Au Togo, les occupants des différentes installations –essentiellement à caractère commercial– sur le littoral n’en reviennent pas. Dans un ultimatum rendu public en ce début septembre 2020, le gouvernement les somme de «dégager toute installation sur la côte togolaise dans un délai de six mois» au motif qu’elles occupent «illégalement» le domaine maritime de l’État.
L’arrêté interministériel portant ultimatum et cosigné par les ministres des départements concernés a été envoyé à ceux qui ont érigé le long du littoral des habitations de fortune, mais aussi aux responsables des bars et des restaurants. Le cas échéant, ces édifications seront démolies par la force publique.
Les autorités togolaises affirment que ces installations «anarchiques» violent le code de la marine marchande, le décret portant attribution du préfet maritime et l’organisation de la préfecture maritime. Un argument qui a toutefois laissé insensibles les occupants «hors-la-loi» rencontrés par Sputnik.
N’ayant pas trouvé d’emploi, Roger, titulaire d’une licence en économie de l’environnement gère un des bars de la plage près de la frontière avec le Ghana où, d’ailleurs, les installations incriminées sont des plus nombreuses.
«Que vais-je donc devenir si ce petit travail aussi m’échappe? Je suis vraiment tombé malade rien qu’à y réfléchir. Non, le gouvernement ne peut pas nous faire ça sans penser à ce que nous allons devenir», a-t-il déclaré à Sputnik.
Pour lui, il est inadmissible qu’on leur parle d’édifications anarchiques «alors même que les autorisations d’installation leur ont bien été délivrées» par les mairies.
«Nous payons régulièrement 50.000 francs CFA de taxes et impôts pour les activités que nous menons ici», a ajouté Roger furieux, avant d’appeler le gouvernement à «revoir sa décision».
Des jeunes filles qui travaillent déjà dans des conditions difficiles dans ces établissements sur la plage ont fait part aussi de leur amertume à Sputnik.
Déborah, 25 ans, non scolarisée et obligée de se débrouiller seule depuis plusieurs années, venait à peine d’être recrutée dans un de ces bars pour 25.000 francs CFA (38 euros) mensuels. L’ultimatum du gouvernement togolais est pour elle un coup de massue qui bloque son avenir.
«Que veulent-ils que l’on devienne? Des mendiants sur la route ou des prostituées? Toutes mes collègues et moi n’avons que ce boulot pour vivre. Certaines sont même abandonnées par leur mari et vivent seules avec des enfants grâce à ce travail. Comment allons-nous faire?», s’est interrogée Déborah au micro de Sputnik.
Un peu plus loin sont alignées des habitations de fortune appelées aussi à être détruites alors que ceux qui y vivent n’ont visiblement pas d’autre endroit où loger.
«Depuis que la mer a emporté notre maison il y a cinq ans, c’est ici je m’abrite. S’ils viennent tout casser, qu’ils m’emmènent avec eux en même temps parce que je ne sais pas où aller», a lancé une vieille dame de 73 ans rencontrée devant sa petite cabane.
Ces cris de détresse n’ont pas, pour le moment, trouvé d’écho favorable auprès des autorités togolaises. Contacté pour savoir si le gouvernement a prévu des mesures d’accompagnement pour tous ceux qui pourraient éventuellement perdre leur emploi à la fin de cet ultimatum, le cabinet du ministre de la Ville a confié à Sputnik que «rien n’est envisagé pour l’instant».
Les installations sur la plage avaient été autorisées «illégalement» par les anciens maires, rappelle cette source. Les nouveaux, en poste depuis les municipales de 2019, ne se sentent donc pas concernés. Ils ont néanmoins reçu l’avertissement de ne plus délivrer, dans l’avenir, pareilles autorisations.
«Nous sommes d’avis que nous devons repenser notre plage, tout en privilégiant le besoin de nos populations de se récréer et de se distraire», a-t-il déclaré.
Des sources concordantes contactées par Sputnik affirment que l’ultimatum du gouvernement vient en prélude au démarrage en juin 2021 au Togo d’un vaste projet régional de protection du littoral contre les conséquences graves de l’érosion côtière dénommé WACA. Le recul dû à l’érosion au Togo est de 15 à 25 m par an, selon les chiffres disponibles au ministère de l’Environnement.