Légalisation du cannabis, mesure d’ordre public? «Plus on réprime les trafics, plus la violence s’accroît»

© Photo Pixabay / tdfugereCannabis
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Gérald Darmanin a promis une politique très répressive contre le trafic de drogue. Pourtant, certains élus et policiers estiment que cette stratégie serait totalement inefficace. Renaud Colson, juriste, et Christian Mauhanna, sociologue, interrogés par Sputnik, estiment eux aussi que l’on devrait aller vers une légalisation du cannabis en France.

«La drogue, c’est de la merde», a dénoncé Gérald Darmanin lundi 14 septembre sur LCI. «Tous les jours, des associations, des parents, des policiers et des élus locaux luttent contre cette merde, parce que la drogue, c’est de la merde […] Nous n’allons pas légaliser cette merde, car elle fait naître la délinquance du quotidien», a-t-il poursuivi, avant de déclarer qu’il était «absolument contre» une possible légalisation du cannabis, qu’il assimile à une «lâcheté intellectuelle».

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Afin de lutter contre le trafic de stupéfiants, l’amende forfaitaire de 200 € pour consommation de cannabis et de cocaïne a déjà été généralisée le 1er septembre dernier. Cette mesure avait été expérimentée cet été dans cinq villes françaises, dont Reims, pour un résultat assez peu probant, d’après Arnaud Robinet, le maire LR de la ville. Ce dernier a ainsi fait remarquer au ministre que sur les 147 communes de la zone juridictionnelle de Reims, le dispositif n’avait donné lieu qu’à une cinquantaine de verbalisations en deux mois.

Dans une lettre au Premier ministre datée du 8 septembre, M. Robinet avait même demandé un «vrai débat», en tout cas sur le cannabis, pour «étudier les conséquences d’une légalisation de [sa] vente», proposant des «expérimentations» locales:

«La France a l’arsenal répressif le plus strict d’Europe, et pourtant, c’est le pays qui compte le plus de consommateurs de cannabis: 11% des Français, trois fois plus qu’il y a 30 ans», avait argumenté auprès de l’AFP l’ancien député, jugeant indispensable de «sortir de l’idéologie et être pragmatique.»

Le recadrage de Gérald Darmanin ne s’est pas fait attendre. Le ministre de l’Intérieur a estimé que son ancien confrère de LR «se tromp[ait] profondément» en suggérant une possible légalisation des drogues dites «douces». Dans un entretien donné au quotidien régional L’Union dimanche 13 septembre, l’ancien maire de Tourcoing n’en démord pas: pour lui, «la loi de la République, c’est l’interdiction des drogues».

Une politique du chiffre vivement contestée

Mais derrière cette intransigeance affichée vis-à-vis des consommateurs de drogue se cache également en enjeu purement politique pour Gérald Darmanin. La verbalisation des consommateurs est un moyen très efficace et très sûr de faire gonfler les chiffres de la lutte contre la délinquance. Et donc de convaincre l’opinion de l’efficacité des forces de l’ordre sur le terrain.

Le collectif Police contre la prohibition (PCP), constitué de gendarmes et de policiers appelant à «réformer la politique des drogues en France», avance ainsi que «la répression de l’usage de stupéfiants est le carburant de la politique du chiffre», qui «biaise la statistique de l’efficacité de l’activité policière». Pour des résultats très peu convaincants: «Policiers et gendarmes y consacrent un temps considérable sans aucun résultat global probant. Le coût des procédures pour ce délit en termes d’argent public est exorbitant». Dans une tribune publiée le 14 septembre dans Libération, le PCP détaille les chiffres de cette politique répressive, qui ferait les affaires de Beauvau:

«C’est un délit qui est résolu dès qu’il est constaté, c’est du 100% de taux d’élucidation, et ça, c’est très précieux pour les chiffres de la délinquance; 56% de l’activité d’initiative des flics, c’est la répression de l’usage de drogues, faire vider les poches et mettre en garde à vue pour le quart de gramme de shit qu’on a au fond de la poche.»

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Pire encore, pour Renaud Colson, juriste et maître de conférences à l’Université de Nantes, spécialisé dans la politique des drogues, la répression produit l’effet inverse de l’objectif visé, car elle augmente le risque de violences. C’est ce qu’il souligne au micro de Sputnik:

«Si Gérald Darmanin était vraiment soucieux d’ordre et de sécurité publique, il réaliserait que l’une des causes de l’accroissement de la violence liée au trafic tient paradoxalement à la prohibition et au durcissement de la répression. Plus on réprime les trafics, plus on rend les trafiquants nerveux, et plus la tension sur les marchés s’accroît.»

La légalisation du cannabis apparaîtrait alors comme le seul moyen de lutter efficacement contre les trafics clandestins. Pour les défenseurs de cet assouplissement de la loi de 1970, une tolérance à l’égard de la consommation de cannabis aurait un double effet bénéfique: enrayer le marché souterrain, et faire baisser le nombre de consommateurs de drogues.

Une légalisation inévitable?

C’est l’avis de Christian Mauhanna, sociologue et directeur du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), interrogé par nos soins:

«On a aujourd’hui des groupes mafieux constitués autour du cannabis. Or, la répression à tout-va ne fonctionne pas. Il faut trouver un moyen d’assécher leur source de revenus, et cela passe par une légalisation du cannabis. Par ailleurs, dans les pays où la législation tolère la consommation de cannabis, il y a moins de consommateurs qu’en France!»

Pour Renaud Colson, la question de la pertinence de la légalisation ne se pose même plus, tant les politiques répressives menées par les gouvernements successifs se sont avérées inefficaces en la matière:

«Il est évident que ce n’est qu’une affaire de temps [avant la légalisation du cannabis, ndlr]: la France légalisera le cannabis. Reste à savoir dans combien de temps: dans deux ans, dans cinq ans, dans dix ans? Mais cela ne fait plus aucun doute.»
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