Le communiqué du Paris FC est carré, sérieux, précis. Avec l’arrivée de Bahreïn, pas de «Champions Project» à l’horizon, mais une claire ambition «d’accéder à la Ligue 1 dans les trois prochaines années». Sauvé in extremis de la relégation en National cette année, le deuxième club parisien a effectivement annoncé le 27 juillet le rachat de 20% de son capital par le Royaume de Bahreïn. Cette monarchie du Golfe sera également le sponsor principal du club, prévoyant ainsi une augmentation du budget de 30%.
Le petit État avait déjà investi dans le sport, avec la mise en place en 2016 d’une équipe cycliste professionnelle (Bahreïn-McLaren) ou l’organisation depuis 2004 d’un Grand Prix de Formule 1. Pour Carole Gomez, spécialiste de géopolitique du sport à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques), il s’agit tout simplement de «diplomatie sportive»:
2/2. Au-delà des raisons "classiques" qui poussent un pays à se lancer dans une diplomatie sportive, il sera intéressant de suivre la communication du royaume et ses prochaines avancées. En tout cas, le choix du Paris FC n'est clairement pas fait au hasard. #waitandsee
— Carole GOMEZ (@carole_gomez) July 28, 2020
La mode a commencé il y a plus de dix ans. En 2008, le cheikh Mansour, membre de la famille royale d’Abou Dhabi, s’offrait le club de Manchester City, pour un montant estimé entre 185 à 259 millions d’euros. Dix ans après, en 2018, le club avait déjà dépensé 1,6 milliard d’euros en frais de transferts. En 2011, le fonds souverain du Qatar s’achetait 70% du Paris Saint-Germain pour 40 millions d’euros. En 2018, le club parisien avait déjà investi 1,5 milliard d’euros. Alors qu’un conglomérat saoudien est pressenti pour reprendre l’Olympique de Marseille, la géopolitique semble ainsi prendre le pas sur le ballon rond.
Sport et géopolitique
Interrogé par Sputnik, Pierre Conesa, géopoliticien et spécialiste du Golfe, y voit une «manière d’améliorer son image pour des pays qui ont du mal à exister sur la scène internationale». L’objectif est effectivement «d’accroître l’image, la notoriété de Bahreïn et de promouvoir la découverte de ce pays discret, mais ambitieux». C’est, selon Conesa, le Qatar qui est parvenu le premier à lisser son image grâce à la diplomatie sportive:
«Le Qatar a effectivement réussi à se positionner sur beaucoup de sujets de diplomatie publique, dont la constitution de grands musées d’art islamique et en même temps sur les compétitions sportives.»
Bahreïn et Paris FC: des ambitions modestes
Comment percevoir alors le rachat de 20% par Bahreïn d’un club français considéré comme mineur? Avec tout son franc-parler, Pierre Conesa minore la portée de cette annonce:
«Acheter un club de Deuxième division, ça correspond au classement de Bahreïn, c’est-à-dire que Bahreïn est aussi un pays de seconde division dans le conseil de coopération du Golfe. C’est un pays qui n’a pas de ressources propres et qui vit effectivement dans la solidarité financière avec l’Arabie saoudite, les Émirats, etc.»
Le communiqué du club n’est pas ambigu sur le sujet, le cœur de son projet restant «la formation des jeunes talents du bassin francilien» et non pas l’achat à coups de millions d’euros de superstars du ballon rond. Le géopoliticien pense que cette annonce-surprise n’améliorera pas de façon significative l’image du royaume, car ni la «couverture télévisuelle» ni «les échos internationaux des matchs européens» ne sont garantis.
Conservant 77% du capital, Pierre Ferracci, l’actionnaire principal, n’est pas un inconnu dans le monde de la politique et du football. Son fils Marc est quant à lui économiste, condisciple à Sciences Po d’Emmanuel Macron et accessoirement son témoin de mariage. Le texte officiel du club annonce enfin l’élargissement dans les prochains mois du capital du Paris FC «à un nouvel investisseur étranger et à des dirigeants d’entreprises franciliennes». Le club promet que son contrôle «continuera à s’appuyer sur un socle majoritaire régional et national».