Le récent traité signé entre Ali Darassa, chef du groupe armé L’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC), et le pouvoir de Bangui permettra-t-il des avancées dans le processus de paix en République centrafricaine (RCA), un pays en proie à l’instabilité depuis plusieurs années? Difficile d’y croire au vu de la tournure que prennent les événements.
La signature de l’accord a eu lieu le jeudi 30 juillet, au terme d’une semaine de négociations dans la capitale centrafricaine Bangui. Dans ce document appelé «Procès-verbal d’un huis clos» et paraphé par le Premier ministre centrafricain Firmin Ngrebada et Ali Darassa, le chef de guerre s’engage à cesser toute activité subversive. Il s’agit notamment de ne pas entraver le retour de l’autorité de l’État ainsi que la libre circulation des agents de l’Autorité nationale des élections, dans la perspective de la présidentielle de décembre 2020, dans les zones qu’il contrôle.
Un an et demi plus tard, les termes de l’entente peinent à se concrétiser. Ce qui a sans doute engagé le gouvernement centrafricain dans la voie d’accords bilatéraux tels que celui conclu avec l’UPC.
Enfin, Ali Darassa s’est engagé également à «publier sans délai un communiqué de presse» qui annule son alliance avec le groupe armé des 3R, accusé de multiples violations de l’accord de paix et sous la pression militaire de la mission des Nations unies pour la paix en Centrafrique (Minusca) depuis plusieurs semaines.
Volte-face
En échange, peut-on lire dans ce procès-verbal, le chef du groupe armé, chassé par les Casques bleus en janvier 2019 de la ville de Bambari –alors son quartier général–, va faire son grand retour dans la capitale de l’Ouaka. Le gouvernement centrafricain s’engage à créer «les conditions pour le renforcement d’un mécanisme efficace de communication et de consultation permanente entre le pouvoir et les leaders des ex-groupes armés, l’UPC en l’occurrence».
Pour l’opposition et la société civile, les conclusions du procès-verbal entre les deux parties constituaient déjà une «trahison» dont s’est rendu coupable le gouvernement. En témoignent les multiples attaques de cette faction contre l’armée centrafricaine et le massacre des civils depuis la signature du huitième accord de paix.
La volte-face qui s’en suit démontre, selon Martin Ziguélé, ancien Premier ministre et également président du parti du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), que le chef de guerre Ali Darassa «n’est pas pour la paix en Centrafrique».
«Cela constitue un énième rebondissement dans la tentative de résolution de cette crise imposée à notre pays par les groupes armés en général, et l’UPC du sinistre Ali Darassa en particulier. La position claire et non équivoque du MLPC est qu’Ali Darassa soit immédiatement arrêté et traduit en justice afin qu’il réponde de ses nombreux crimes contre notre peuple devant la justice», a-t-il déclaré le 2 août dans un document dont Sputnik a reçu copie.
Une présidentielle de tous les risques
Si des voix s’élèvent pour contester les concessions consenties au chef de guerre, pour le pouvoir de Bangui, cet autre accord avec un groupe armé s'inscrit dans la perspective de la préparation de la présidentielle de décembre prochain. Cependant, pense Kag Sanoussi, spécialiste en gestion des crises et président de l’Institut international de gestion des conflits –dont le siège est à Lille–, la «note de désengagement et de clarification» signée du même Ali Darassa, deux jours après avoir «paraphé le procès-verbal du huis clos, vient faire planer des inquiétudes» quant à son application.
«Nous osons croire qu’il s’agit là d’une figure de style car la gravité et la sensibilité des sept engagements pris par Ali Darassa le 30 juillet ne peuvent pas être balayées ainsi d’un revers de main sans provoquer une nouvelle crise. Dans la même note, il affirme sa volonté de respecter l’accord de Khartoum. Espérons qu’une fois les esprits reposés, le bon sens puisse gagner les rangs pour apporter la paix», commente l’expert au micro de Sputnik.
À cinq mois du scrutin présidentiel, déjà considéré comme à haut risque dans un contexte où les deux tiers du pays sont toujours contrôlés par des groupes armés, ce nouvel épisode dans la gestion de la crise centrafricaine vient raviver les inquiétudes. Depuis 2013, l’État a connu deux guerres civiles et demeure le théâtre d’affrontements entre factions armées qui commettent d’innombrables violences et exactions. Une situation qui perdure malgré les différents accords de paix.