce dossier», souligne Abid Khelifi.
À Alger, seconde étape de sa tournée maghrébine, Gérald Darmanin sera face à des responsables politiques et sécuritaires qui maîtrisent parfaitement la question de la menace terroriste sur le territoire français. Et pour cause, les deux pays ont mis en place, depuis plus de deux décennies, des mécanismes d’échange d’informations sur le terrorisme. Une collaboration qui a permis de déjouer plusieurs attentats sur le sol français.
Expulsions de terroristes, Alger fait la fine bouche
Mais les autorités algériennes sont très parcimonieuses en matière d’expulsion de terroristes, n’acceptant que les individus recherchés par la justice algérienne. C’est le cas notamment du terroriste Djamel Beghal, expulsé en juillet 2018 vers son pays d’origine après avoir purgé une peine de 17 ans de prison en France. En 2003, Beghal avait été condamné par contumace par le tribunal criminel d’Alger à 20 ans de prison. De retour en Algérie, il a été incarcéré durant 18 mois puis acquitté et libéré par le tribunal de Dar el Beida en décembre 2019.