Les Républicains crient à la partialité, un quotidien proteste contre la censure et le patron de Twitter trouve la communication de sa propre plateforme «inacceptable» : la polémique autour d'un article controversé sur Joe Biden souligne la difficile position de Facebook et Twitter à trois semaines de la présidentielle américaine.
«Notre communication sur nos actions concernant l'article du New York Post n'a pas été super. Et bloquer le partage de l'adresse internet de l'article avec zéro contexte expliquant pourquoi: inacceptable», a déclaré Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, mercredi soir.
Le journal conservateur a publié des e-mails qui auraient été récupérés illégalement sur un ordinateur contenant des messages, photos et vidéos personnelles du fils de Joe Biden, Hunter Biden.
Ces messages relancent des accusations lancées contre le candidat démocrate à la Maison Blanche par le camp de Donald Trump, selon qui il aurait aidé le groupe gazier ukrainien Burisma à échapper à des enquêtes pour corruption. Hunter Biden a siégé de 2014 à 2019 au conseil de surveillance de la société.
Twitter a bloqué le partage de l'article parce qu'il contient des documents qui enfreignent deux de ses règles : ne pas publier de données personnelles (e-mails, numéros de téléphone) et ne pas publier d'éléments piratés.
«Nous ne voulons pas encourager le piratage en autorisant la diffusion de documents obtenus illégalement», a expliqué l'entreprise via son compte dédié à la sécurité, rappelant que discuter de l'article n'était pas interdit, seulement le partage.
Les réseaux sociaux sous le feu des critiques
Mais les clarifications sont arrivées après une journée de critiques enflammées contre les réseaux.
Le milliardaire républicain a plus tard accusé la plateforme des gazouillis d'avoir bloqué le compte de sa porte-parole, Kayleigh McEnany, pour avoir partagé l'article.
«Parce qu'elle a partagé la vérité! Ils ont fermé son compte», «Ils essaient de protéger Biden», a clamé le président américain lors d'un rassemblement dans l'Iowa.
L'un des dirigeants de Facebook, Andy Stone, a mis en doute la véracité des e-mails et annoncé que les informations du quotidien allaient faire l'objet d'une vérification. En attendant les résultats, le groupe californien a décidé de réduire la visibilité de l'article.
Le sénateur républicain Josh Hawley a dénoncé la «partialité» de Facebook et un blocage «semble-t-il sélectif» d'un article sur «un acte potentiellement contraire à l'éthique d'un candidat à la présidence».
Le New York Post, l'un des quotidiens les plus lus dans le pays, a de son côté dénoncé la «censure de Facebook pour aider la campagne de Joe Biden».
«Censurez d'abord, poser les questions après»
«Censurez d'abord, poser les questions après: c'est une attitude scandaleuse pour l'une des plateformes les plus puissantes aux Etats-Unis», poursuit un éditorial du journal, accusant Facebook d'être devenu «une machine de propagande».
Le patron de Facebook Mark Zuckerberg a répété à plusieurs reprises que les réseaux ne devaient pas être des «arbitres de la vérité», notamment pour justifier son choix de très peu encadrer les propos des personnalités politiques, censé permettre aux utilisateurs de se faire leur propre opinion.
Mais les plateformes sont accusées de censure par les conservateurs, et se voient reprocher, à gauche, de ne pas suffisamment lutter contre les fausses informations, les incitations à la haine et les tentatives de décourager les électeurs de voter, entre autres.
Après des mois de tensions croissantes, et d'une pandémie propice à la désinformation, elles ont largement durci leurs règles sur la modération des contenus, pour protéger les élections des ingérences et manipulations.
Or l'article du New York Post rappelle l'affaire concernant Hillary Clinton, la candidate démocrate en 2016, dont des e-mails piratés par des hackers russes avaient été diffusés sur internet par des sites anonymes et par WikiLeaks.
Facebook et Twitter ont promis d'être intransigeants vis-à-vis de ces tactiques de type «hack-and-leak», où des entités donnent des informations piratées aux médias et se servent des réseaux pour les propager.
Le New York Post se défend
Le New York Post affirme s'être procuré une copie du disque dur d'un ordinateur portable laissé pour réparation par Hunter Biden dans un magasin du Delaware en avril 2019. La copie serait arrivée entre les mains de l'avocat personnel de Donald Trump, Rudy Giuliani, qui l'aurait ensuite fournie au journal.
L'article et les documents penchent dans le sens des accusations de Donald Trump et de ses partisans.
Selon eux, Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama, avait fait limoger le procureur général ukrainien Viktor Chokine en 2016 pour aider Burisma à échapper à des enquêtes anti-coruption qui auraient éclaboussé son fils.
Sans démentir l'existence de l'ordinateur ou des messages, un porte-parole de Joe Biden, Andrew Bates, a accusé M. Giuliani d'avoir déjà propagé des «théories du complot discréditées».
Burisma a été au centre du procès historique en destitution visant Donald Trump, accusé d'avoir fait pression sur l'Ukraine pour que Kiev enquête sur Joe Biden et les activités commerciales de Hunter.
Le Président américain a été acquitté en février.