Ex-ambassadeur canadien en Chine: la relation Canada-Chine «va devenir plus encore difficile»

© AFP 2024 DAVID P. BALLMeng Wanzhou quitte la Cour suprême après son audition devant un juge, le 30 septembre 2020 à Vancouver, Canada
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Le ton monte entre encore Pékin et Ottawa depuis que l’ambassadeur chinois au Canada a averti le gouvernement Trudeau que d’accueillir des réfugiés en provenance de Hong Kong risquait de compromettre «la sécurité de 300.000 Canadiens». Selon Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur canadien en Chine, Ottawa doit adopter un ton plus ferme envers Pékin.

Les relations diplomatiques entre Pékin et Ottawa sont loin de s’améliorer, alors qu’elles se trouvaient déjà dans un creux historique depuis l’arrestation à Vancouver de la haute dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou, à la demande des États-Unis.

À la suite de son arrestation, la Chine avait prévenu le Canada qu’il s’exposerait à de «graves conséquences» s’il ne libérait Mme Wanzhou, dont le père a fondé cette entreprise de télécommunications liée au gouvernement chinois.

Pour riposter à l’arrestation de Mme Wanzhou, la Chine a défendu la condamnation à mort du Canadien Robert Lloyd Schellenberg pour trafic de drogue, et ce malgré l’opposition de Trudeau.

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Le 15 octobre dernier, les relations entre les deux pays se sont encore tendues lorsque l’ambassadeur chinois à Ottawa, Cong Peiwu, a mis en garde le gouvernement Trudeau contre toute forme d'ingérence dans les affaires intérieures de la Chine. Il a notamment prévenu que d’accueillir des réfugiés en provenance de Hong Kong risquait de compromettre «la santé et la sécurité de 300.000 Canadiens» qui résident sur l’île.

Une intervention qui est loin d’avoir plu à Chrystia Freeland, vice-Premier ministre et ministre des Finances du Canada, qui a tenu à souligner à la Chambre des Communes, à Ottawa, qu’elle restait «attentive au caractère des régimes communistes autoritaires».

«Permettez-moi de dire que les récents commentaires de l’ambassadeur de Chine ne sont en aucun cas conformes à l’esprit de relations diplomatiques appropriées entre deux pays», a déclaré Mme Freeland, répondant à une interpellation d’Erin O’Toole, le chef du Parti conservateur.

Selon Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur canadien à Pékin (2012-2016), l’adoption par Ottawa d’un ton plus ferme envers la Chine serait la bonne stratégie à adopter, car Pékin développe un style diplomatique beaucoup plus agressif envers Ottawa, estime-t-il.

«Nous sommes dans une période difficile et qui va devenir plus encore difficile en ce sens que le ton semble avoir commencé à changer à Ottawa. Le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a promis de réviser la stratégie d’engagement du Canada envers la Chine. […] À mesure que le Canada adopte un ton plus ferme, il va y avoir des réactions semblables à celles de l’ambassadeur chinois», souligne d’entrée de jeu Guy Saint-Jacques à notre micro.

Membre de l’Institut d’études internationales de Montréal, Guy Saint-Jacques estime que le ministre des Affaires étrangères attend de prendre en acte du résultat de la prochaine élection américaine avant de mettre au point sa stratégie.

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L’ex-ambassadeur considère qu’il serait plus facile pour Ottawa de travailler avec une administration Démocrate qu’avec celle de Donald Trump, en raison du caractère imprévisible de l’actuel Président américain.

«Le Canada devra travailler avec ses alliés pour essayer de développer des positions communes. Avec Biden, le Canada aurait un Président américain sur qui il pourrait se fier davantage et qui voudrait utiliser les instances multilatérales pour rappeler ses obligations à la Chine. Nos deux pays font essentiellement face aux mêmes problèmes et enjeux», poursuit Guy Saint-Jacques.

L’aggravation des tensions diplomatiques entre Pékin et Ottawa survient dans un contexte où l’influence chinoise au Canada est de plus en plus pointée du doigt. Le 15 octobre dernier, le Globe and Mail a révélé que l’Institut Confucius –un important regroupement de centres culturels financés par Pékin– jouait maintenant un rôle phare dans l’enseignement du mandarin dans des écoles de la Colombie-Britannique, province la plus à l’ouest du Canada. Une situation dont les Canadiens devraient se préoccuper à la lumière de l’article.

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Le même jour, le Journal de Montréal a révélé qu’Ottawa évaluait les risques pour la sécurité nationale que pouvait représenter un important investissement hongkongais dans l’agrandissement du port de la ville de Québec.

En entrevue avec Sputnik, Guy Saint-Jacques nuance toutefois le tableau. Selon lui, Pékin cherche avant tout à influencer les communautés chinoises du Canada avant de tenter de s’ingérer au moyen d’organismes culturels et d’entreprises.

«Quand Xi Jinping [l’actuel Président chinois, ndlr] est devenu le Secrétaire général du Parti communiste chinois, il a accru les budgets du Département du front uni, une organisation surtout chargée de la propagande à l’étranger. La principale cible est la diaspora chinoise, pour s’assurer qu’elle appuie le gouvernement chinois et favorise les investissements en Chine, etc.», explique l’ex-ambassadeur, avant d’ajouter qu’«il faut s’inquiéter davantage de ce qui se fait dans les communautés».

Guy Saint-Jacques réitère que le pays de l’érable doit adopter un ton plus ferme envers l’Empire du Milieu, «surtout quand la Chine s’attaque aux libertés et aux valeurs canadiennes comme la liberté d’expression». Une nouvelle approche «qui pourrait aller jusqu’à l’expulsion de diplomates chinois». Dans ce dossier, Ottawa pourrait «s’inspirer de l’expérience australienne», souligne-t-il également:

«Il y a plusieurs années, un consensus s’est formé en Australie par rapport à l’importance qu’avait la Chine dans ce pays. Mais au fil du temps, les Australiens se sont aperçus que des politiciens étaient très influencés par Pékin. Ils ont ensuite adopté une politique beaucoup plus agressive. […] Tant que vous ne réagissez pas, la Chine pense qu’elle a le feu vert pour continuer», conclut Guy Saint-Jacques.
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