Pour vaincre l’islamisme, faut-il sortir de la CEDH? À droite, certains plaident pour la rupture

© AFP 2023 PATRICK HERTZOG La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)
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Une semaine après l’attentat de Conflans, la réponse politique se fait toujours attendre. La crise est pourtant telle que des idées-choc apparaissent. Ainsi certains à droite prônent-ils un désengagement de la France de la Cour européenne des droits de l’homme. Explications avec Julien Aubert, député LR, et Jean Messiha, membre du RN.

À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle? Après le choc de la décapitation de Samuel Paty, une partie de la droite prône un désengagement de la France de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), ou du moins de certains articles jugés trop contraignants, notamment pour réguler l’immigration.

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Marine Le Pen, invitée du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI ce dimanche 25 octobre, a ainsi pointé du doigt les résistances juridiques qu’oppose la CEDH à la France en matière de lutte contre le terrorisme et de gestion des flux migratoires. «Elle nous empêche de nous protéger des terroristes ou de les éloigner du territoire et nous oblige à leur accorder des droits à la vie familiale, ce qui pose un souci majeur en termes de protection des peuples», a plaidé la présidente du Rassemblement national.

«Si l’État de droit ne protège plus le peuple, il faut changer l’État de droit»

Une proposition qui figurait déjà dans le programme du RN lors des dernières élections européennes de 2019 et que détaille pour Sputnik Jean Messiha, chargé des études et des argumentaires du parti. «L’État de droit est aujourd’hui constitué en France par la CEDH et par la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel», explique-t-il.

«On assiste depuis une dizaine d’années à un État de droit qui se construit sans le peuple et sans la nation, et qui consiste à protéger la terre entière à l’exception des Français eux-mêmes!», fustige Jean Messiha au micro de Sputnik.

Or, pour le haut fonctionnaire, «le droit n’est qu’un moyen et ne saurait être une fin». «À partir du moment où la fin de l’État de droit n’est plus de protéger le peuple, dont il est l’incarnation, c’est qu’il faut changer l’État de droit

«Certains recours de la CEDH nous empêchent d’être souverains»

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Du côté des Républicains (LR), on envisage également de prendre ses distances avec la CEDH. Le Parisien mentionnait ainsi ce dimanche 25 octobre une volonté de «remettre en cause» certains articles de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne «le droit au regroupement familial» prévu par le traité. D’après le quotidien francilien, «LR souhaiterait le soumettre, avec le droit d’asile, à cette fameuse logique de “plafonds” annuels.»

Interrogé par Sputnik, Julien Aubert confirme cette prise de position. Le député du Vaucluse regrette notamment qu’on ne puisse pas «expulser un terroriste algérien vers l’Algérie, car il est menacé de mort dans son pays, par exemple.»

«On pourrait décider de sortir certains domaines régaliens de la compétence de la CEDH, notamment en ce qui concerne les sujets de terrorisme et d’immigration, car certains recours nous empêchent d’être souverains», lance Julien Aubert au micro de Sputnik.

Jean Messiha rejoint Julien Aubert sur ce point: «Les déboutés du droit d’asile bénéficient de tout un tas de protections de la part de la CEDH qui empêchent les expulsions, comme l’accord préalable de la personne pour monter dans un avion.»

«Reconnaissance implicite du blasphème»

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Par ailleurs, l’instance juridictionnelle, chargée justement de faire respecter la Convention européenne des droits de l’homme, s’est par le passé montrée ambiguë, en particulier sur la question de la liberté d’expression. Depuis un arrêté rendu en 2018, la CEDH estime ainsi qu’on peut limiter la liberté d’expression au nom de la «paix religieuse». La jurisprudence dérive de propos tenus par une intervenante du Parti libéral autrichien lors d’un cycle de conférences sur l’islam en 2009: celle-ci avait accusé le Prophète de pédophilie, en raison de son mariage avec Aïcha, la fille de l’un de ses proches amis, âgée de six ans au moment du mariage et de neuf ans lors de sa consommation. Le droit autrichien avait condamné l’intervenante au motif qu’il s’agissait d’un «dénigrement de doctrine religieuse», avant d’être conforté par la CEDH dans cette décision judiciaire, désormais applicable au niveau européen.

«Cela montre que la CEDH voudrait nous imposer une manière de faire», dénonce Julien Aubert: «La CEDH est aux mains d’une gauche libérale et sans-frontiériste qui dispose d’un outil juridique très large qu’elle utilise à son profit. Ces organes ne sont en réalité représentatifs de personne, car à aucun moment cela ne recoupe la volonté des peuples.»

Jean Messiha va même plus loin et considère que cet arrêté marque la «reconnaissance implicite du blasphème», lequel serait «spécifique pour l’islam». Pour le délégué national du RN, la CEDH ne serait même plus dans une forme d’«idéologie multiculturelle visant à aménager les susceptibilités» comme autrefois, mais bien dans une «forme de soumission».

«Quelle religion autre que l’islam menace aujourd’hui la paix religieuse? […] Il est facile de dire que l’islam est compatible avec la République française si celle-ci se rend elle-même compatible avec l’islam en lui accordant une telle spécificité!» conclut Jean Messiha.
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