«La Ligue est ébranlée, parce qu’effectivement elle progresse moins vite que prévu. Mais la Ligue reste quand le même premier parti d’Italie.»
La journaliste Marie d’Armagnac résume ainsi la dynamique politique dans la Botte. Spécialiste du pays, l’auteur de Matteo Salvini, l’indiscipliné (Éd. Toucan-L’Artilleur) estime que les sept élections régionales qui ont eu lieu les 20 et 21 septembre n’illustrent pas réellement les tendances politiques profondes du pays.
La gauche, qui n’a perdu qu’une seule région tout en en conservant trois autres, dont les Pouilles et «la place forte rouge de la Toscane», a été qualifiée de victorieuse par les médias, prompts à y voir un échec personnel de Matteo Salvini.
À l’instar du scrutin régional en Émilie-Romagne en janvier, l’ex-ministre de l’Intérieur et dirigeant de la Ligue «s’était mis en tête de remporter la plus dure des régions à faire tomber». Le bastion toscan s’est effectivement révélé «inexpugnable». Défendu par Eugenio Giani, le candidat de la gauche, celui-ci a été crédité d’environ 47% des votes, contre quelque 40% à Susanna Ceccardi, la candidate de la Ligue.
Cette victoire en trompe-l’œil de la gauche, associée au succès du «Oui» au référendum sur la réduction du nombre de parlementaires, soutenu par le Mouvement 5 étoiles, permet tout à fait au gouvernement de coalition PD-M5S de s’assurer du «répit et de la stabilité» avant les prochaines élections générales en 2023.
Le «score bulgare» de la Ligue en Vénétie
Un gouvernement à gauche face à une société italienne en voie de droitisation, tel est le paradoxe que souligne Marie d’Armagnac. Car c’est une réalité depuis les élections de 2018, l’Italie penche nettement à droite. La coalition rassemblant Forza Italia de Berlusconi, la Ligue de Salvini et Fratelli d’Italia de Meloni gouvernera ainsi quinze régions dans le pays, contre seulement cinq pour la gauche.
La bataille toscane ne peut ainsi faire oublier le «score bulgare» obtenu par un autre baron de la Ligue, Luca Zaia, qui s’assure en Vénétie un troisième mandat, avec plus de 70% des voix. C’est aussi le parti Fratelli d’Italia, qualifié dans la presse de post-fasciste, mené par Giorgia Meloni, qui s’impose progressivement, «passant en un an de 5 à 15%». Son candidat, Francesco Acquaroli, a même ravi à la gauche la région des Marches.
La traversée du désert de Salvini
En perte de vitesse, Matteo Salvini peut-il être dépassé à sa droite? Marie d’Armagnac est sceptique, l’histoire des deux partis, ainsi que leurs terres traditionnelles d’implantation, étant différente. Fratelli d’Italia est davantage représentée dans le sud, alors que l’origine historique de la Ligue est au nord du pays. Cette rivalité naissante serait avant tout une construction médiatique, poursuit-elle.
«Il a pris la succession de Berlusconi, sur lequel tous les médias s’acharnaient dans les années 90 et 2000. Maintenant, toutes les attaques sont effectivement concentrées sur lui dans les médias italiens, tandis que Giorgia Meloni, de Fratelli d’Italia, l’héritière du MSI, est relativement épargnée. C’est un jeu médiatique assez transparent, qui a déjà eu lieu. Quand il y avait Berlusconi, on a essayé de diviser pour mieux régner.»
«À mon sens, il a mal choisi le moment de faire tomber le gouvernement, il aurait dû le faire soit tout de suite après les Européennes, soit un peu plus tard, mais certainement pas en plein été. Cette crise n’a peut-être été pas très bien perçue.»
Enfin, Marie d’Armagnac estime que la crise sanitaire qu’a subie de plein fouet la péninsule a davantage profité politiquement au gouvernement:
«Comme toujours en cas de crise, la prime de satisfaction va à celui qui gère et pas à ceux qui sont dans l’opposition», conclut-elle.