«Il faut se réinventer une vie. Ce n’est pas l’année prochaine que je vais faire un sommet de 5.000 mètres en Équateur.»
Emmanuelle, infirmière quinquagénaire, ressent encore les effets du Covid-19, six mois après sa contamination en mars dernier. Depuis cette date, tout a changé pour elle.
«Désormais, je suis très intolérante à l’effort. Alors que j’étais sportive, je ne peux plus marcher longtemps. Lorsque je marche, je ne peux plus parler en même temps, sinon je m’essouffle. J’ai des accès tachycardie, que ce soit au repos ou pendant un effort. J’ai aussi des douleurs thoraciques», décrit Emmanuelle au micro de Sputnik.
De nombreuses séquelles très handicapantes pour réaliser les gestes simples du quotidien, tels que «monter un escalier» ou même «étendre le linge». Or, en plus de ces difficultés, l’infirmière confie qu’elle a également des troubles de la circulation sanguine au niveau des extrémités et de la neuropathie dans ses membres inférieurs.
Avec le Covid long, la vie quotidienne est un calvaire
Capucine, étudiante en science politique de 18 ans, elle aussi contaminée au mois de mars, éprouve les mêmes difficultés pour respirer. Une incapacité qui provoque «presque des malaises» et lui donne «de forts maux de tête». À l’instar d’Emmanuelle, l’étudiante ressent des palpitations cardiaques.
«Je n’arrive plus à monter un étage alors que je pratiquais du sport à un très bon niveau: je jouais en National 3 au volley-ball et cette année j’étais censée monter en National 2», indique-t-elle à Sputnik.
Un rêve mis en suspens «en partie à cause des séquelles liées au Covid-19.»
«On voit des gens avec des symptômes qui consultent à nouveau, car ils pensent avoir une aggravation, une complication, ou une réactivation du virus», détaille le médecin urgentiste.
Néanmoins, Gérald Kierzek concède que pour le moment, la médecine «ne connaît pas tout», et que «l’on découvre de nouveaux éléments au fur et à mesure.»
Quand le Covid-19 met les rêves en suspend
En effet, le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a évoqué pour la première fois, lors de son point presse sur la pandémie en août dernier, le cas des patients souffrant de symptômes à long terme après une contamination au Sars-CoV-2. Il a d’ailleurs plaidé pour la reconnaissance de leur maladie et de meilleures études sur leurs séquelles.
"These patients want three things: recognition, rehab and research.
— World Health Organization (WHO) (@WHO) August 21, 2020
Recognition of their disease, appropriate rehabilitation services, and more research to be done into the long-term effects of this new illness"-@DrTedros #COVID19 https://t.co/rDaZX35J7d
Une reconnaissance qui est primordiale pour comprendre ce que les patients ressentent. Emmanuel rappelle qu’elle a vécu «six mois d’errance médicale», où les examens se sont multipliés sans résultat.
Capucine évoque également ce tâtonnement:
«Mon médecin traitant m’a fait un électrocardiogramme et m’a dit que c’était peut-être un déconditionnement dû au fait que je n’ai pas fait de sport pendant six mois. Il m’a dit que ça pouvait être aussi lié au Covid-19, mais il ne sait pas vraiment d’où cela pouvait venir et comment le Covid-19 pourrait agir là-dessus.»
Comme l’explique le Dr Gérald Kierzek, on peut distinguer deux catégories de symptômes. D’une part, les séquelles que l’on peut «objectiver grâce des examens». Par exemple, les séquelles pulmonaires, notamment après un passage en réanimation pour une pneumonie: «la capacité pulmonaire peut être affectée, ce qui entraîne notamment des essoufflements, donc le premier examen à réaliser est un scanner pour voir l’étendue des dégâts.»
Face aux séquelles, les médecins tâtonnent
Ou encore des séquelles cardiaques au niveau du myocarde, le muscle qui entoure le cœur. «On est en train de découvrir que le virus peut, même chez les gens qui n’avaient pas une forme sévère, provoquer des inflammations», observe le médecin urgentiste. Et de poursuivre: «on découvre a posteriori que la fonction cardiaque peut être amoindrie alors que cela n’avait pas été diagnostiqué au départ.»
«Des études évoquent 78% de patients qui présentent une IRM cardiaque montrant des séquelles au niveau du cœur. Des résultats à prendre avec des pincettes, car ce sont des patients qui avaient déjà été hospitalisés, mais ce n’est simplement pas 1%», analyse-t-il.
D’autre part, il existe des séquelles plus subjectives. Parmi celles-ci figurent des phénomènes de dysimmunité: «le système immunitaire s’emballe un peu vite avec même une auto-immunité, c’est-à-dire que notre propre système immunitaire se retourne contre nous.»
«C’est le plus compliqué pour les malades, car on leur dit: “c’est dans votre tête” alors que ce sont des gens qui sont fatigués, qui ont des douleurs. Malgré les examens, les prises de sang, les scanners, tout s’avère pourtant normal.»
Une petite phrase d’ailleurs déjà entendue par Emmanuelle. «Ce n’est pas facile lorsque ce que vous vivez est invisible. Entendre: “c’est dans ta tête tout ça, ce que tu ressens c’est du stress”, c’est rude.»
«Tout l’enjeu va être désormais de suivre ces gens, car il n’y a pas que la phase aigüe, il y a également la phase chronique», conclut le Dr Gérald Kierzek.