La controverse autour de Mignonnes, film «cri d’alarme» qui fait enrager des sénateurs US

© AFP 2024 Rich FuryMaïmouna Doucouré, réalisatrice de Mignonnes
Maïmouna Doucouré, réalisatrice de Mignonnes - Sputnik Afrique
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Soulevant les sujets du féminisme, de Black Lives Matter, du consentement, du bullying, du métissage entre deux cultures et de l’effet néfaste des réseaux sociaux, Mignonnes est banderillé d’accusations allant de la «sexualisation» des enfants à de la «pédopornographie» qui vont crescendo depuis sa diffusion aux USA. À quoi doit-il ces critiques?

«C’est ce que vous devez savoir de l’enfance contemporaine», se défend la réalisatrice de Mignonnes, Maïmouna Doucouré, dans une tribune pour The Washington Post.

Pour des sénateurs républicains, le principal reproche à son film, traduit comme Cuties et portant sur l’enfance d’une fillette franco-sénégalaise dans les conditions d’une famille autoritaire, de la tyrannie de l'apparence et de la pression des réseaux sociaux, consiste en l’«hypersexualisation» des enfants, les critiques allant jusqu’à le comparer à de la «pornographie juvénile», qui est «illégale aux États-Unis».

#CancelNetflix

C’est ainsi qu’a réagi DeAnna Lorraine, ex-candidate républicaine en Californie pour un siège à la Chambre des représentants, se joignant à la campagne #CancelNetflix (supprimer Netflix).

Des internautes, parmi lesquels des sénateurs, appellent à boycotter la plateforme de streaming pour avoir mis en ligne ce film français. Netflix s’est déjà retrouvé sous le feu de critiques en diffusant une affiche, ce pour quoi il a choisi de s’excuser. Mais la rage ne semble pas s’éteindre.

Une pétition appelant à supprimer Netflix a récolté plus de 650.000 signatures. Josh Hawley, sénateur républicain du Missouri, a adressé une lettre ouverte à la plateforme disant que la diffusion du film soulevait «des questions majeures sur la sécurité des enfants et leur exploitation».

Le sénateur Ted Cruz, qui n'a pas vu le film, s’est dit préoccupé par de possibles infractions aux lois protégeant les mineurs. Pour le sénateur Tom Cotton, «Netflix devrait être poursuivi» en justice, puisque «si ce n'est pas de la diffusion de pédopornographie, ça n'en est pas loin».

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Le long-métrage de la réalisatrice franco-sénégalaise, titulaire du César 2017, raconte l’intégration d’Amy dans un groupe de danse formé par trois autres filles du quartier. Sur la scène, dans la rue et à la maison: les filles, dont les chorégraphies semblent assez sensuelles, essayent d’interpréter les danses et twerks de stars comme Miley Cyrus.

La question reste pourtant: comment lancer un dialogue sur l’hypersexualisation sans la montrer?

«Cri d’alarme»

Maïmouna Doucouré confie s’être inspirée d’une scène de danse de filles de 11 et 12 ans qui l’a rendue un jour «estomaquée» par les mouvements «dignes des clips américains». Elle s’est posé la question si elles comprenaient ce qui se passait avec leur féminité. Elle a eu une centaine de conversations avec des préadolescentes d’où est né finalement le film qui a reçu un prix de réalisation au prestigieux festival américain de Sundance.

«Pendant la préparation, j’ai vu des filles de 13 ou 14 ans suivies par 400.000 personnes, juste parce qu’elles postent des photos d’elles en string. Ça implique une nouvelle forme de construction de l’estime de soi, très fragile, fondée sur du virtuel, un nombre de likes ou de followers. Mignonnes est un cri d’alarme», a déclaré la réalisatrice et écrivaine à Paris Match.

Les mannequins et influenceuses sur les réseaux sociaux ont un effet dangereux sur la psyché des jeunes filles et garçons. Par ailleurs, le message transmis atténue la réalité:

«Il y a des choses que je n’ai pas osé filmer. Pour ne pas effrayer les parents», a ajouté Maïmouna Doucouré.

«Vies gênantes»

Elle voulait mettre en scène cette tendance «dans l’espoir d’entamer un dialogue sur la sexualisation des enfants. Le film a certes ouvert un débat, mais pas celui que j’espérais».

«Des gens ont trouvé certaines scènes de mon film gênantes à voir. Mais si l’on écoute vraiment les filles de 11 ans, ce sont leurs vies qui sont gênantes», écrit Maïmouna dans The Washington Post.

Netflix reste sur ses positions, l’ARP apporte son soutien

Netflix est finalement resté fidèle à lui-même, décision qui lui a coûté des désabonnements atteignant huit fois la moyenne quotidienne enregistrée en août après la diffusion du film.

Contactée par l’AFP, sa porte-parole a insisté que Mignonnes «est une chronique sociale contre la sexualisation des jeunes enfants» qui évoque «la pression à laquelle font face les jeunes filles, dictée par les réseaux sociaux et la société en général».

Pour l'ARP, société française représentant les auteurs, réalisateurs et producteurs, l’appel au boycott de Mignonnes est «une grave attaque contre la liberté de création».

«Ce film produit en France, puis acheté par Netflix pour sa diffusion aux États-Unis, est emblématique de l'indispensable liberté d'expression dont le cinéma, dans toute sa diversité, a besoin pour aborder des sujets dérangeants, donc nécessaires à l'exercice de la démocratie», a estimé l'ARP dans un communiqué.

Aux États-Unis, un soutien a été en outre apporté par l’actrice Tessa Thompson qui a considéré le film comme «magnifique» et s’est dite «déçue par le discours» qui le critique.

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