La France et l’Allemagne ont réussi à pousser l’Union européenne à imposer de nouvelles sanctions à une poignée de hauts responsables russes. Le prétexte? L’empoisonnement présumé d’Alexeï Navalny, personnalité de l’opposition russe, et la prétendue implication dans le conflit libyen du groupe Wagner.
Et la décision d’imposer des sanctions à Moscou avant toute enquête approfondie sur ce qui est réellement arrivé à Navalny est assez intéressante. Pourquoi l’Union européenne est-elle si pressée? Et quels pourraient être les coûts pour les pays membres de cette décision et de la potentielle dégradation des relations russo-européennes qui en découlerait?
Sébastien Cochard, ancien diplomate, en poste notamment en Italie et aux États-Unis, et conseiller de députés du Parlement européen sur les affaires économiques et de relations internationales, explique la logique qui sous-tend ces nouvelles sanctions:
«C’est l’Allemagne qui a poussé pour les sanctions, assez paradoxalement pour essayer de détourner les tentatives de certains lobbies des tentations du gouvernement américain de faire en sorte que le gazoduc Nord Stream 2 ne puisse pas être finalisé.
Donc, les Allemands se sont précipités pour adopter des sanctions qui sont d’assez faible portée pour mettre un terme à ce débat sur la mise en place de sanctions contre Nord Stream 2 dans le contexte de l’affaire Navalny, qui a été utilisée comme prétexte pour encore une fois accentuer cette pression sur le gazoduc.»
Que penser des accusations d’empoisonnement d’Alexeï Navalny, un opposant russe aux scores électoraux modestes? Pour l’ancien diplomate, elles ne tiennent pas la route:
«C’est le gouvernement russe qui, à la demande de la famille de Navalny, a organisé son transfert en Allemagne. Si la décision de l’empoisonnement de Navalny avait été prise par quelqu’un autour du Président Poutine, il est évident que la dernière chose qui aurait été faite aurait été d’envoyer Nalvany en Allemagne.
Donc effectivement, vous avez l’Union européenne qui demande que la Russie coopère à une enquête internationale pour déterminer les causes de l’empoisonnement et de l’autre, ils refusent de donner toute l’information médicale au gouvernement russe. Tout cela n’a aucun sens.»
Le gouvernement britannique a également décidé d’emboîter le pas à l’Union européenne. Comment expliquer que le Brexit ne se traduise apparemment pas par une indépendance de Londres sur ce sujet? Pour le conseiller de députés du Parlement européen sur les affaires économiques et de relations internationales, le sentiment antirusse de la Grande-Bretagne ne se nourrit pas des mêmes causes.
«Le gouvernement britannique a une politique de dénigrement systématique de la Russie et de propagande pour expliquer que tout est épouvantable en Russie dans l’optique de continuer à être la place financière des actifs russes. Le titre le plus liquide sur le London Stock-Exchange, c’est Gazprom. Toutes les personnes qui investissent sur les actifs russes investissent à travers des trusts britanniques qui sont localisés à Londres pour que les gens soient mieux protégés, ainsi que leurs actifs. Et donc, la paranoïa antirusse est entretenue depuis toujours par Londres, par le Financial Times, etc.»