Les émeutes violentes aux USA feront-elles gagner Donald Trump?

© AFP 2024 KAMIL KRZACZYNSKIManifestations à Kenosha
Manifestations à Kenosha - Sputnik Afrique
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Après qu’un nouvel individu noir a été tué par la police aux États-Unis, les manifestations violentes sont reparties de plus belle. Dans ce climat délétère, et à moins de 70 jours de l’élection présidentielle américaine, Sputnik France a cherché à comprendre, experts à l’appui, à qui profite cette nouvelle séquence politique violente.

«La loi et l’ordre!» Voici ce qu’a tweeté Donald Trump le 31 mai, le 1er juin, le 3 juin, le 4 juin, le 7 juin, le 15 juin, le 24 juin, le 25 juin, le 14 juillet, voire à encore d’autres dates qui auraient échappées à notre vigilance. Et ce 26 août, Mike Pence, le vice-Président des États-Unis, a lui aussi remis cette expression au goût du jour lors de la convention républicaine. Pourquoi une telle insistance pour ce slogan?

La réponse est électorale, et pour la comprendre, il faut se replonger dans l’Amérique des années 60 et le mouvement des droits civiques emmené par des figures comme Martin Luther King ou Malcom X. À cette époque, les États-Unis étaient traversés par d’importants mouvements sociaux visant à mettre fin aux dernières lois ségrégationnistes. Un contexte distinct de celui de 2020. Comparaison ne serait donc pas raison.

Des violences qui profitent à Donald Trump?

Mais malgré tout, malgré la disparition de la ségrégation, le sentiment d’être des citoyens de seconde zone perdure chez bon nombre d’Afro-Américains. Autre permanence: la violence des manifestations, hier comme aujourd’hui. Une violence qui permet de soulever le parallèle historique… et certaines stratégies électorales.

Traduction: JE SUIS POUR LA LOI ET L’ORDRE ET J’AI AGI! L’opération LeGend a permis l’arrestation de plus de 1.000 criminels, dont 90 tueurs, tandis que Joe Biden l’endormi et la gauche radicale excusent la violence et la criminalité dans leurs villes dirigées par les Démocrates. Je veux de la sûreté et de la sécurité, Joe l’endormi permet le CRIME!

police à Kenosha - Sputnik Afrique
L’Afro-Américain blessé par des policiers à Kenosha aurait eu un couteau dans sa voiture
Les conséquences politiques de ces manifestations –parfois d’une grande violence– dans les années 60 ne sont pas toujours des plus évidentes. Bien sûr, cette séquence politique fut suivie de concrètes avancées au niveau des droits civiques (entre autres, le Civil Rights act de 1964, mettant fin à la ségrégation). Pourtant, elle favorisa, électoralement parlant, le camp conservateur.

C’est ce qu’explique au micro de Sputnik France Gérald Olivier. En effet, celui-ci souligne qu’après l’assassinat de Martin Luther King, figure centrale du mouvement des droits civiques, en avril 1968, c’est Richard Nixon que les Américains ont élu quelques mois plus tard. L’un des Présidents les plus conservateurs du XXe siècle aux États-Unis. Nixon s’était en effet présenté comme le «candidat de la “majorité silencieuse”, de la loi et de l’ordre, et il sera réélu quatre ans plus tard.»

Les Démocrates, incapables d’incarner l’ordre et l’autorité face aux Républicains?

Un mécanisme qui pourrait bien faire de nouveau le jeu de Donald Trump plus d’un demi-siècle plus tard:

«Je pense donc qu’aujourd’hui, comme dans les années 60, les électeurs apeurés par les violences vont se réfugier vers le parti de l’ordre», avance Gérald Olivier.

Une analyse partagée par Harold Hyman, spécialiste des questions internationales chez CNews, au micro de Sputnik France:

«Les manifestations violentes aux États-Unis profitent plutôt aux Républicains. Et ça aurait renforcé n’importe quel candidat Républicain, car le parti est perçu comme le parti de la loi et de l’ordre, de la sécurité. D’ailleurs, il est perçu comme tel même si ce n’est pas nécessairement le parti qui livre cela. Ils jouissent de cette vieille perception qu’a le parti.»

Donald Trump l’a bien compris et s’appuie sur cette stratégie, non seulement pour se renforcer, mais également pour affaiblir son adversaire. D’où ses innombrables tweets mentionnant uniquement «la loi et l’ordre», voire sa mention de la citation «quand le pillage commence, la fusillade commence.»

​Traduction: Ces MALFRATS déshonorent la mémoire de George Floyd, et je ne laisserai pas cela se produire. Je viens de parler au gouverneur Tim Walz et je l’ai assuré du soutien sans faille de l’armée. En cas de difficulté, nous prendrons le contrôle, mais quand les pillages commencent, les tirs commencent. Merci!

Une phrase qui avait déjà été prononcée il y a 53 ans par un certain Walter Headley, chef de la police de Miami lors de la convention républicaine de 1967. Il avait alors annoncé une politique de durcissement du maintien de la sécurité dans les quartiers noirs.

«Jeter le discrédit sur les Démocrates»

Le 45e Président des États-Unis a pourtant nié connaître l’origine de cette phrase chargée d’histoire après l’avoir utilisée. Impossible à vérifier, mais le parallèle entre le vocabulaire utilisé par les Républicains des années 60 et leurs contemporains semble tout de même évident.

En tout cas, du point de vue de la stratégie, c’est clair: le Président sortant essaye de faire de son adversaire Joe Biden l’allié des manifestants et des émeutiers les plus violents. Un angle d’attaque qui s’est confirmé durant son discours et celui de son Vice-Président, Mike Pence, lors de la convention républicaine de ce 27 août: «Vous ne serez pas en sécurité dans l’Amérique de Joe Biden», s’est-il exclamé.

Une stratégie qui comprend d’ailleurs deux versants: d’une part, elle permet au camp républicain de solidifier sa base autour de la question de la sécurité, attirant de potentiels électeurs encore hésitants à voter pour Trump. La popularité sensiblement en baisse du mouvement Black Lives Matter pourrait en être un signe avant-coureur.

D’autre part, le camp de Donald Trump veut pousser l’électorat noir à ne pas voter pour Joe Biden. Pour ce faire, ils essayent de présenter les Démocrates comme manipulateurs de la communauté noire, comme l’explique au micro de Sputnik France François Durpaire, historien des États-Unis et maître de conférences à l’Université Cergy-Pontoise:

«Les Républicains ne misent pas tellement sur le vote noir. Ils savent qu’ils ne feront pas un gros score chez cette communauté. Ce qui leur importe, c’est de jeter le discrédit sur les Démocrates pour les décrédibiliser aux yeux de la communauté noire pour que ces derniers ne votent pas.»

Joe Biden est prévenu, il devra naviguer subtilement dans les eaux troubles du mouvement Black Lives Matter et ses dérives.

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