Vu d’Afrique, Spoutnik V représente un espoir mais doit encore faire ses preuves

© Sputnik . Centre Gamaleïa  / Accéder à la base multimédiaLes essais cliniques du vaccin russe contre le corovavirus au Centre Gamaleïa
Les essais cliniques du vaccin russe contre le corovavirus au Centre Gamaleïa  - Sputnik Afrique
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La Russie n’exclut pas de fournir son vaccin Spoutnik V contre le Covid-19 à des pays africains. Deux professeurs émérites africains livrent leur analyse sur les perspectives du vaccin sur le continent.

«Plus d’un milliard de doses» du vaccin anti-Covid russe ont été précommandées par 20 pays étrangers, selon la Russie. 

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Le début de sa production industrielle est prévu en septembre, a annoncé le Fonds d’investissement direct russe. Ce dernier envisage de fournir le vaccin Spoutnik V, entre autres, à certains États africains, a déclaré le 20 août son chef Kirill Dmitriev devant la presse.

«L'Afrique est libre de collaborer avec tout le monde, pourvu qu'elle y trouve son intérêt. Bien entendu, l'Afrique est plus proche de l'Europe que de la Russie du fait de la colonisation et du partage de certaines valeurs depuis des décennies. Toutefois, cela ne justifie pas sa seule collaboration avec l'Europe», a commenté pour Sputnik le professeur Ayola Akim Adegnika, directeur du Centre de recherches médicales de Lambaréné, au Gabon.

Pour ce professeur titulaire de la chaire immuno-épidemiologie des maladies infectieuses à l'Institut de médecine tropicale de l'université de Tübingen en Allemagne, qui est l’un des principaux investigateurs de plusieurs essais cliniques sur les vaccins et les médicaments en Afrique, «la qualité, la transparence et le respect des normes internationales doivent avant tout guider l'intérêt du continent à collaborer avec qui que ce soit», a-t-il précisé.

Sa collègue, la professeur Francine N’Toumi, directrice générale de la Fondation congolaise pour la recherche médicale (FCRM) à Brazzaville et vice-présidente pour l’Afrique centrale de l'Académie africaine des sciences (AAS), estime quant à elle que la découverte du premier vaccin contre le Covid-19 reste un «défi» qui dépasse les enjeux scientifiques d’aujourd’hui.

«L’Afrique doit évaluer le produit et non celui qui a développé le vaccin. La responsabilité des différentes autorités africaines est de s’assurer de l’efficacité du vaccin sur sa population, son accessibilité au niveau de la production et, évidemment, son coût», a-t-elle fait valoir au micro de Sputnik France.

Le 11 août dernier, Vladimir Poutine avait annoncé l'enregistrement du premier vaccin contre le Covid-19 au monde. Développé par le Centre d’épidémiologie et de microbiologie russe Gamaleïa à Moscou, Spoutnik V a suscité des réactions de scepticisme, voire d'hostilité, à commencer par la France. Mais il a ensuite été examiné par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) après que les informations scientifiques adéquates lui sont parvenues.

Guerre des vaccins

Francine N’Toumi, qui enseigne également à l’université de Tübingen, n’en démord pas. «Nous sommes en train d’assister à  une véritable guerre des vaccins», affirme-t-elle. Elle en veut pour preuve qu’au moins cinq grands candidats sont actuellement en compétition dans le monde.

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Plutôt que de «guerre des vaccins», le Pr. Adegnika, lui, préfère parler de «bataille pour le leadership» dans la course que se livrent les grands laboratoires de la planète.

«Si les Russes veulent prendre le leadership, ils doivent être transparents sur les données, les méthodes et leurs produits devront être évalués selon les normes internationales en vigueur. Sans cela, il leur sera difficile de convaincre les agences de régulation nationales et supranationales d’approuver leur vaccin», avertit-il.

La démarche européenne s’appuyant sur les recherches des grands laboratoires «est la même partout», rappelle ce médecin chercheur gabonais. Elle consiste, selon lui, à «respecter les règles préétablies depuis plus d'un demi-siècle pour le développement des vaccins» par le biais de protocoles scientifiques précis.

«L'Afrique ne saurait avoir des règles différentes du reste du monde. Je l'espère aussi pour la Russie qui est une grande nation scientifiquement reconnue dans le monde», insiste-t-il.

En plus de Spoutnik V, beaucoup de laboratoires développent des prototypes, dont le français Sanofi. Ce dernier, avec le britannique GSK, a décroché un contrat pour fournir 100 millions de doses de leur potentiel futur vaccin contre le coronavirus qui sera financé, entre autres, par le gouvernement américain.

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En Afrique, la capacité de production étant limitée, seul un effort collectif peut donner accès à des recherches suffisamment avancées. C’est pourquoi, poursuit le Pr. N’Toumi, sans le leadership de l’Africa Centres for Disease Control and Prevention (CDC) et de l’OMS, «nous n’aurions pas la force d’avancer de manière isolée».

«L’Afrique du Sud est forte avec une grande expérience des essais cliniques de vaccins et a été capable de commencer avec sa participation à l’essai du vaccin d’Oxford par le laboratoire britannique AstraZenaca», révèle-t-elle.

En Afrique, pour l’instant, seul le Covid-organics a été promu par les chefs d'État «avec très peu d'évidence scientifique ou similaire», rappelle le Pr. Adegnika. Ce qui ne doit pas décourager les scientifiques africains de participer à cette course mondiale pour trouver le remède contre la crise sanitaire causée par le SARS-Cov2, ajoute-t-il.

Défi africain

Pour le Pr. N’Toumi, il est urgent que ces scientifiques se mettent «en capacité de monitorer le nouveau vaccin» d’où qu’il vienne. Elle préconise donc de «décrire dans les différents contextes géographiques de l’épidémiologie de la maladie» et de «former des comités d’éthique et des autorités de régulation pour l’évaluation des protocoles» qui leur seront soumis.

Car, selon elle, le futur vaccin qui sera efficace en Europe «pourrait ne pas l’être en Afrique». Donc, aux chercheurs africains de savoir choisir «quel est celui qui sera le plus approprié pour eux», prévient-elle.

«Les essais cliniques ne doivent plus être perçus sur le continent comme un acte immoral, mais plutôt comme un outil au service de la santé publique», pour le Pr. Adegnika.
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