Les Canadiens semblent de plus en plus préoccupés par les dommages collatéraux engendrés par les mesures sanitaires visant à contrer la propagation du Covid-19.
Ces dernières semaines, plusieurs observateurs ont pointé les effets négatifs du reconfinement sur une multitude de communautés et de phonèmes sociaux comme la criminalité. Dans un récent reportage de La Presse, un intervenant social confiait à ce journal que la pandémie avait gravement nui aux efforts de son organisme communautaire pour lutter contre la délinquance endémique dans Montréal-Nord, quartier de la métropole québécoise qualifié de «zone de non-droit» dans l’article.
«La Covid-19 a joué un rôle majeur, ç’a été un petit séisme», déclarait Slim Hammami, coordonnateur du Café jeunesse multiculturelle.
«Si la situation dégénère à Montréal-Nord, c’est d’abord et avant tout parce que c’est un secteur reconnu pour connaître d’importants problèmes socioéconomiques. Ça ne date pas d’hier. […] S’il y a plus d’armes aujourd’hui à Montréal-Nord, ce n’est pas à cause de la pandémie, mais peut-être plus parce qu’il y a là un laissez-faire de la part des autorités depuis des années», observe le criminologue dans un entretien avec Sputnik.
Une récente étude réalisée par Statistique Canada accrédite l’hypothèse de Jean Claude Bernheim. Durant les quatre premiers mois de la pandémie, 17 services de police –lesquels couvrent 59% de la population canadienne– ont enregistré une baisse de 16% de plusieurs types de crimes «habituels» par rapport à la même période pour l’année précédente.
La pandémie de Covid-19, bouc émissaire à des problèmes antérieurs?
Les agressions sexuelles signalées aux autorités ont aussi diminué de 25%, selon la même étude. Des chiffres qui ne surprennent guère Jean Claude Bernheim, pour qui les impacts économiques de la crise ne seront pas encore assez grands pour modifier la courbe de la criminalité.
«Sur le plan économique, beaucoup de gens ont perdu leur emploi, mais un bon nombre reçoivent aussi des aides économiques importantes de l’État. Les gens ne sombrent pas dans la grande pauvreté, même si certains commencent à avoir des problèmes financiers. […] Disons que c’est une situation à surveiller», estime-t-il.
Si les travailleurs et entreprises touchés par les mesures peuvent toujours bénéficier d’aides économiques, c’est aussi le cas de groupes criminels, estime Maria Mourani, également criminologue au Canada, au micro de Sputnik:
«En fait, on ne peut pas nier que les commerces légaux sont tous touchés économiquement par cette pandémie. Ce qui est également le cas pour ceux qui appartiennent aux organisations criminelles, habituellement sous des prête-noms», souligne-t-elle en entrevue, avant d’ajouter qu’«il ne faut pas oublier que ces commerces vont bénéficier de toute l’aide qu’Ottawa et Québec ont mise en place pour aider les entreprises.»
«Par ailleurs, le marché noir, quoi qu’au ralenti, fonctionne toujours, principalement celui de la drogue. Pour la prostitution, il y a un ralentissement, surtout pour la prostitution de contact. Toutefois, la prostitution en ligne est florissante», précise la criminologue.
Selon Jean Claude Bernheim, le seul fait que les mesures de confinement réduisent la circulation et les activités en tous genres réduit considérablement le risque de délit.
«C’est un élément factuel bien connu: l’activité criminelle a toujours été liée à la circulation. […] Le monde du crime se déroule à l’extérieur. Comme le niveau d’activité générale a baissé, le crime a aussi baissé», insiste-t-il.
Si les jeunes constituent une couche de la population plus susceptible de ne pas respecter les règles sanitaires, selon divers acteurs, ils sont également les plus enclins à commettre des actes criminels, rappelle Jean Claude Bernheim:
«Une grande partie de la criminalité est commise par les jeunes. Comme les jeunes sortent moins, l’équation est simple à faire», conclut le criminologue à notre micro.