L’instauration du couvre-feu à Paris a aggravé les conditions de travail des travailleuses du sexe dans «les quartiers chauds», comme les Bois de Boulogne et de Vincennes, la rue Saint-Denis ou certaines portes de la capitale. Sputnik a embarqué avec des bénévoles l’association Prévention Action Santé Travail Transgenre (PASTT) qui participent à des maraudes dans ces lieux tout le long de l’année.
«L’association a commencé à écouter les demandes venant de cette population. Les demandes très liées à la précarité, la pauvreté, la discrimination, les difficultés sociales», précise Camille Cabral.
Dès son apparition, l’organisation a mis en place des actions ciblées, notamment «un service de domiciliation avec l’agrément de la Préfecture de Paris, une permanence d’avocats qui s’occupe d’orienter les filles pour les papiers administratifs.»
Les maraudes dans les points «hot» de Paris
Ce camping-car est connu dans le bois de Boulogne, puisque l’association PASTT organise des maraudes plusieurs fois par semaine dans les endroits sensibles. Le véhicule banalisé est reconnu dès qu’il s’approche d’un petit groupe qui stationne à l’orée du bois. Les volontaires distribuent la panoplie classique de moyens de protection, préservatifs et masques. Mais Camille Cabral explique également qu’avec le Covid-19, on voit plus de filles en situation précaire, «parce qu’elles ont moins de clients et moins d’argent.» Au point que pendant la première vague de la pandémie, l’association a mis en place une distribution de colis alimentaires.
«Avec le couvre-feu mis en place, nous sommes pris au dépourvu. Nous ne pouvons même pas savoir quel impact ça va avoir. Certainement négatif. Mais comment le mesurer?», s’interroge Camille Cabral.
La fondatrice de PASTT souligne un changement «crucial» avec l’arrivée du couvre-feu qui «empêche l’accès à leur activité» pour les travailleuses du sexe.
Le couvre-feu complique tout
«Le coronavirus est passé au second plan. Tout le monde est sorti [travailler, ndlr], parce que personne ne pense aux personnes trans. On ne pense pas comment on va manger. Pour moi, c’est catastrophique», confirme Reina, une travailleuse du sexe interrogée sur place par Sputnik.
Le camping-car blanc continue à tourner et Jennifer, la volontaire de l’association, continue sa distribution, «un point fort de notre association», souligne-t-elle. En pleine épidémie de Covid-19 et pour répondre aux nouvelles règles sanitaires, les volontaires de l’association –qui a fait ses armes dans la lutte contre le Sida– ont dû diminuer le soutien psychologique qu’ils prodiguaient.
«Depuis quelques mois, on ne peut pas parler, parce qu’on ne peut pas avoir de monde dans le camion. On sert toujours du café, mais on ne peut pas les faire entrer dans le camion. C’est très difficile de voir [les filles, ndlr] dans cette situation», déplore Jennifer.
«Je suis bien obligée d’attendre ici, j’attends mes clients. Mais les clients de jour viennent chercher celles qui travaillent de jour. Les clients de jour ne me connaissent pas», explique Reina.
En tant que fondatrice de PASTT, Camille Cabral adapte autant qu’elle peut le travail de son association à l’actualité de la pandémie, mais déplore que «cette population soit écrasée au nom de la santé publique.»
«En tant que médecin, je trouve que le couvre-feu, ce n’est pas bien. Dans cette pandémie, il y a beaucoup de mystères et beaucoup de politisation. Les gens disent tout et n’importe quoi, et nous restons un peu perdues. Mais nous faisons tout pour que ce virus soit mieux géré, au moins, par le milieu associatif auprès des travailleuses du sexe», conclut Camille Cabral.