Entre Israël et les Émirats, une paix au prix de F-35 et de drones Predator?

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Une normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis en échange de F-35 et de drones? Bien que niée officiellement, cette contrepartie pourrait bien avoir lieu, selon Gil Mihaely, spécialiste de la géopolitique israélienne.

L’accord de paix entre Tel-Aviv et Abou Dabi contenait une «clause secrète» qui ouvrait la voie aux Émirats pour l’achat de jets F-35 et de drones Predator, écrit la presse régionale et américaine. 

Les acteurs américains et israéliens du traité ont pourtant nié en bloc ces allégations. Le Premier ministre israélien et son cabinet ont démenti avec vigueur l’existence d’une telle clause, indiquant que «le Premier ministre Benyamin Netanyahou s'est opposé à la vente de F-35 et d'autres systèmes d’armement avancés à tout pays du Moyen-Orient, y compris les pays arabes qui ont conclu des accords de paix avec l'État d'Israël».

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Mais pour Gil Mihaely, expert de la géopolitique israélienne, «cela faisait bien partie du deal», explique-t-il dans un entretien à Sputnik. D’après lui, c’est un secret de Polichinelle et une démarche acceptée par la population israélienne, une sorte de «prix à payer» pour obtenir la normalisation.

Des précédents à ne pas négliger

Cet avis est partagé par les analystes et observateurs de la géopolitique régionale qui lient cette possible acquisition à l’accord signé le 13 août dernier. Le New York Times révélait notamment que l’administration Trump poussait en coulisses pour que la vente de ces F-35 et drones Predator puisse être actée au plus vite.

Ce n’est d’ailleurs pas une surprise, selon Gil Mihaely, qu’il y ait une contrepartie de poids pour l’Émirat car cela s’inscrirait dans une suite historique logique:   

«Même les autres accords de paix avec l’Égypte en 1979 et la Jordanie en 1994 avaient des articles de financement américains. Il y avait toujours un versant axé sur l’armement, le crédit, voire le don.»

La seule différence aujourd’hui est que compte tenu de l’aspect stratégique d’une telle vente, celle-ci ne serait pas inscrite noir sur blanc dans l’accord de normalisation. Elle n’en demeure pas moins centrale au traité, selon des spécialistes.

​Une analyse que partage Sigur Neubauer, expert du Golfe et auteur du livre La région du Golfe et Israël: anciennes luttes, nouvelles alliances (éd. Kodesh Press).

«Pour reconnaître Israël et normaliser ses relations, les Émirats arabes unis allaient vouloir une contrepartie conséquente. Et le prix politique pour l’Émirat était l’obtention de ces F-35», explique-t-il dans une interview à la chaîne i24NEWS.

L’opinion israélienne favorable sur le fond, mécontente sur la forme

Des avions de chasse que les Émirats essaient par ailleurs d’obtenir depuis six ans. Difficile donc de ne pas interpréter la position de Benyamin Netanyahou comme une façade politique car effectivement, il n’est jamais bien vu en Israël de renforcer militairement un voisin arabe. D’autant que, comme l’indique le Times of Israël, ces derniers mois, de hauts responsables israéliens ont examiné la possibilité de ventes américaines de F-35 à des pays de la région.       

«Globalement, l’opinion est plutôt favorable à cet accord et accepte cette vente comme un risque qu’il faut prendre car ce qu’il y a sur la balance pèse très lourd», indique Gil Mihaely.   

«En revanche, ce qui a plus inquiété l’opinion, c’est le fait que le Premier ministre ait pris la décision tout seul», poursuit le spécialiste de la géopolitique israélienne. Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense en auraient été informés par la presse et ils ne se sont d’ailleurs pas privés de critiquer Benyamin Netanyahou à ce propos.

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Comme le rappelle Gil Mihaely, ce dernier est pourtant coutumier du fait: en 2019 déjà, le Premier ministre israélien aurait secrètement donné son feu vert à l’Allemagne pour vendre des sous-marins à l’Égypte, inversant une politique qui consistait à ne pas laisser de voisins arabes acquérir des armes avec des technologies de pointe.  

Une vente pas encore actée

Une omerta surprenante car la vente de ces systèmes militaires est le fruit de processus extrêmement longs et peu de choses garantissent aujourd’hui que celle-ci aboutira. En effet, ce type de transaction doit au préalable être approuvé par le Congrès américain, ce qui n’est pas assuré, surtout si le gouvernement israélien, pour différentes raisons, ne veut pas soutenir cette vente par la suite. Donald Trump pourrait également perdre l’élection face à Joe Biden, et rien ne garantit que celui-ci y sera favorable.   

Il se peut aussi que les États-Unis vendent des F-35 tout simplement moins performants aux Émirats arabes unis, avec des systèmes électroniques moins avancés que ceux dont dispose Israël. Cela permettrait à ce dernier de garder militairement son avantage qualitatif sur les autres pays de la région, un aspect crucial de la politique américaine au Moyen-Orient. Si la volonté américaine et émiratie de conclure cette vente est bien réelle, sa faisabilité concrète reste à démontrer.       

 

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