Dans le sillage des Émirats arabes unis, d’autres pays du Moyen-Orient vont-ils normaliser leurs relations avec Israël?

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Après la signature de l’accord de paix historique entre Israël et les Émirats arabes unis, d’autres pays arabes semblent tentés, au grand dam de l’autorité palestinienne, par un rapprochement avec leur ex-ennemi juré. Mais l’Arabie saoudite, acteur majeur de la région, résiste encore aux sirènes israéliennes.

Allons-nous assister à un effet domino diplomatique au Proche-Orient, dans le sillage de l’accord historique signé entre Israël et les Émirats arabes unis (EAU)? C’est en tout cas la volonté affichée par le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, qui œuvre activement pour un rapprochement à venir avec d’autres pays alentour. Appuyé par Washington, l’État hébreu souhaite en effet normaliser à court terme ses relations avec Bahreïn, le Sultanat d’Oman et le Soudan notamment. Mais l’acteur le plus important de la région –à savoir l’Arabie saoudite qui n’a pas dénoncé ouvertement l’initiative d’Abou Dabi– résiste encore à l’opération de séduction israélienne.

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Voulant clarifier la position du royaume wahhabite, le ministre des Affaires étrangères Fayçal Ben Farhane a ainsi réaffirmé mercredi 19 août, lors d'une conférence de presse à Berlin en Allemagne, que «l’Arabie saoudite ne normalisera pas ses relations avec Israël en l'absence de paix avec les Palestiniens». S’il conditionne donc un éventuel rapprochement avec Israël par la création d’un État palestinien viable, le chef de la diplomatie saoudienne se veut toutefois rassurant: «Il doit y avoir une paix entre Israël et les Palestiniens, s'appuyant sur des bases internationales reconnues. [...] Quand cela sera atteint, alors tout sera de nouveau possible.»

Un succès en trompe-l’œil pour Israël?

Contacté par Sputnik France, Pierre Berthelot, chercheur au Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et musulman (Cermam) et à l’université Paris II-Panthéon Assas, considère que «cet accord est un succès en trompe-l’œil pour Israël étant donné que le gros morceau de la région, à savoir l’Arabie saoudite, a pris aujourd’hui ses distances». Pour l’expert, la position de Riyad «marque un recul de l’influence du prince Mohamed Ben Salmane dans le royaume». MBS souhaitait effectivement nouer une alliance avec Israël mais «a dû faire marche arrière pour des raisons d’équilibre politique interne», selon Pierre Berthelot.

Ce dernier estime par ailleurs que le rejet par l’Arabie saoudite d’une éventuelle normalisation de ses relations avec Israël pourrait au contraire «avoir un effet contre-domino». Les pays musulmans, comme le Soudan, qui étaient prêts à établir des liens officiels avec l’État hébreu pourraient ainsi «être refroidis par la reculade du grand frère saoudien».

«Tant que le royaume wahhabite ne cède pas sur cette question, les autres pays de la région ne franchiront pas le Rubicon», prévient Pierre Berthelot.  

S’agissant de Bahreïn, Pierre Berthelot estime qu’il devrait naturellement suivre le chemin d’Abu Dhabi: «Bahreïn a été en pointe dans le rapprochement avec Israël

Abandon de la cause palestinienne?

Quasiment inconcevables il y a encore quelques années, ces tractations entre Israël et certains pays arabes révèlent-elles un abandon de la cause palestinienne? Pour Pierre Berthelot, la réponse est mitigée. «Oui et non», répond-il, avant de préciser: 

«Certains pays arabes considèrent en effet que le soutien sans faille à la cause palestinienne a été contre-productif et ils veulent aujourd’hui se concentrer sur les enjeux de développement économique et technologique internes.» 

Si «la cause palestinienne reste toutefois importante dans le monde arabe», les ambitions économiques et technologiques incitent à voir en la puissance israélienne «un allié de choix».

Pour Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques et collaborateur du Cecid, «la normalisation des relations entre Abu Dhabi et Tel-Aviv n'est pas qu'un moyen de faire front commun contre l'Iran avec l'Arabie saoudite». Aussi le chercheur ajoute-t-il que «quitte à enterrer définitivement le fantasme arabe autour d'une défense encore unie de l'État palestinien, autant qu'un pays arabe aussi offensif que les Émirats arabes unis (EAU) en tire le meilleur parti».

Bassar Taham, islamologue et politologue franco-syrien, explique quant à lui le rapprochement entre les émirats du Golfe avec l’État hébreu par une sorte de désir mimétique: «Voilà de petits États, de tout petits États, qui ont des rêves de grandeur. Les Émirats ne sont pas énormes. C'est un pays minuscule. Ces personnes ont compris à la lumière de ce qui s'est passé au Moyen-Orient qu'il fallait employer l'argent pour devenir un État fort dans tous les sens du terme: scientifique, militaire (achat d'armes, fabrications, politique extérieure) et économique (investissements étrangers). Israël devient indirectement un idéal pour ces gens-là […]. Ça ne sera jamais le Qatar bien sûr, le véritable ennemi juré!»

Du côté du grand perdant de ce chambardement diplomatique –l’autorité palestinienne– on crie à la trahison. Saeb Erekat, le secrétaire général de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine), estime ainsi que l’accord entre Israël et les Émirats arabes unis est un «accord inacceptable qui va définitivement tuer la solution à deux États. On récompense Netanyahou et les extrémistes, et cela éloigne encore plus la possibilité d’une résolution et d’une paix israélo-palestinienne», a-t-il regretté.

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