Justin Trudeau termine l’été en créant la surprise. Le 18 août dernier, le Premier ministre canadien a annoncé la nomination de la vice-Première ministre Chrystia Freeland au poste de ministre des Finances après la démission soudaine de Bill Morneau, impliqué lui aussi dans le scandale UNIS.
Le 3 juillet, le Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique a informé qu’il ouvrait une enquête sur une possible infraction à la loi sur les conflits d’intérêts commise par Justin Trudeau en ayant attribué un contrat de plusieurs millions de dollars à l’organisation UNIS, qui avait versé des honoraires à la mère et au frère du Premier ministre pour des participations à des événements du groupe. Le ministre démissionnaire est aussi visé par l’enquête, notamment en raison de ses liens familiaux avec l’organisme.
Chrystia Freeland is sworn in as Canada's new finance minister today, becoming the first woman to take on the powerful role. #cdnpoli pic.twitter.com/TBSjPjAnNM
— Power & Politics (@PnPCBC) August 18, 2020
Le même jour que la nomination de Chrystia Freeland aux Finances, Justin Trudeau a proclamé la prorogation du Parlement canadien, c’est-à-dire l’interruption des travaux parlementaires jusqu’au prochain discours du Trône fixé au 23 septembre.
Le gouvernement Trudeau devra ensuite obtenir une majorité de votes à la Chambre des communes. Sans cette majorité, le gouvernement sera défait, provoquant alors de nouvelles élections et ce, moins d’un an après les dernières d’octobre 2019. Le résultat du prochain scrutin décidera sans doute de l’avenir du Premier ministre en politique, lui qui se verrait bien confier un troisième mandat consécutif en cas de victoire.
Une manœuvre pour étouffer le scandale impliquant le Premier ministre?
En interrompant les travaux parlementaires, Justin Trudeau interrompt également les comités en cours voués à faire la lumière sur le scandale UNIS, ce qui est considéré par plusieurs experts et partis d’opposition comme une manière d’étouffer l’affaire. Les Libéraux de Trudeau ne sont d’ailleurs pas le premier gouvernement canadien à utiliser cette tactique pour tenter de détourner l’attention d’un dossier controversé.
«Les députés de l’opposition [...] vont avoir la chance d’approuver le plan que l’on présente pour une relance de notre économie plus juste et plus équitable pour tous, ou de ne pas l’approuver. C’est le cœur de la démocratie», a déclaré Justin Trudeau pour justifier sa décision.
Dans une communication remise à Sputnik, le chef de l’opposition officielle, Andrew Scheer, a vivement condamné cette stratégie:
«Plus tôt cette année, Justin Trudeau a honteusement fermé le Parlement pour tenter d’éviter de rendre des comptes. Et maintenant, il bloque les députés de l’opposition qui travaillaient d’arrache-pied pour corriger les programmes de son gouvernement pendant la pandémie, pour aider les Canadiens et pour faire toute la lumière sur son scandale de corruption.»
Depuis le 24 juillet, le chef des Conserveurs Andrew Scheer réclamait la démission de Justin Trudeau et Bill Morneau. «Justin Trudeau ne mérite pas d’être Premier ministre», avait littéralement tranché Andrew Scheer à cette date.
Plus tôt aujourd’hui, j’ai parlé et accepté la démission du ministre @Bill_Morneau. Depuis qu’il a été élu pour la première fois et est devenu le ministre des Finances du Canada, Bill a travaillé sans relâche pour soutenir les Canadiens et créer une économie qui profite à tous.
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) August 17, 2020
Maintenant que M. Morneau a quitté ses fonctions, les Conservateurs réclament toujours la démission du Premier ministre, ce que confirme le bureau du chef de l'Opposition officielle et du caucus du Québec dans son échange avec Sputnik:
«La démission de Bill Morneau ne règle pas le problème. Tous les jours, de nouveaux détails sont révélés sur le scandale Trudeau-UNIS, qui donnent une inquiétante image de corruption aux plus hauts niveaux du gouvernement. Si Justin Trudeau ne s'en va pas, rien ne changera», estime le bureau du chef de l'Opposition officielle.
Trudeau et Freeland, le nouveau duo économique
Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, des sources proches du gouvernement Trudeau estiment que ce dernier songe à développer un plan pour accroître encore davantage le rôle du fédéral dans l’aide aux Canadiens dont les revenus ont diminué en raison des mesures sanitaires.
«Elle [Chrystia Freeland, nouvelle ministre des Finances, ndlr] est une militante interventionniste sociale, donc elle croit au pouvoir du gouvernement et croit également en la redistribution des fonds à ceux qui en ont le plus besoin», a déclaré à l’agence Reuters une source ayant étroitement collaboré avec elle.
Ministre des Affaires étrangères entre 2017 et 2019, Chrystia Freeland reste associée à une détérioration importante des relations entre le Canada et plusieurs grandes puissances telles que la Russie, l’Inde, la Chine et l’Arabie saoudite. En janvier 2019, le porte-parole du Comité des Relations publiques de l'Arabie saoudite aux États-Unis, Salman Al-Ansari, qualifiait de «provocantes et immatures» les politiques de Chrystia Freeland et de Justin Trudeau «contre le plus grand pays du Moyen-Orient».